À Toronto, lors d’une cérémonie en hommage à Cyrus le Grand, le prince Reza Pahlavi a esquissé sa vision d’un Iran libéré de la République islamique : un pays tourné vers la paix et la coopération régionale. En lançant l’idée d’« Accords Cyrus », il appelle à une refondation politique et morale de la nation perse. Analyse.
Lors d’une cérémonie torontoise dédiée à Cyrus le Grand (du nom du roi -fondateur perse entre 559 à 530 av. J.-C.), le prince Reza Pahlavi a tracé, vendredi 24 octobre 2025, les grandes lignes d’une nouvelle vision pour « l'après‑République islamique » : convertir les ressources de l’État « du soutien à la violence » vers la « promotion de la paix » et proposer un nouveau cadre régional qu’il qualifie d’« Accords Cyrus ».
Si sa posture séduit toujors une large part de la diaspora iranienne et des milieux occidentaux favorables à une normalisation, certains passages de son intervention — notamment des exhortations, telles que rapportées, à se préparer militairement — soulèvent des questions sur la stratégie qu’il prône pour parvenir au changement. Un tournant pour le fils du dernier Shah qui jusqu'ici avait prôné la voie pacifique pour arrover à ses fins.
Un cadre symbolique, une ambition diplomatique
Devant artistes irano‑canadiens et membres de la communauté expatriée, Reza Pahlavi a invoqué la figure de Cyrus le Grand — célébrée comme un symbole de tolérance et d’identité nationale — pour dessiner une feuille de route politique et morale. Selon lui, les principes hérités de Cyrus — « identité iranienne, humanité, liberté et tolérance » — doivent inspirer la « reconstruction de l’ordre politique et social iranien ».
Au cœur de sa proposition se trouve l’idée d'« Accords Cyrus » : un mécanisme de normalisation qui, selon Pahlavi, élèverait les Accords d’Abraham de 2020 — qui ont rapproché plusieurs pays arabes d’Israël — vers une dynamique incluant un futur Iran démocratique et pacifié. Pour le prince, un Iran débarrassé du régime actuel pourrait devenir « une force de paix » et contribuer à la stabilité régionale.
Au cours de son discours, le prince Reza Pahlavi a martelé que les ressources publiques — aujourd’hui, selon lui, détournées vers des politiques d’ingérence et d’affrontement — devraient être redéployées vers l’éducation, la santé et les infrastructures nécessaires à la modernisation du pays. « Sous un nouveau gouvernement, l’Iran pourrait réorienter ses ressources du soutien à la violence vers la promotion de la paix », a‑t‑il affirmé, esquissant un contraste entre la dépense militaro‑sécuritaire et les besoins civils d’un pays en souffrance.
Cet argument, humanitaire et économique, est destiné à faire passer l’idée que la fin du régime islamique ne serait pas seulement un changement de pouvoir mais une opportunité de développement. Dans les milieux diplomatiques et chez certains analystes, l’argument porte d'ailleurs : réintégrer l’Iran dans le concert des nations passerait par des garanties concrètes de coopération et par des projets économiques ambitieux.
Un appel à la responsabilité — et une phrase qui inquiète
Reza Pahlavi a également appelé à « restituer la souveraineté nationale au peuple » et a qualifié la République islamique de « corrompue et malveillante ». Un credo pour celui qui est exilé dépuis 1979, date à laquelle l'Ayatollah Khomeiny a renversé sa famille. Il a estimé que sa fin permettrait à l’Iran de retrouver sa place « en tant que force de paix ». Ces propos, qui s’inscrivent dans la longue dénonciation du régime, sont accompagnés depuis plusieurs mois par des appels du prince en faveur du soutien aux formes de résistance civile — grèves, pressions économiques et soutien politique à l’opposition. Bien que le régime islamiquee vérouille les accès à l'extérieur, il n'ets pas rare de voir des Iraniens faire écho aux appels du prince en scandant son nom, celui de son grand-père fondateur de la Perse modene.
Encore dernièrement, face au coût de la vie sans cesse en augmentation, aux sanctions imposées par Washington et en dépit d'une violente répression qui a fait des milliers de morts, Téhéran a été secoué par des manifestations spontanées en faveur du prétendant au trône.
La formule « Accords Cyrus » a rencontré un accueil chaleureux dans certains milieux — notamment parmi des organisations de la diaspora qui voient dans la proposition une voie réaliste vers la réconciliation régionale — et une curiosité prudente chez des experts en géopolitique. Mais elle oblige aussi les partenaires potentiels (États de la région, Israël (quii a adoubé le prince Pahlavi afin qu'il conduise la transition), Occident) à poser des garanties : comment l’égalité des engagements sera‑t‑elle assurée ? Quel sera le calendrier de démilitarisation et de reddition des responsabilités ? Ces questions traduisent le défi majeur d’un projet qui, s’il veut transformer des mots en traités, devra s’appuyer sur des institutions solides et des garanties vérifiables. En revanche, des passages rapportés de son discours — notamment la formulation selon laquelle « les Iraniens devaient être prêts à assumer la responsabilité de leur destin » et, selon certains comptes‑rendus, à « former de petits groupes de combat » et se « préparer à la bataille finale » — ont été perçus comme ambivalents, voire dangereux. Plusieurs observateurs ont mis en garde : même évoquée au titre de la légitime défense ou de la préparation, la glorification d’actions violentes compliquerait le soutien international et fragiliserait la crédibilité d’un projet se disant démocratique.
L’intervention de Reza Pahlavi à Toronto cristallise une tension centrale : entre une ambition claire — redéployer l’Iran vers la paix et la coopération mondiale — et des éléments discursifs qui peuvent être interprétés comme une invitation à la confrontation. Pour que la vision des « Accords Cyrus » ne reste pas une formule symbolique, elle devra convaincre non seulement la diaspora et l’opinion iranienne, mais aussi des partenaires internationaux longtemps méfiants après des décennies de politique régionale conflictuelle de Téhéran.
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