Le prince Charles au chevet de la Palestine

Le prince Charles de Galles au chevet de l’ancienne Palestine mandataire. « C’est mon voeu le plus cher que l’avenir puisse apporter la liberté, la justice et l’égalité à tous les Palestiniens, en vous permettant de vous développer et de prospérer ». Cette déclaration de l’héritier au trône d’Angleterre n’est pas passée inaperçue et s’est affichée en tête de nombreux quotidiens israéliens, certains indignés. En visite dans les Territoires palestiniens, le 24 janvier, après avoir participé au Vème forum international sur la Shoah, le prince Charles de Galles, qui assume de plus en plus de fonctions inhérentes à une charge royale, est-il venu apporter le soutien officiel du Royaume-Uni à son ancienne Palestine mandataire ?

Prince charles ap« Une reconnaissance des Territoires Palestiniens » par les anglais pour « The National » d’Abou Dhabi, « un signe de faiblesse » pour le quotidien national « Haaretz ». A chacun sa vision de cette visite haute en couleur. Le 25 avril 1920, la Conférence de San Remo accorde la gestion temporaire de la Palestine, autrefois ottomane, au Royaume-Uni. Les soldats de « Sa Majesté »  ne quitteront pas le territoire avant mai 1948. Une région du Proche-Orient qui fut l’objet d’âpres négociations entre Londres et Paris avec en arrière –fond la volonté de créer un  « foyer national pour le peuple juif sur la base du lien historique existant entre le peuple juif avec la Palestine dans le but de reconstruire leur foyer national dans ce pays, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existantes en Palestine » comme l’écrivait en 1917 l’ancien premier ministre Arthur Balfour. 

Une décision qui allait plonger l’ancien royaume latin de Jérusalem dans une guerre fratricide qui dure encore aujourd’hui. Grande révolte arabe (1936-1939), création du royaume de (Trans-) Jordanie, les palestiniens qui luttent contre l’installation des juifs n’hésiteront pas à rallier l’idéologie nazie grâce au mufti Mohammed Amin al-Husseini, haute figure controversée du conflit israélo-palestinien. Parmi les membres de sa famille, un certain Yasser Arafat, futur dirigeant de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui sera initié aux opérations de commando par un officier de la Waffen SS. Toutes les chrysalides de cet échiquier complexe, qui se sont mis en place dans la première partie du XXème siècle, vont éclore l’arme à la main après la seconde guerre mondiale. Les Britanniques du général Alan Gordon Cunningham vont avoir toutes les peines du monde à gérer deux populations que tout sépare y compris jusque dans le mode de vie et la religion. Le 30 novembre 1947, l’Organisation des nations unies (OLP) met en place un plan de partage de la Palestine mandataire, désormais d’un État juif, un État arabe et une zone sous contrôle international autour de Jérusalem. Il ne sera jamais appliqué véritablement dans les faits, rejetés par les pays arabes qui ne supportent par l’idée d’un état juif à leurs frontières.

La rencontre entre le prince Charles et le président de l’Autorité palestinienne, le président Mahmoud Abbas à Bethléem  a été largement médiatisée. « Cela me brise le cœur ... que nous continuions à voir tant de souffrances et de divisions. Personne n'arrivant à Bethléem aujourd'hui ne pourrait manquer les signes de difficultés persistantes et la situation à laquelle vous êtes confrontés » a déclaré le fils de la reine Elizabeth II. Des mots lourds de symbole repris dans la presse internationale qui a irrité une partie de la presse israélienne. Le quotidien de gauche « Haaretz » s’est longuement épanché sur « le désespoir du Royaume-Uni après le Brexit  pressé de conclure un accord commercial favorable avec les États-Unis, un geste qui ne peut aller dans le sens du dégel des liens avec l'État juif ». La charge contre le Royaume-Uni est violente. Le journal dénonce le boycott mis en place par le Royaume-Uni contre Israël et évoque cette rancune de 7 décennies qui perdure. « Même lorsque l'un des membres de la famille royale est réellement venu  en Israël - comme lorsque le mari de la reine, le prince Philip, qui  a visité la tombe de sa mère sur le mont Sion à Jérusalem, ou lorsque son fils, le prince Charles, a assisté aux funérailles de Yitzhak Rabin et Shimon Peres - les Britanniques ont précisé qu'il  ne s'agissait ici que de visites «privées» » rappelle Anshel Pfeffer. Même celle, historique,  du prince William en 2018 ne trouve pas de grâce aux yeux du quotidien qui parle de « voyage vide de sens diplomatique et qui n’aura ravi que les juifs britanniques, fidèles à la couronne ».

Prince charles mahmoud abbas ap« (…) Je ne peux que me joindre à vous et à toutes les communautés dans vos prières pour une paix juste et durable ... Je souhaite de tout cœur que l'avenir apporte liberté, justice et égalité à tous les Palestiniens, vous permettant ainsi de prospérer et pour prospère » a continué le prince Charles, loin de toutes polémiques. «Notre espoir dans un avenir proche est que la Grande-Bretagne reconnaisse l’État de Palestine, selon les recommandations récentes du Parlement britannique au gouvernement [de Boris Johnson-ndlr]. Nous espérons donc que cela se produira » lui a répondu le président Abbas. Un espoir  limité toutefois. Divers pays européens ont reconnu les Territoires palestiniens comme indépendants sans toutefois que cela ait une réelle portée internationale. Une « diminution de l’influence britannique dans le monde » renchérit « Haaretz »qui ne décolère pas. Le Jérusalem Post a été plus laconique dans ses propos, préférant se concentrer sur le tour des lieux saints par le prince qui a été se recueillir sur la tombe de la « juste » Alice de Battenberg, sa grand-mère qui a fait beaucoup pour sauver le juifs de l’Holocauste et qui repose depuis 1969 au Mont des Oliviers. C’est à peine si a été évoqué le nouveau plan de partage conçu par les Etats-Unis, concocté sur fond électoraliste, qui donne outrancièrement la part du lion à l’état hébreu. Pour l’instant, le Royaume-Uni s’est bien gardé de prendre position.

Quoique !? Pour « Alnas, » un webzine d’actualités pour les francophones musulmans, les déclarations du prince Charles, qui s’est attardé dans un camp de réfugiés, sont « l’indication la plus claire d’un soutien aux Palestiniens » par un membre de la famille royale. « L’ImencNews », un site d’information internationale pour le Proche-Orient, s’est même fendu d’un rappel historique le concernant. En 1986, le fils de la reine avait évoqué  dans une lettre un conflit persistant  nourri « principalement par l’afflux de colons juifs venus d’Europe », faisant échos aux propos d’ « Haaretz » qui parle lui d’un roi George VI peu favorable à l’existence d’un état hébreu. Le Royaume-Uni soutien d’un état palestinien indépendant. ? Pour Chris Doyle, directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique, la visite de Charles marque une étape importante dans ce processus, souhaité par divers députés britanniques, mais qui sera timoré selon lui et comme le rapporte l’émirati journal « The National ».  En effet pour Doyle, si la visite du prince de Galles est forte d’un message politique, il est probable que le premier ministre Boris Johnson ne prendra pas le risque de s’attarder sur le sujet, préférant plutôt sécuriser un traité de libre-échange commercial avec Israël.

Selon le chroniqueur royal, Richard Fitzwilliams, si le prince montre de l’empathie envers le sort du peuple palestinien, il a fait bien attention de ne pas offenser les Israéliens : «Je pense qu'il a suivi la ligne qu'il était censé suivre lors de cette tournée, qui est fixée par le ministère britannique des Affaires étrangères. C'est un voyage soigneusement équilibré » ajoute-t-il. « Il n'y a aucune chance que Charles s'écarte à un moment ou un autre d'un scénario dessiné à l'avance par son gouvernement » déclare-t-il en guise de conclusion.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 29/01/2020

Date de dernière mise à jour : 31/03/2020

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