Fronde de la noblesse contre le prochain mariage impérial russe

Monarchistes russesPour la première fois depuis la révolution de 1917 qui a précipité la chute des Romanov, un mariage impérial va avoir lieu sur le sol russe. Prévu le 1er octobre prochain, de nombreux membres du Gotha, diplomates et autres membres du gouvernement russe sont attendus dans la cathédrale Saint-Isaac de Saint-Pétersbourg afin d’assister aux noces du Grand-duc héritier Georges Romanov et de Victoria-Rebecca Bettarini. Une cérémonie pourtant loin de faire l’unanimité parmi tous les monarchistes et la noblesse russe. C’est vent debout que certains ont écrit au Président Vladimir Poutine afin de dénoncer « une tentative de légitimer les droits des descendants de la branche Kirillovitch » au trône de Russie et une « falsification de l'histoire russe ». Une lettre rendue publique dans la presse, d’une rare violence, et des arguments balayés maintes fois par le secrétariat de la Maison impériale qui s’agace de ces attaques incessantes à l'encontre de l'héritier au trône

Prince Alexandre Alexandrovitch TroubetskoyAlors que la Russie s’apprête à vivre son premier mariage impérial depuis la chute des Romanov en 1917, c’est une étrange lettre qui est arrivée sur le bureau du Président Vladimir Poutine. Signé par plusieurs membres de la noblesse russe (parmi lesquels le prince Alexandre Alexandrovitch Troubetskoy qui dirige la Société pour la mémoire de la Garde impériale et l'Association de l'Alliance franco-russe ou encore le comte Piotr Petrovich Sheremetev  président de la Société musicale russe de Paris) , de membres (mineurs) de la famille Romanov (la princesse Julia Romanova, veuve du prince Mikhail Andreevich, ou encore le marquis Ivan Farache di Villaforesta, petit-fils du prince Ioann Constantinovitch de Russie) et de présidents d’associations diverses, le contenu de ce courrier est particulièrement violent. Opposés à l’union du Grand-duc héritier Georges Romanov et de Victoria-Rebecca Bettarini, prévue le 1er octobre et qui sera retransmise sur les chaînes de télévision russe, ils dénoncent une « tentative d’usurpation de la branche Kirillovitch » qui « cherche à obtenir un statut spécial » et une « falsification sans vergogne à la fois l'histoire de la Maison impériale et l'histoire de la Russie elle-même ». 

Depuis l’exécution du tsar Nicolas II et de sa famille a Iekaterinbourg, c’est la branche Kirillovitch qui assume les prétentions au trône de Russie et celle qui répond le plus aux règles fixées par la loi Pauline qui régit la succession au trône de Russie depuis 1797. Cependant, une partie des Romanov réunis au sein d’une association refuse de reconnaître les droits de la grande-duchesse Maria Wladimirovna et de son fils à la couronne impériale, arguant principalement sur le fait qu’ils ont contracté des mariages inégaux. Ce que réfutent les concernés, contre-arguments probants à la clef et visibles sur le site de la maison impériale. Dans leur courrier au Kremlin, les frondeurs appellent le dirigeant russe à ne pas cautionner « l’aventure de cette famille qui cause des dommages irréparables à la réputation de la Russie et qui fait le jeu de forces qui tentent de discréditer la grande histoire de notre pays ». Sans pour autant citer de quelle force il s’agit !? « Nous déclarons fermement que nous ne reconnaissons aucun droit spécial à Maria Wladimirovna et à son fils le prince Georges de Prusse, qui, selon toutes les lois dynastiques, n'appartient pas à l'Empire russe, mais à la Maison royale de Prusse » affirme les signataires de la lettre et qui semblent oublier que le grand-duc Georges porte bien légalement le nom de Romanov. Afin de faire cesser plusieurs attaques sur le sujet, notamment sur les réseaux sociaux, ce dernier a du brièvement mettre en ligne la copie de son passeport afin de tenter mettre un terme à cette polémique. 

Le grand duc Georges Droits réservés Maison impérialeMais pour les frondeurs, son arrière-grand-père « le grand-duc Kirill Vladimirovitch, a été privé du droit au trône par l'empereur Nicolas II à la suite de son mariage non autorisé avec sa cousine divorcée ». Pis, il se serait même discrédité durant la révolution russe en faisant « allégeance à la Douma ». Reprenant tous les poncifs généralement avancés pour discréditer les Kirillovitch, le courrier dénonce pêle-mêle les connivences de cette branche avec les nazis, la protection accordée par le général Franco au lendemain de la seconde guerre mondiale, le mariage en 1948 du grand-duc Vladimir Romanov avec Léonida Bagration-Mukhrani qui aurait été « secret » (?) et  « de facto morganatique » . Ainsi que celui de la grande-duchesse Maria avec le prince François-Guillaume de Prusse, « descendant direct de l'empereur allemand Guillaume II, qui, comme vous le savez, déclara la guerre à la Russie en 1914 » précisent-ils encore au président Poutine. « (…) De ce mariage est né un fils, Georges, qui, selon toutes les lois, appartient à la maison royale prussienne et (…) en 1992, à la demande de l'ambassadeur de Russie à Paris, Yury A. Ryzhkov, qui ne comprenait rien de la situation, a octroyé à Georges un passeport russe avec le nom de famille Romanov dessus, alors que selon les documents allemands et français son nom apparaît comme étant germanique ».  

Extrait de la lettre envoyée au Président PoutineInvoquant la «   foi pour le triomphe de la vérité ! », les signataires fustigent « une série de trahisons, de mensonges, de tromperies, d'escroqueries et de contrefaçons » de la part des Kirillovitch qui « ont anobli » la future mariée afin de « justifier la légitimité d’un mariage inégal ».  Des attaques régulières (en janvier dernier, six organisations monarchistes russes ont conjointement appelé au boycott du mariage) qui agacent de plus en plus la Maison impériale qui ne cesse de produire un contre argumentaire étayé  à chaque interview ou sur les réseaux sociaux. D’autant qu’à regarder de plus près, généalogiquement,  la branche (dite Nicolaïevitch) qui lui conteste ses droits n’a plus aucun droit sur la couronne tant l’ensemble de ses membres a contracté des mariages hors des règles paulines. Les frondeurs oublient aussi curieusement de mentionner que les Kirillovitch ont été réintégrés au sein de la famille impériale par décret du tsar Nicolas II en 1909 après que celui-ci ait finalement accepté le mariage du grand-duc Cyrille avec Victoria-Mélita de Saxe-Cobourg-Gotha, convertie à l’orthodoxie.  

Selon un sondage auquel ont répondu 35000 personnes et publié en 2019, 30% des russes souhaiteraient le retour de la monarchie. Une idée qui fait mouche parmi les adhérents de Russie Unie (le parti de Vladimir Poutine), ceux du Parti libéral-démocrate de Russie (le parti d’extrême-droite de Vladimir Jirinovski) et qui a reçu le soutien de l’église orthodoxe qui a pris position plus d’une fois sur le sujet comme elle reconnaît les droits au trône des Kirillovitch. Le grand-duc Georges Romanov, dont la lignée héritière est indiscutable pour ses partisans et certainement la plus visible médiatiquement parlant, a été plusieurs fois invité à participer à des cérémonies officielles organisées par le gouvernement. Le Kremlin a bien accusé réception de ce courrier qui a été rédigé peu de temps après les fiançailles du grand-duc et ressorti depuis peu sur les réseaux sociaux.  Une fronde qui fait toutefois pas l'unanimité puisqu'aujourd'hui, la majorité des mouvements monarchistes reconnaissent les droits au trône des Kirillovicth. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 14/09/2021

Ajouter un commentaire