Interview de la Grande-duchesse Maria Wladimirovna

La grande duchesse maria wladimirovnaElle descend du Tsar Alexandre II et reste pour une grande majorité des monarchistes, la chef de la maison impériale de Russie. Son nom, Romanov, renvoie aux plus belles heures d’un empire emporté dans la tourmente d’une révolution en 1917. Depuis la chute du communisme, l’aigle bicéphale de la monarchie flotte de nouveau sur la Russie éternelle et tous les yeux sont tournés vers cette dynastie qui pourrait être rappelée au pouvoir si le Président Vladimir Poutine le souhaitait. Famille, religion, monarchie, Crimée, Nicolas II…pour le webzine « Royal Russia » la Grande-duchesse a répondu aux questions de Paul Gilbert, un expert des Romanov et auteur d’ouvrages sur la maison impériale.

La Grande -duchesse Maria Wladimirovna est née le 23 décembre 1953, à Madrid. La monarchie est tombée presque quatre décennies plutôt. Son père, le Grand-duc Wladimir Kirillovitch (1917-1992) est alors le prétendant au trône de Russie et prend son rôle très à cœur. Après avoir été tenté d’écouter les promesses du Reich allemand, le prince s’est retourné contre ceux qui ont fini par envahir son pays en 1941. Hors de question de rentrer en Russie, appelée alors Union Soviétique, dans le fourgon de l’étranger et pis, sous les couleurs de la croix gammée. Et si Joseph Staline finit par imposer le diktat du communisme dans une grande partie de l’Europe de l’Est, le Grand-duc Wladimir Kirillovitch entend continuer à être cette voix de l’oposition et le protecteur des russes émigrés. C’est dans ce contexte que grandit la jeune Maria. « Mes parents s'aimaient beaucoup et ils ont créé cette atmosphère d'amour autour moi. Vivre et grandir dans un environnement aussi aimant a été pour moi une source de grand bonheur » explique la princesse au regard d’un bleu impérial. « Je ne peux pas dire que j'ai été élevée comme une enfant gâtée ou que j'ai eu tout ce que j’ai voulu. Ma mère et mon père pouvaient être assez stricts et exigeants avec moi quand ils en avaient besoin. Par exemple, ils ont beaucoup insisté pour que j’apprenne avec assiduité la langue russe » poursuit -elle. Elle a été très rapidement consciente de ses devoirs.

Grand duc vladimir romanov« Mes parents n'ont jamais douté que le jour viendrait où nous aurions la possibilité de retourner dans notre patrie» explique la petite-fille du Grand-duc Kirill. Ce dernier s’est proclamé curateur du trône en 1922 après avoir eu la certitude qu’il n’y avait plus d’espoirs de de retrouver des membres vivants la famille impériale régnante, exécutée en juillet 1918 par les bolchéviques.  Une décision qui fait toujours polémique parmi tous les descendants Romanov. D’ailleurs c’est en 1991, à l’invitation du maire de Saint-Pétersbourg, que le Grand-duc Wladimir peut enfin reposer les pieds dans un pays qu’il n’a jamais connu, né quelques mois après la révolution. « Il a passé toute sa vie hors de Russie, se déplaçant de pays en pays. Mais il ne s'est jamais senti chez lui dans aucun de ces pays car il songeait toujours à la Russie, qu'il considérait toujours comme sa véritable patrie. Il n'a jamais accepté la citoyenneté ni adopté la nationalité d'un autre pays. Il croyait que sa seule raison d'être était de servir du mieux qu'il pouvait sa patrie. Il considérait cela comme un devoir sacré, et pendant toute sa vie, remplie en grande partie de difficultés et de peines, il a rempli son devoir, tel qu'il le comprenait, du mieux qu'il pouvait » affirme fièrement la Grande-duchesse.

Lorsqu’on est venu lui proposer de revenir en Russie, il n’a pas hésité en dépit d’objections de certains partisans de la monarchie qui craignaient pour sa vie et qui restaient méfiants. Maria Wladimirovna n’oublie pas pour autant sa mère, Léonida Bagration-Moukhranski décédée en 2010, à l’âge de 95 ans . Née au sein de la maison royale de Géorgie, elle était « une compagne fidèle, loyale, gentille, sincère et dévouée à mon père » se souvient-elle avec émotion. « Ma mère l'a pleinement soutenu dans cette décision de revenir dans la mère-patrie » (novembre 1991) renchérit-elle. Et peu importe qu’une partie de sa famille conteste les droits aux trône de son père qu’elle assume aujourd’hui. Le Grand-duc Kirill a été accusé d’avoir arboré le brassard rouge durant la révolution de février 1917, Maria Waldimirovna balaye ces allégations. « La correspondance entre mon grand-père et son oncle, le grand-duc Paul Alexandrovitch, en février et mars 1917, qui est conservée dans les archives d'État de la Fédération de Russie et qui a été publiée à plusieurs reprises, montre clairement qu'ils se sont battus ensemble de toutes leurs forces et de toutes les manières possibles pour préserver Nicky [Nicolas II-ndlr] sur le trône » rappelle-t-elle. « Il est certainement possible qu’ils n’aient pas pleinement compris la gravité de la situation et qu’ils aient donc commis un certain nombre d’erreurs ou fait de mauvais calculs, mais il n’y a sans aucun doute jamais eu la moindre trace de déloyauté dans leurs actes. Ni mon grand-père ni le grand-duc Paul Alexandrovitch n'ont servi le gouvernement provisoire. Ils ont démissionné de leurs fonctions et bureaux officiels après l'arrestation illégale de la famille impériale. Cette fiction sur le «brassard rouge» et d'autres affirmations calomnieuses n'a commencé à se répandre qu'après que mon grand-père ait assumé les responsabilités dont il a légalement hérité» s’agace la Grande-duchesse.

Tsar nicolas ii« Je voyage dans toute la Russie et la Maison impériale russe y est très active. Je suis très heureuse de voir comment la grande majorité de mes compatriotes, même ceux qui ne partagent pas nos points de vue et nos valeurs, nous traitent néanmoins avec gentillesse, amour, compréhension et chaleur. Le travail que nous faisons est totalement indépendant de toute forme de politique. Les projets dans lesquels nous sommes impliqués sont tous liés à des actions de charité, au renforcement de la paix ethnique, religieuse et civile, à l'établissement de liens entre les peuples de l'ancien Empire russe, à l'éducation, à la préservation de l'héritage historique de la Russie ou encore et la protection de l'environnement naturel de notre pays. La Russie est ma patrie, et cela dit tout » explique Maria Wladimirovna qui défend ardemment la mémoire de Nicolas II. « Comme tout être humain ou homme d'État, il a certainement commis des erreurs. Mais c'était un homme d'une foi profonde, un grand patriote, un homme honorable, authentique et humain, qui, avec courage et intégrité, a supporté toutes les épreuves que le destin lui avait infligées, tant pendant son règne qu'après » tient à préciser la prétendante au trône. « En le canonisant, la Sainte Église a confirmé que l'empereur Nicolas II avait été l'un des principaux guides moraux de notre peuple. Et je crois que cette décision de la hiérarchie de l'Église résonne dans le cœur de mes compatriotes » poursuit la descendante du Tsar Alexandre II qui se félicite que le gouvernement ait réhabilité le dernier Tsar de Russie, Nicolas II Alexandrovitch, et sa famille.

L’orthodoxie et la maison impériale Romanov sont indissociables, les deux mamelles de la nation russe. « Pendant nos années d'exil, mon grand-père et ma grand-mère, mes parents, moi-même et mon fils avons profondément déploré ces divisions qui régnaient au sein de l'Église orthodoxe. Nous nous sommes toujours efforcés de restaurer l'unité de l'Église » affirme Maria Wladimirovna qui confesse entretenir une relation étroite avec le patriarche Kirill de Russie. Lequel le lui rend bien. D’ailleurs le patriarche comme la chef de la maison impériale émettent des doutes sur les restes retrouvés de la famille de Nicolas II. « Le gouvernement russe a commis une grave erreur en déclarant si rapidement et définitivement que ces restes appartenaient à la famille impériale et en les enterrant dans le mausolée de notre maison. De sérieux doutes subsistent quant à leur authenticité » prétend la Grande-duchesse qui suggère fortement de recommencer l’enquête.

Du grand duc kirill au grand duc george une dynastie les romanovLa prétendante au trône assume ses positions politiques. La Crimée est russe et restera russe. «Son peuple a voté lors d'un référendum pour s'unir à la Russie. Et il n'y a aucune preuve que le référendum ait été falsifié. Il est important de se rappeler que la Crimée n’a jamais eu aucun lien historique avec l’Ukraine durant la période impériale ni durant la période soviétique. La décision de transférer la Crimée (du moins Sébastopol) en Ukraine a été prise par décret par le chef du régime communiste, Nikita Khrouchtchev, en 1954. Il n'y a eu aucun scrutin, aucun référendum des habitants de Crimée à l'époque. Cela s'est fait d'un coup de stylo. Après la chute de l'URSS, la question de la Crimée n'a pas été abordée. Après la révolution de 2014 à Kiev, lorsque le président légalement élu de l'Ukraine, Viktor Ianoukovitch, a été démis de ses fonctions, le nouveau gouvernement a pris des mesures et fait des déclarations publiques qui menaçaient clairement la paix et la stabilité nationale et religieuses internes du pays. Il y a eu des attaques contre la population russophone, des persécutions ont commencé contre le clergé et les fidèles de l'Église orthodoxe ukrainienne liée au patriarcat de Moscou » martèle la fille de Wladimir. « La situation en Ukraine est pour moi et mon fils [le Grand-duc George-ndlr]  reste une source de grande angoisse. Les Ukrainiens, les Russes et les Biélorusses sont des peuples étroitement liés. En effet, historiquement, ce sont trois branches d’un même arbre. C’est une chose horrible quand les gens s’entre-tuent, mais c’est encore pire quand les victimes sont vos propres frères et sœurs. » déplore Maria Wladimirovna.

Monarchistes russesElle se déclare prête à monter sur le trône. Un tiers des russes sondés sur la question soutient l’idée monarchique. Soit 28%. « Il est important non seulement de se souvenir des contributions que notre dynastie a apportées, mais aussi de connaître l'histoire de notre pays, de tirer des leçons de son passé. Je n'idéalise pas les règnes des Tsars. Au contraire, si je dis toujours qu’il y a beaucoup de raisons d'être fier de notre passé, il y a aussi beaucoup à regretter, et je demande donc pardon à Dieu et à mon peuple en mon nom propre et au nom des générations précédentes de la dynastie » dit la Grande-duchesse. « Je suis convaincue que la monarchie pourrait être à nouveau utile à la fois en Russie et dans de nombreux autres pays. La monarchie héréditaire offre une continuité entre le passé et le présent tout en assumant sa position d’arbitre naturel. La monarchie défend et protège les intérêts de la nation entière dans son ensemble. Je dirais même que la monarchie est un vecteur de modernisation beaucoup plus efficace que les républiques. En Russie, il suffit de penser à Pierre Ier le Grand, à Catherine II la Grande ou à Alexandre II le tsar-libérateur et voir tout ce qu’ils ont accompli. La monarchie est, je pense, une institution beaucoup plus humaine qu'une république » explique la Grande duchesse. « Je crois qu'il y a un avenir pour la monarchie en Russie.  Mais toute décision de la restaurer ne peut être prise que par la voie d’un référendum, et sur la base d'une compréhension et d'une acceptation de l'ensemble du système monarchique, d'une compréhension de l'histoire - à la fois ses réalisations et ses échecs » explique la prétendante au trône, qui espère que le gouvernement va enfin se prononcer favorablement sur un statut officiel pour les membres de la famille impériale des Romanov.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 11/09/2020

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