D. Duarte tem direito a lugar no protocolo de Estado ? Dom Duarte aura-t-il enfin droit à un statut officiel ? C’est la question à laquelle la première commission de l'Assemblée de la République a tenté de répondre hier après qu’une pétition ait été déposée en ce sens en mars 2017 et qui a récoltée presque 8000 signatures. Soit le double du quorum obligatoire requis pour que la pétition soit étudiée puis transformée en projet de loi. Donner un rôle de représentation protocolaire aux anciennes maisons royales, une idée qui fait sereinement son chemin d’Est en Ouest et qui touche désormais la France, une des plus vieilles républiques d’Europe.
C’est à l’association monarchique Causa Real que l’on doit l’initiative de cette pétition dont l’objectif est de donner des droits protocolaires au sein de la république du Portugal au prétendant au trône, Dom Duarte–Pio de Bragance. Une « question de maturité pour le régime républicain » affirme le premier paragraphe de la pétition. C’est en mai 1950 que la maison royale a été autorisée à revenir à Lisbonne, après 4 décennies d’exil. On a songé maintes fois à restaurer la monarchie au cours du XXème siècle mais l’actuel prétendant devra se contenter des invitations que lui adresse une république jalouse de son pouvoir et dont la proclamation n’a pas été sans controverses.
L’étude de cette pétition est une victoire pour les monarchistes. La maison royale de Bragance jouit d’un certain prestige dans un pays qui est fier de son histoire. Et qui ne le cache pas. Quoi de plus normal donc que de donner des privilèges au prince, souvent mandaté pour des visites d’état ou de médiation, et à sa famille. Un projet qui a d’ailleurs fédéré un certain nombre de personnalités politiques de la droite à gauche. Pour l’universitaire José Adelino de Campos Maltez, donner un statut au duc de Bragance permettra de «mettre fin à une guerre [entre républicains et monarchistes-ndlr] qui n’a plus de sens ». Une attente de plus de deux ans qui n’a été remise entre les mains de la commission, qu’en décembre dernier et qui dessine enfin le début d’un éventuel projet de loi. A condition qu’il fasse l’unanimité.
Dans les Balkans, des projets similaires ont vu le jour. C’est d’ailleurs sur ces cas précis que la commission électorale du Portugal va se pencher afin d’évaluer la pertinence de lui accorder un rôle quasi identique à celui d’un chef d’état. En juillet 2011, le parlement de la jeune république indépendante du Monténégro a adopté la loi sur le statut de la maison royale des Petrovi? Njegoš. Renversée en 1918 lors de la création de la Yougoslavie, les négociations ont été âpres entre le prince Nicolas (II) et le gouvernement. Largement réhabilitée, le souvenir des princes-évêques demeure dans ce royaume de montagnes.
Bénéficiant d’une résidence où est logée sa fondation, le prince Nicolas, architecte en France, reçoit la somme annuelle de 4 millions d’euros pour couvrir ses activités et un salaire mensuel. Il peut également représenter officiellement le pays comme lors des obsèques en 2011 de l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine. En Roumanie voisine, il aura fallu attendre 2016 pour que la maison royale obtienne un statut qui fait d’elle quasiment un état dans l’état. Son influence est-elle, qu’elle n’a pas hésité à faire plier et chuter le gouvernement du premier ministre Mihai Tudose qui tentait de récupérer le palais Elizabeth. L’adoption d’un statut ne s’est pas fait sans animosités y compris chez les monarchistes qui craignent toujours que les chances de restauration aient été affaiblies par l’adoption de celui-ci. En effet, un des articles du statut permet à l’héritier(e) de la maison royale, devenu(e) pour la loi « une personne morale d'intérêt public », de porter le titre de roi ou de reine à sa libre appréciation. « Curatrice du trône » ou « Majesté » à chacun ses préférences. Aujourd’hui la princesse Margareta, fille du roi Michel Ier, reçoit une rémunération mensuelle de 3200€ par mois, soit 75% du salaire équivalent au président de la république. Tout est réglé par l’état qui envoie ses héritiers de la couronne à l’étranger signé des contrats commerciaux. La Roumanie, une république monarchique ? La question mérite d’être posée.
Tous n’ont pas cette chance. En Russie, depuis des années, il est question également d’un statut aux membres de la maison impériale des Romanov. En 2015, la Grande-duchesse Maria Vladimirovna aurait réclamé quelques privilèges au Kremlin. Les journalistes s’en faut l’écho, parle de la gourmandise de la prétendante au trône pour les Kirillovicth, la chancellerie impériale s’empresse par un communiqué de démentir les allégations de la presse de les rectifier. Les Romanov ne souhaitent pas la restitution de toutes ses propriétés perdues lors de la révolution de 1917 mais uniquement « que soit reconnue la maison impériale comme faisant partie de l’Héritage historique de la Russie » et « qui ne prévoit aucun pouvoir politique ni privilèges ». Tout est dans la nuance. A ce jour, les négociations piétinent, les divisions dynastiques n’aidant pas à l’aboutissement d’un projet concret. D’ailleurs à Ankara, la maison impériale des Osmanglu a, elle aussi, retrouvé toute son aura. Il a bien été ici question aussi d’un statut mais le projet a été quasiment abandonné aujourd’hui en dépit de la proximité de la maion impériale avec le gouvernement turque. De l’autre côté de l’océan, au Brésil, la question se pose actuellement pour les membres de la maison impériale des Orléans –Bragance.
Et la France ? Si on excepte la chute du second empire en 1870, l’Hexagone n’a plus de monarchie depuis 1848. Mais si la république sait copier les ors d’un système qu’elle a contribué à renverser par 3 fois au cours de son histoire, elle sait se servir également de ses princes à bon escient. A la tête de la maison royale de France depuis le 21 janvier de cette années, le prince Jean d’Orléans. Il a été élevé politiquement par son grand-père dont il porte le titre de comte de Paris. Les princes d’Orléans comme Napoléon ont effrayé la république, elle a eu tôt fait de les exiler mais n’a pas hésité à faire appel à eux pour des missions diplomatiques. Son grand-père, Henri et avant lui son propre Jean, duc de Guise n’ont pas hésité à mettre leurs talents diplomatiques au service de la France. Aujourd’hui, à l’instar des autres maisons royales avec lesquelles il cousine, le prétendant au trône de France entend désormais remettre sa famille au centre de la politique française en obtenant un statut officiel. Objet de rumeurs, le prince Jean d’Orléans a confirmé sa volonté de mettre en place ce projet lors d’un entretien accordé à «L’Echo républicain » en janvier 2019 où il évoquait ses espoirs de voir « la famille de France jouer un rôle de conseil auprès des instances de la république ». Une déclaration réitérée lors d’un second entretien au magazine « Point de Vue ». Difficile de dire si d’éventuels pourparlers ont été entamés en ce sens mais nul doute que le comte de Paris contribue déjà à faire accepter cette éventuelle idée au sein de la société française. La récente visite du président italien au château d’Amboise afin de marquer la réconciliation avec la France dont les relations ont été quelque peu malmenées avec l’arrivée au pouvoir du leader de la Ligue du Nord Matteo Salvini, semblent marquer le premier pas d’un projet qui ne dit pas encore son nom. Mais qui laisserait présager que la maison royale de France soit appelée à jouer un nouveau rôle important, restant encore à définir, au sein de la Vème république.
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Publié le 21/06/2019