Le roi Abdallah II, entre guerre et paix avec Israël

Abdallah II et son fils HusseinJamais autant le risque d’embrasement général dans le Proche–Orient n’a été aussi grand que ces derniers jours. Et si différents pays tentent désormais d’actionner le levier diplomatique afin de ramener israéliens et palestiniens à la table de la paix, une nouvelle intervention armée de certains pays arabes contre Jérusalem n’est cependant pas exclue. Depuis plusieurs semaines, les relations entre le roi Abdallah II de Jordanie et le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou se sont considérablement détériorées. Notamment depuis que le prince héritier Hussein s’est vu refuser l’entrée dans l’état hébreu  alors qu’il souhaitait se rendre à la mosquée al-Aqsa de Jérusalem-Est dont les Hashémites s’estiment les protecteurs ainsi que de tous les autres lieux saints de cette ville multiconfessionnelle. 

Abdallah de Jordanie  et  Benyamin NetanyahouProtecteur autoproclamé des lieux saints, le roi Abdallah II a déclaré qu’il « avait mis en place des contacts intensifs avec différents parties internationales pour arrêter l'escalade des tensions en Israël » sans toutefois préciser quel rôle le royaume Hashémite entendait jouer pour stopper cette nouvelle guérilla que se livrent depuis plusieurs jours, l’état hébreu et l’Autorité palestinienne. Chacun des protagonistes accusant l’autre d’avoir déclenché les hostilités le premier. Et si la France a réuni ses alliés européens, américains et arabes afin de ramener les israéliens et les palestiniens à la table des négociations, les relations entre Amman et Tel Aviv se sont considérablement détériorées. Dernièrement, le premier ministre Benyamin Netanyahou a simplement refusé de fournir en eau sa monarchie voisine en dépit des accords de paix signés entre les deux états en 1994, créant un casus belli. Pis, le gouvernement israélien a délibérément créé un incident diplomatique en refoulant à sa frontière le prince héritier Hussein qui devait se rendre à la mosquée al-Aqsa de Jérusalem-Est afin d’y prier, mettant en colère son alter égo jordanien.  « Netanyahou n’a plus aucune crédibilité dans les cercles décisionnaires jordaniens. Il est considéré comme un opportuniste qui fera tout pour assurer sa survie politique, même si cela provoque une crise et nuit aux relations bilatérales avec la Jordanie » a déclaré au quotidien « Middle East Eye » un sénateur du royaume. 

Benyamin Netanyahou  et son filsLa sanction n’a pas tardé à tomber et lorsque le dirigeant israélien, en pleine campagne électorale, a voulu survoler le territoire du roi Abdallah II pour se rendre aux Émirats arabes unis et se faire photographier avec son souverain, c’est une fin de non-recevoir qu’il a reçu. Le souverain jordanien reproche à Benyamin (Bibi) Netanyahou de se laisser diriger par son aile d’extrême-droite (son propre fils Yaïr a lui-même posté des slogans anti-musulmans sur son compte Facebook et accusé la gauche israélienne d’être des « traitres »). Une mouvance devenue de plus en pus active et qui appelle à la destruction de la célèbre mosquée,  construite sur l’emplacement d’un temple juif selon ellle. « Netanyahou appartient à la droite radicale et ne croit pas à la solution à deux États ou au processus de paix. Il a en outre une vision expansionniste envers la Jordanie » a affirmé à la presse l’ancien vice-Premier ministre jordanien, Mamdouh al-Abadi. Le leader du Likoud n’a pas bonne presse dans le royaume qui le soupçonne d’avoir voulu se débarrasser du roi Hussein en 1997 après la découverte d’un complot impliquant des agents du Mossad, les services secrets israéliens redoutablement efficaces.

La Palestine depuis 1947 à 2020En filigrane des tensions entre les deux états qui pourraient en venir à une solution armée, les récentes normalisations entre Israël et certains pays arabes qui ont profondément irrité la Jordanie qui croit savoir que l’état hébreu « cherche à prouver qu’il pouvait faire la paix avec les États arabes sans passer par les Palestiniens ou la Jordanie » précise le Middle East Eye. Hors depuis des décennies, c’est une chasse gardée du royaume qui entend faire appliquer les accords de 1947, à savoir deux états séparés distincts et indépendants, Israël et la Palestine. Quand même bien, la Jordanie a tenté d’annexer les territoires palestiniens afin d’agrandir son royaume en devenir au lendemain du retrait des britanniques du Proche-Orient (le roi Abdallah Ier occupera la Cisjordanie très brièvement). Enfin du côté du premier ministre hébreu en poste depuis 2009, on reproche au souverain d’avoir rencontré secrètement l’ancien ministre de la défense, Benny Gantz, son rival et qui serait plus prompt à cesser toutes colonisations des territoires qui composent l‘Autorité palestinienne.  « Je pense que la Jordanie est un grand atout pour Israël, et je pense que nos relations avec la Jordanie pourraient être 1 000 fois meilleures. Malheureusement, Netanyahu est une figure indésirable en Jordanie, et sa présence nuit aux relations entre les pays » a déclaré Benny Gantz. 

Tank à JérusalemDimanche dernier, le roi Abdallah II a condamné « les violations israéliennes et les pratiques menant à l'escalade (des tensions) autour de la mosquée Al-Aqsa», dénoncé « les provocations envers les habitants de Jérusalem, qui vont à l'encontre du droit international et des droits humains » et rejeté « les tentatives des autorités israéliennes pour changer la situation démographique à Jérusalem-Est, et toutes les mesures visant à changer le statut historique et juridique existant ». Des déclarations qui ont encore creusé le fossé entre les deux hommes et qui ont conduit le parlement à réclamer l’expulsion de l’ambassadeur israélien de Jordanie. « Si Israël persiste dans sa volonté d’annexer la Cisjordanie, cela conduirait à un conflit massif avec le Royaume hachémite de Jordanie» avait même averti l’année dernière le roi (agacé par l’accord cynique proposé par les Etats-Unis) et qui est prêt à en découdre si les tentatives internationales échouent. « Je ne veux pas faire de menaces et créer une atmosphère de capricieux, mais nous envisageons toutes les options » n’a pas hérité à renchérir le monarque. Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, plus de 200 palestiniens sont morts depuis le début des combats, dont 59 enfants. Israël a pourtant déclaré qu'il ne visait pas les civils et que bon nombre des personnes décédées étaient des terroristes ou avaient été tuées par des roquettes errantes du Hamas. Du côté israélien, on dénombre 10 morts dont un garçon de 5 ans et une fille de 16 ans, ont été tuées dans les tirs de roquettes, et des centaines de blessés. Une guerre de communication dont espère bien tirer son épingle du jeu le souverain hashémite. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 19/05/2021

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