Que pensent les Britanniques de leur monarchie et du couronnement ?

À quelques jours du couronnement du roi Charles III, les médias se sont penchés sur le sentiment que l’institution royale suscite chez les sujets de Sa Gracieuse Majesté. Si la monarchie demeure dans le cœur d’une majorité de Britannique, elle est en baisse dans celui de la nouvelle génération. De quoi se frotter les mains pour le mouvement Républicain qui ne cesse de grimper dans les sondages. Les plus radicaux d’entre eux ont promis de perturber la cérémonie du 6 mai.  

Le règne de la reine Elizabeth II a duré près de soixante-dix-ans. Si celui-ci a connu d’importants troubles familiaux qui ont divisé les Britanniques, il a été également empreint d’une forte stabilité politique qui a permis à la défunte souveraine d’assurer la pérennité de l’institution royale. À son décès en septembre 2022, c’est son fils aîné, Charles III, 75 ans, qui lui a succédé sur le trône. Figure clivante pour les sujets de Sa Gracieuse Majesté, le nouveau roi ne cache pas sa volonté d’accroître les pouvoirs de la couronne et d’agir en véritable chef d’État. Il entend donner son avis sur les sujets qui lui tiennent à cœur comme la politique européenne de son royaume ou la défense de l’environnement dont il est devenu un influent porte-parole. Un nouveau règne qui est déjà marqué par le sceau de dissensions au sein des Windsor. Notamment avec le prince Harry, duc de Sussex, son fils cadet qui n’a pas hésité à étaler « son linge sale » à travers une biographie intitulée « Le Suppléant ». De quoi donner du grain à moudre au mouvement républicain qui gagne des points dans l’opinion et encore plus au sein des pays du Commonwealth dont Charles III est aussi le monarque.

La monarchie, un désintérêt pour la nouvelle génération

À quelques jours du couronnement prévu le 6 mai, la société internationale de sondages You Gov a publié une enquête qui révèle le sentiment des Britanniques vis-à-vis de la monarchie. Commandée par la BBC, elle montre de fortes divergences générationnelles.  78% des plus de 65 ans demeurent fidèles à la couronne, loin devant les 18-24 ans qui ne sont que 32% à soutenir la monarchie. Ces derniers sont même 38% à souhaiter l’élection d’un chef d’État et 78% affirment ne pas s’intéresser à ce qui se passe au sein et autour de la famille royale. Une nouvelle génération ne se sent pas en phase avec Charles III puisque 59% des jeunes Britanniques affirment qu’il est « déconnecté » des préoccupations de la population du Royaume-Uni. Plus on monte dans l’âge, plus le soutien à la monarchie est palpable : 48% pour les 25-49 ans, 67% chez les 50-64 ans. Tout âge confondu, ils sont 56% à réclamer le maintien de la monarchie, garante des traditions contre 26% en faveur d’un chef d’État élu au suffrage universel.

Un couronnement jugé trop dispendieux

Deux tiers des Britanniques affirment qu'ils ne sont pas intéressés par le couronnement dont le coût est jugé dispendieux au regard de la crise économique et sociale qui frappe le Royaume-Uni. Bien que le montant ne sera révélé qu’après les festivités royales, il devrait se chiffrer en millions d’euros. Une majorité des Britanniques pensent que le couronnement ne devrait pas être financé par l’État. Ici aussi, il existe un conflit générationnel. 62% des 18-24 ans évoquent une gabegie financière pour les trois jours de festivités prévus pour le couronnement. Les plus de 65 ans ne sont, quant à eux, que 44%. Des coûts qui sont largement critiqués par le mouvement républicain dirigé par Graham Smith dont la voix est de plus en plus forte dans les médias et que minimisent Oliver Dowden, chancelier du Duché de Lancaster, qui a rappelé que la cérémonie, « un moment merveilleux de notre histoire », sera sans « extravagance ou excès ». Oubliées donc les retombées touristiques que vont apporter le couronnement au Royaume-Uni et qui vont largement compenser son coût, les revenus de ses duchés versés par le monarque au Trésor public. 

Un républicanisme en constante hausse mais une monarchie solidement installée

Le Royaume-Uni n’a connu qu’une seule expérience républicaine, avec Olivier Cromwell et son fils Richard, entre 1649 et 1660. Tout au long de son histoire, l’Empire britannique a dû faire face à la montée du républicanisme dans ses colonies, dont la plupart ont fini par prendre leur indépendance dans les années soixante. Marginalisé en Angleterre, il connaît une forte progression depuis quelques mois, profitant des accusations de racisme portées contre la famille royale pour proliférer, les affaires qui ont secoué les Windsor (comme l’affaire Andrew, le duc d’York accusé d’abus sexuels)…etc. Autant de faits qui permettent aux Républicains de battre campagne en faveur de l’abolition de la monarchie. Son leader Graham Smith trouve même un certain soutien chez les Travaillistes et les Écologistes britanniques. Élu Premier ministre d’Écosse, Humza Yousaf n’a pas hésité à déclarer, dès les premiers jours de sa nouvelle mandature, qu’il entendait faire abolir l’institution royale dans cette partie du Royaume-Uni sous un délai de 5 ans. L’Irlande du Nord n’échappe pas à cette règle, bien moindre dans le pays de Galles. Selon un sondage YouGov sur la question, daté mars 2023, ils sont actuellement 24% à souhaiter l’abolition de la monarchie (contre 15% en 2012). Dans les pays du Commonwealth, le débat fait rage en Australie (où républicains et monarchistes sont au coude-à-coude, se livrant une véritable guerre de communication) et au Canada (ou anglophones et francophones s’affrontent régulièrement sur le sujet). À l’approche du couronnement, les républicains ont menacé de perturber la cérémonie. Pis, de sérieuses menaces planent sur le parcours. Le Daily Mail a révélé dans son édition du 22 avril que certains radicaux envisageaient « d’effrayer les chevaux des carrosses avec des alarmes ». Des défenseurs de la cause animale et des « écos-warriors » auraient même prévu « d’unir leurs forces pour semer le chaos ». De son côté, Graham Smith a appelé ses 41 000 abonnés sur le réseau social Facebook à protester bruyamment contre le couronnement. Une situation qui met sur les dents tout le dispositif de sécurité déployé pour cet événement.  

Qu’on se rassure : les Britanniques sont pourtant encore 60%, selon ce sondage, a pensé que la monarchie sera toujours présente comme institution d’état au Royaume-Uni dans les prochaines décennies. Honi soit qui mal y pense.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 25/04/2023

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