L'interview de Dom Bertrand d'Orléans-Bragance pour ses 80 ans

Dom Bertrand d'Orléans-BraganceA l’occasion de son 80ème anniversaire, le prince Dom Bertrand d’Orléans-Bragance a accordé une longue et exclusive interview au numéro 64 du bulletin monarchiste « Herdeiros do Porvir ». L’héritier au trône impérial du Brésil (pour la branche des Vassouras), aux positions controversées, est revenu sur sa jeunesse, son attachement à la religion chrétienne, l'écologie et sur les espoirs que suscite le renouveau monarchiste au Brésil depuis l'arrivée au pouvoir du président Jair Bolsonaro. Un entretien très mystique qui ne manque pas de piquants.

Le magazine Hedeiros do PorvirHerdeiros do Porvir :  Dans quel type de milieu familial avez-vous grandi ? Quelles valeurs avez-vous reçu de vos parents ? Et de tous vos ancêtres, lequel admirez-vous le plus et pourquoi ?

Mgr Bertrand : La plus grande grâce que j'ai reçue de Dieu a été de naître dans une Famille catholique et unie. J’ai grandi dans un environnement très simple car la République nous avait privé de tout et nous avait exilé [1889-ndlr]. C’est d’ailleurs à cause de cela que mes deux frères aînés, ma sœur et moi sommes nées en France, en pleine Seconde Guerre mondiale. Mes parents, Dom Pedro Henrique et Dona Maria, nous ont élevé ainsi que mes frères dans la foi catholique  et avec cette mission d’assurer l’héritage historique de la famille impériale envers le Brésil. Je tiens de ma grand-mère paternelle, Dona Maria Pia, l‘amour de l'Église, mais aussi d’avoir appris à me méfier de nos ennemis, les agents de la Révolution.  « Dans cet affrontement, il appartient aux Souverains et aux Princes d'être en première ligne dans la défense du christianisme » m’a-t-elle enseigné. En ce qui concerne mes ancêtres, depuis mon plus jeune âge, j'ai admiré Dom Pedro I, pour son courage,  Dom Pedro II, pour la sagesse  et la princesse Isabel pour sa ferveur religieuse. Plus loin, les figures vénérables de saint Nuno de Santa Maria, connétable de Portugal, et de saint Louis IX, roi de France, que je considère comme le souverain idéal, ont toujours été présentes dans mes pensées. Des saints, sages et des héros, qui rendent la justice pour le bien de leur peuple et mène leur pays vers la grandeur.

Prince Pedro Henrique d'orleans- BraganceHerdeiros do Porvir:  Vous êtes né en exil en France. Quels souvenirs gardez-vous de votre arrivée au Brésil à l'âge de quatre ans ?

Dom Bertrand : Même si j'étais très jeune à l'époque, il y a trois choses que je n'oublierai jamais : d'abord, l'accueil chaleureux, la gentillesse et le respect des Brésiliens, monarchistes ou non. Deuxièmement, la première vision que j'ai eue reste celle du Christ Rédempteur, au sommet de la montagne du Corcovado qui m’a laissé cette impression de bénédiction. Et troisièmement, l'abondance des ressources d'un pays merveilleux et prometteur, qui n'avait pas souffert de la terrible guerre qui venait de se terminer.

Hedeiros do Porvir : Pouvez-vous nous parler de votre parcours universitaire ?

Dom Bertrand : J'ai étudié dans des écoles catholiques traditionnaistes à Rio de Janeiro et au Paraná, où ma famille a déménagé en 1951, car mon père avait acquis une ferme dans le nord de cet État. En 1964, j'ai terminé mes cours de droit à la Faculté Largo de São Francisco, à l'Université de São Paulo, où j'ai participé activement aux luttes idéologiques qui ont marqué cette période, à tel point que ma classe est encore connue aujourd'hui comme celle du « Principe ». Mon père a confié l'achèvement de mon éducation culturelle et religieuse, ainsi que celle de mon frère Dom Luiz, à son ami d'enfance, le Docteur Plinio Corrêa de Oliveira, éminent penseur catholique et monarchiste, fondateur de la Société pour la défense de la tradition, de la famille et de la propriété (TFP) – dont l'œuvre est aujourd'hui poursuivie par l'Institut Plinio Corrêa de Oliveira – où, pour ainsi dire, j'ai commencé le combat de ma vie : la restauration pour un Brésil authentiquement chrétien et monarchique. 

Dom Pedro IIHedeiros do Porvir: Vous avez un agenda très chargé. Que faîtes-vous de votre temps libre ? 

Dom Bertrand : Quand j'étais jeune, je faisais du sport : l'équitation, la pêche sous-marine, le ski, l'alpinisme et le tir ont été des activités qui m'ont attiré à différentes époques de ma vie. D'autre part, j'ai toujours aimé participer à des cercles de conversation, discuter de politique, d'économie, ainsi que de la doctrine et du cérémonial de l'Église. Et je lis beaucoup, toujours sur des sujets historiques.

Hedeiros do Porvir : Vous êtes le membre de la famille impériale qui a le plus voyagé sur tout le territoire national. Connaissez-vous tous les États de la Fédération ?

Mgr Bertrand : Tous sauf Acre, que j'ai l'intention de visiter dès que les circonstances le permettront.

Hedeiros do Porvir : Si on restaurait la monarchie au Brésil et au Portugal, serait-il possible de créer une « communauté lusophone », réunissant des territoires d'Amérique, d'Europe, d'Afrique, d'Asie et d'Océanie, à l'image du Commonwealth britannique ?

Dom Bertrand : D. João VI, lorsqu'il est arrivé au Brésil, a compris que l'avenir était de constituer une Communauté de Nations autonomes, mais unies par un lien chrétien et d'affection, comme l'a été le Saint Empire romain germanique. Je pense la même chose.

Dom Bertrand d'Orléans-BraganceHedeiros do Porvir : Par rapport au MERCOSUR, à votre avis, quel rôle joue le Brésil ? 

Mgr Bertrand : Je ne suis pas favorable aux blocs régionaux qui, de plus en plus, se forment non pas par des intérêts économiques communs, mais par des idéologies qui visent la formation d'une république universelle et nient les libertés légitimes et la diversité des peuples. Le Brésil, de par ses dimensions, son peuple et sa foi, est appelé à conduire l'Amérique latine dans la réalisation de son destin : être le dernier et redoutable front de défense de la civilisation chrétienne, contre lequel les ennemis de l'Église ne pourront jamais se prévaloir.

Hedeiros do Porvir : Vous êtes l'auteur du livre « Psychose environnementale : les coulisses de l'écoterrorisme pour mettre en œuvre une « religion » écologique, égalitaire et anti-chrétienne », succès public et critique, maintenant dans sa huitième édition et salué par des personnalités de politique. Qu'est-ce que la « psychose environnementale » ?

Mgr Bertrand : Il faut savoir distinguer le véritable environnementalisme de celui du sectarisme. Dans un sens ordonné et bon, l'environnementalisme consiste à préserver la nature, afin d'offrir une vie saine aux plantes, aux animaux et, surtout, aux hommes. A la Création, Notre-Seigneur Dieu a disposé de la nature pour servir l'homme, qui doit la travailler, parfois durement, en punition du péché d'Adam et Eve. Dans notre conception, l'homme est le jardinier de Dieu ; à l'opposé, la conception matérialiste, l'environnementalisme sectaire affirme que l'homme est un prédateur qui détruira toute la nature. Or, ceux qui défendent cette absurdité sont les mêmes qui cherchent à saper le légitime progrès matériel des peuples et à détruire ce qui reste encore du christianisme ; J’appelle cela des « éco-terroristes ».

Le trône impérial brésilienHedeiros do Porvir : Quelle sont vos relations avec les Maisons royales européennes, régnantes et non régnantes, avec lesquelles vous êtes apparentés ?

Mgr Bertrand : La Famille Impériale, grâce à notre excellente tradition de mariages dynastiques, est liée à toutes les Familles régnantes et non régnantes en Europe, avec lesquelles nous nous entendons très bien, profitant toujours des occasions de se rencontrer. Aujourd'hui, nous sommes plus proches des familles royales du Portugal, de France [ici les Orléans-ndlr], de Bavière et des Deux-Siciles.

Hedeiros do Porvir : Le 5 juillet, vous êtes depuis 40 ans prince impérial du Brésil. Comment percevez-vous votre rôle ?

Dom Bertrand : Le 5 juillet 1981, mon frère Dom Luiz a pris la direction de la Maison Impériale du Brésil, poursuivant la mission historique de notre Famille et stimulant les activités du mouvement monarchique, en suivant toujours l'exemple laissé par notre père, Dom Pedro Henrique. Dom Luiz a contribué de manière décisive, à l'occasion de l'Assemblée constituante de 1987-88, à l’abolition de la « clause de Pierre », une disposition qui interdisait tout parti politique de remettre en cause la formule républicaine de gouvernement et qui laissait donc les monarchistes sur le banc de touche. Il a pris la tête de la campagne monarchique du Plébiscite de 1993. En dépit d'un siècle de déformation de l'Histoire, avec toute une machine de propagande entre les mains de la République , nous avons obtenu 13% des voix, ce qui reste une véritable victoire morale. Il y a aussi un détail qu'il me semble important de souligner à propos de cette campagne : dans tous les débats, lorsque monarchistes et républicains s'affrontaient sur le même pied d'égalité ors de débats, ce sont les monarchistes qui l'emportaient toujours. Tout cela en grande partie grâce au leadership sage et inspirant de Dom Luiz, soutenu par moi et nos frères, en particulier Dom Antonio. Aujourd'hui, Dom Luiz continue d'inspirer les anciens et les jeunes qui aspirent à un Brésil fidèle à lui-même et en pleine ascension. C'est un chef d'État modèle, un catholique exemplaire et hautement préparé à servir la Nation en tant qu'empereur constitutionnel et défenseur perpétuel. Mon rôle en tant que Prince Impérial est d’être au service du Brésil et des Brésiliens.

Dom Bertrand d'Orléans-Bragance  face à ses partisansHedeiros do Porvir : Quelle est votre opinion sur la situation actuelle au Brésil ?

Dom Bertrand : Je vois le Brésil traverser une période de changement, dans laquelle notre peuple, toujours aussi lucide, est fatigué de la République ; de nos jours, vous ne trouverez pas un seul Brésilien qui vous indique que la République fonctionnéau Brésil. Peu à peu, ils se rendent compte que la monarchie est la solution naturelle aux problèmes du pays, car elle correspond mieux à la nature humaine et au bon ordre placé par Dieu. La mission du monarque dans cette conception est avant tout de stimuler les qualités de son peuple et d'inhiber les mauvaises tendances.

Dom Bertrand à la Manif pour tous en 2013Herdeiros do Porvir : Et quelles sont vos perspectives concernant la Restauration de la Monarchie ?

Dom Bertrand : Comme je l'ai dit plus haut, je vois le désir de changement lors de mes déplacements et mes conférences du Nord au Sud du Brésil, dans des environnements très divers, religieux, commerciaux, militaires et universitaires. Si j'avais le malheur d'être républicain, je serais désespéré, car la république au Brésil a ses jours qui lui sont comptés. Je suis sûr que très bientôt nous verrons la Restauration de la monarchie dans le pays de Santa Cruz.

Herdeiros do Porvir : Après avoir restauré la Monarchie, quelle devrait être, selon vous, la première action de l'Empereur ?

Dom Bertrand , membre de la TFPDom Bertrand : Faire revivre chez les Brésiliens la conscience que la Nation est avant tout une grande famille avec un destin commun. La mission de l'Empereur n'est pas d'être un despote tout-puissant, mais plutôt l'exemple et le miroir des vertus de son peuple, qu'il est appelé par la Divine Providence à défendre et à guider vers la grandeur matérielle, culturelle et surtout spirituelle.

Herdeiros do Porvir : Pourriez-vous laisser un message aux lecteurs des « Herdeiros do Porvirr » et aux monarchistes en général ?

Dom Bertrand : J'appelle les monarchistes à préserver leur mode de pensée, leurs traditions et particularités régionales, en restant toujours unis dans l'essentiel : la fidélité à la Légitimité onamrchique, désormais incarnée par Dom Luiz, et le respect des principes fondamentaux exprimé dans les fameuses « Propositions de base pour la restauration de la monarchie au Brésil ». Enfin, soyons toujours sûrs que notre cher Brésil est appelé à devenir un pays authentiquement chrétien, monarchique  et fort, qui servira d'exemple à tous les peuples du monde dans le processus de restauration du christianisme

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Date de dernière mise à jour : 07/06/2021

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