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Nigel Farage défie Keir Starmer et réclame des pairs à la Chambre des Lords

Le chef du Parti Reform UK exhorte le Premier ministre Keir Starmer à corriger une « disparité démocratique » à la Chambre des Lords. L’ancien héraut du Brexit, jadis partisan de son abolition, réclame désormais une place au cœur de l’institution la plus aristocratique du Royaume-Uni.

Nigel Farage n’a jamais cessé de défier les institutions britanniques. Après avoir mené le Royaume-Uni hors de l’Union européenne (2016), il est désormais le visage du Parti Reform UK, formation populiste qui a surpris par ses percées locales et ses résultats aux dernières législatives. Avec quatre députés à la Chambre des communes, dix élus dans des conseils locaux et des millions de voix recueillies en juillet 2024, le tribun eurosceptique estime que l’heure est venue pour son parti d’entrer à la Chambre des Lords.

Dans une lettre adressée au Premier ministre Sir Keir Starmer, le trublion conservateur de la politique britannique a dénoncé une « disparité démocratique » au sein de la Chambre haute, jugeant « injuste que les partis comptant moins de députés soient représentés », alors que Reform UK n’a actuellement aucun pair. Il ajoute : « Mon parti a recueilli plus de 4,1 millions de voix […] nous avons remporté un grand nombre de sièges aux collectivités locales, dominé les sondages d’opinion nationaux pendant de nombreux mois et remporté la seule élection partielle de ce Parlement. ».

La Chambre des Lords au Moyen-âge

Une institution née du Moyen Âge

La Chambre des Lords n’est pas une chambre comme les autres. Héritière du Magnum Concilium, le « grand conseil » des barons convoqués par la Couronne au XIIIe siècle, elle s’est longtemps confondue avec l’aristocratie et l’Église. Jusqu’au XXe siècle, elle était dominée par les pairs héréditaires, ces descendants de familles titrées qui siégeaient de droit. À travers les siècles, la Chambre des Lords a incarné la continuité de l’État britannique, jouant le rôle de gardienne de la tradition face aux élans démocratiques des Communes.

Mais son influence a été progressivement réduite. Le Parliament Act de 1911 a limité son pouvoir de veto, remplacé par un simple droit de révision, et la réforme de Tony Blair en 1999 a supprimé la quasi-totalité des pairs héréditaires, ne laissant qu’une centaine d’entre eux élus par leurs pairs. Aujourd’hui, la Chambre compte encore plus de 800 membres, issus du monde politique, économique, culturel ou académique, nommés à vie et censés apporter une expertise au travail législatif.

La chambre des Lords aujourd'hui @wikipedia

La Chambre des Lords, un contre-pouvoir contesté mais central

Souvent décriée pour son caractère non élu, la Chambre des Lords demeure une institution clé du système parlementaire britannique. Elle constitue un contre-pouvoir capable de freiner les projets de loi des Communes et d’imposer des amendements au gouvernement. « La Chambre des Lords fait partie du Parlement. Elle contrôle le travail du gouvernement et est indépendante de la Chambre des communes », rappelle le texte officiel.

Ses membres, appelés pairs, sont nommés par le Premier ministre ou proposés par les chefs de partis, sous réserve de validation par la Commission des nominations. Le processus, explique Downing Street, « suit des conventions établies et est guidé par les conseils de la Commission des nominations de la Chambre des Lords et d'autres organismes compétents ».

Cette latitude nourrit les critiques récurrentes sur le clientélisme politique. Comme le souligne une source proche du processus de nomination citée par la BBC, « si traditionnellement, le principal parti d'opposition se voit offrir la possibilité de nommer certains pairs, il n'existe pas de règles établies et la décision finale revient au Premier ministre en place ».

L’ironie des positions de Nigel Farage, une « disparité démocratique » au cœur du débat

Le revirement de Nigel Farage ne manque pas d’amuser ses adversaires. Le ministre de la Défense, John Healey, a souligné sur LBC « le même Nigel Farage qui avait appelé à la suppression de la Chambre des Lords » et qui souhaite désormais la doter de « ses proches ». Une contradiction flagrante pour un homme politique qui avait fait de l’abolition de cette chambre un cheval de bataille lorsqu’il dirigeait le parti brexiter UKIP.

Le chef des Libéraux-démocrates, Sir Ed Davey, a enfoncé le clou : « Le fait qu’il se concentre sur la manière de faire entrer ses pairs à la Chambre des Lords en dit long sur Nigel Farage. ». Une remarque qui souligne à la fois la volonté du leader populiste d’obtenir une reconnaissance symbolique et les soupçons d’opportunisme que ses détracteurs lui reprochent. Certains accusent même Reform UK d'être à la solde de la Russie.

Farage met en avant les déséquilibres criants dans la représentation des partis politiques. Les Verts, Plaid Cymru et le Parti unioniste d’Ulster comptent ensemble treize pairs. Les Libéraux-démocrates en détiennent soixante-seize, malgré un score électoral inférieur à celui de Reform UK en 2024. « Rien de tout cela ne tient la route compte tenu des bouleversements intervenus dans la politique britannique », martèle le leader de Reform Uk.

Pour lui, la demande est « modeste » : obtenir un groupe de pairs capables de faire entendre la voix de Reform UK au sein de la Chambre haute. Mais derrière ce terme tempéré se cache un enjeu stratégique : installer son parti, qui se veut proche de la monarchie,  dans le paysage institutionnel et enraciner une présence durable au Parlement, au-delà de ses résultats fluctuants à la Chambre des communes.

Nigel Farage lors de son dernier discours au Parlement européen @screenshot/Uoutube

Un bras de fer symbolique entre Starmer et Farage

La polémique relancée par Farage illustre une fois de plus le malaise autour de la Chambre des Lords. Réformée en 1999 par Tony Blair, qui avait supprimé la majorité des pairs héréditaires, l’institution reste perçue par beaucoup comme un anachronisme démocratique. En 2023 encore, les députés ont soutenu un projet de suppression des derniers pairs héréditaires.

Pour ses défenseurs, la Chambre des Lords apporte une expertise et un contre-pouvoir indispensables. Pour ses détracteurs, elle incarne une survivance aristocratique et une dérive du clientélisme politique, les nominations étant trop souvent réservées aux proches des gouvernements successifs.

En écrivant à Keir Starmer, Nigel Farage ne cherche pas seulement à obtenir quelques sièges : il met en scène son rôle de trouble-fête et force le Premier ministre à se positionner. Accepter la demande, ce serait reconnaître la légitimité de Reform UK comme une force politique nationale. La refuser, ce serait maintenir l’exclusion d’un parti qui revendique un poids croissant dans l’opinion.

Dans les deux cas, Nigel Farage atteint son objectif : faire de la Chambre des Lords, symbole de l’establishment britannique, une nouvelle tribune pour ses offensives contre le système. Fidèle à son habitude, il transforme une revendication institutionnelle en une bataille politique, où le symbole compte autant que le résultat.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 19/08/2025