«Je ressens un profond dégoût en découvrant ces meurtres et les peines minimales que les auteurs encourent pour les avoir commis». C’est son premier communiqué officiel comme princesse impériale d’Iran. Fille aînée du prince Reza Shah Pahlavi, la princesse Noor («Lumière») s’est indignée, dans un éditorial publié dans Asharq Al-Aswat, des nombreux assassinats dont sont l’objet les femmes d’Iran. Dénonçant l’attitude du régime islamique de Téhéran et des traditions moyenâgeuses persistantes, Noor Pahlavi trace ses pas dans ceux de sa grand-mère, la dernière impératrice d’Iran.
Elle a vu le jour dans une clinique américaine le 3 avril 1992 (14 farvadine 1371 selon le calendrier persan). Fille aînée d’une fratrie qui compte 3 enfants, elle porte un nom illustre, celui d’une dynastie qui a régné de 1925 à 1979 sur l’Iran. Le jour de sa naissance n’a pas été marquée par des manifestations de joies ni par un défilé de dignitaire impériaux mais par la seule présence des membres de sa famille, exilée depuis cette révolution qui a menée au pouvoir les mollahs. Et si les règles de succession n’autorise pour l’instant que les mâles à monter sur le trône du Paon, une modification de cette loi que souhaiterait faire son père en dépit de l’opposition de nombreux iraniens sur le sujet, Noor Pahlavi assume son rôle de princesse héritière et trace ses pas dans ceux de sa grand-mère, l’impératrice Farah Diba. «Ma grand-mère a une conscience aiguë de ses responsabilités à l’égard de l’Iran, elle a toujours continué à parler aux gens de ce pays qu’elle a dû quitter précipitamment» déclarait la princesse au magazine Point de Vue, en 2017.
«C’est avec regret que j’ai été informé que mon compatriote Jahangir Azadi-Miyankouhi, vétéran de la guerre de huit ans avec l'Irak [1980-1988], a mis fin à sa vie en s’immolant devant la Fondation des Martyrs à Kermanshah . Puis il y a eu le suicide d'Omran Mohamadi-Roshan, un gardien de sécurité des puits de pétrole, qui s'est pendu parce que son salaire n'était pas payé». Le 12 juin dernier, la Shabanou a envoyé une lettre de condoléances à la famille de deux iraniens que leur condition de vie a poussés au suicide. Depuis plusieurs semaines, quelques médias se font l’écho de la pauvreté et dans la violence sociale dans laquelle les iraniens vivent actuellement sans que cela ne semble émouvoir le gouvernement qui accuse le blocus économique imposé par les américains sur le pays de Cyrus le Grand. «Je ressens un profond dégoût en découvrant ces meurtres et les peines minimales que les auteurs encourent pour les avoir commis» s’indigne la princesse Noor Pahlavi qui cite les cas de «Romina Ashrafi (14 ans), Fatemeh Barahi (19 ans) et Reyhaneh Ameri ( 22 ans), chacune assassinée par un de membre de leur famille». L’étudiante de Columbia entend être une voix de la liberté pour les jeunes de sa génération, privée de liberté en Iran, «ce pays qu’elle rêve de découvrir».
«Les femmes en Iran sont nées dans une société où leur vie n'a jamais été vraiment la leur. Elles ont été élevées dans la peur dans les endroits même où elles auraient dû se sentir le plus en sécurité, chez eux. On ne les a pas élevé pour être indépendantes et dans le respect des uns et des autres mais à être le bien d’autrui à venir. Elles sont victimes d’un fanatisme et de croyances dangereuses qui, dans tout notre pays et au Moyen-Orient, coûtent trop de vies» poursuit la princesse impériale qui regarde sa famille comme un modèle d’unité et une source d’inspiration. Impératrice d’Iran, Farah Diba contribua largement à l’épanouissement de la femme en Iran et à leur éducation au sein d'une société déjà dominée par le patriarcat et le clergé. Noor Pahlavi entend suivre ce que lui a enseigné «Mama Yaya», comme elle appelle dans l’intimité, l’épouse du feu ShahinShah Mohammed Reza Pahlavi. «Le gouvernement est responsable de cette situation» s’irrite Farah Diba. «Je découvre la profondeur du problème dans notre patrie, des crimes d’honneurs qui ne devraient pas exister» renchéri la princesse Noor dans son éditorial et qui dénonce l’archaïsme qui règne encore au sein de la société iranienne. «Après avoir appris sa relation avec un garçon qu'il n'approuvait pas, son père a acheté du poison à rat et a dit à sa femme de convaincre Romina de se suicider pour qu'il n'ait pas à faire face à la honte. Ou de se pendre» explique la princesse. «Finalement, après avoir consulté son avocat pour s’assurer qu’il n’aurait pas une longue peine de prison, il a tranché la gorge de sa fille avec une serpe pendant son sommeil» s’horrifie Noor Pahlavi. «30% des meurtres commis en Iran sont des crimes d’honneur et sans que le gouvernement ne se sente véritablement concerné par ces tragédies» s’agace la fille du prétendant au trône «Lorsque j'ai parlé avec ma grand-mère de ces problèmes, elle m’a fait remarquer avec justesse que, bien que la question trouve ses racines dans nos traditions , les gouvernements ont la responsabilité de protéger la vie de leurs citoyens, y compris de leur propre famille » ajoute-t-elle.
«Dans les pays occidentaux dotés de lois modernes, les États agissent rapidement contre les parents qui maltraitent leurs enfants et peuvent même les retirer de la garde des parents et les confier à l’État. [Depuis la révolution], notre société n’a cessé de régresser. Pis Khomeiny [l’ayatollah, tombeur de la monarchie-ndlr] a fait abolir une loi sur la protection de la famille, ratifiée par mon grand-père, accusant celle-ci d’avoir été conçue pour détruire la famille musulmane» déplore la princesse Noor Pahlavi dont les dernières photos dans le magazine Vogue, incarne tout ce que la Perse a de captivant en terme de beauté orientale. «Tous les Iraniens doivent se lever et se battre pour mettre fin à ces meurtres» tape du poing sur la table la princesse qui se met la tête du mouvement de libération des femmes iraniennes. Des femmes qui se sont révoltées ces derniers temps, en publiant des photos d’elles sur les réseaux sociaux, têtes nues sans le tchador, prenant le risque de se faire arrêter par les gardiens de la révolution. «Il est temps qu’un régime se charge de protéger les femmes et mettent fin à ce problème culturel, ces traditions qui n’ont plus lieu d’être. Les femmes, les filles d’Iran ne doivent plus être la propriété d’autrui» rappelle en guise de conclusion la fille de Reza Shah Pahlavi, aujourd'hui suivie par 300 000 personnes sur son compte Instagram. Une icône en devenir.
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