Monarchies et Dynasties du monde Le site de référence d’actualité sur les familles royales

La jeunesse britannique rêve d’un retour à la monarchie absolue

Une étude récente révèle qu’une part importante de la jeune génération remet en cause la démocratie, au profit d’un pouvoir royal absolutiste et sans Parlement. Décryptage d’un paradoxe que certains jugent très inquiétant.

C’est un sondage surprenant et des chiffres qui ont de quoi surprendre, voire inquiéter pour certains spécialistes politiques. Selon une étude du groupe de réflexion Onward et de Merlin Strategy publiée en juillet 2025, plus d’un tiers des jeunes Britanniques âgés de 18 à 24 ans se disent favorables à un retour à la monarchie absolue. Un « roi sans gouvernement ni élections » : tel serait, pour 37 % de ces jeunes, l’idéal politique d’un Royaume-Uni débarrassé de la démocratie parlementaire.

Dans le détail, 14 % expriment une opinion « très positive » de cette perspective, 23 % se disent « plutôt positifs ».  Si on regarde les autres tranches d'âge, 34 % des 25-34 ans et 37 % des 35-44 ans sont également favorable au retour de la monarchie absolue. En revanche, seuls 22 % des 45-54 ans, 22 % des 54-64 ans et 23 % des plus de 65 ans partageaient cet avis. Plus marqués par le règne d'Elizabeth II, ils restent attachés au principe constitutionnel qui prévaut depuis des siècles. 

Sondage sur le retour de l'absolutisme au Royaume-Uni

Une monarchie face à son modèle d'intégration

Un constat toutefois pour le moins paradoxal au moment où le Parti travailliste (Labour) propose d’abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans, une mesure critiquée par ses opposants comme une manière de « truquer » le corps électoral en faveur d’un électorat jugé plus progressiste. Mais, loin de renforcer l’ancrage démocratique, cette ouverture pourrait, à en croire ce sondage, nourrir un climat de nostalgie autoritaire et favoriser les partis conservateurs.

Car le malaise semble plus large. Toujours selon cette enquête, 25 % des jeunes Britanniques ont une opinion positive du fascisme — une idéologie pourtant associée aux pages les plus sombres de l’histoire européenne — et 32 % voient d’un bon œil le communisme, autre régime autoritaire symbolisé par Staline. Issu de la mouvance ultra nationaliste, l'English Defence League (EDL) qui organise de nombreuses manifestations contre la présence des étrangers sur le sol britannique, est le mouvement qui reste très en vogue parmi les jeunes britanniques les plus radicalisés.  À l’inverse, le soutien à ces idéologies reste très faible chez les plus de 65 ans : seulement 7 % ont une image favorable du fascisme ou du communisme,ayant grandi avec les horreurs mises en place par les régimes nazis et soviétiques, leurs affidés dans le monde. Comme le soulignent les chercheurs Nicholas Stephenson et Phoebe Arslanagic-Little, « le Royaume-Uni est une démocratie parlementaire depuis au moins le XVIIIᵉ siècle. Ce sondage révèle que le soutien à ce système est extrêmement faible parmi les jeunes », affirment-ils dans un pays où l'extrême-droite a fait son grand retour lors des dernières élections législatives avec l'entrée au Parlement de 5 députés issus de Reform Uk, le parti du député brexiter Nigel Farage (14%).

Une monarchie qui fait désormais face aux défis de sa politique multiculturaliste, longtemps érigée comme un modèle unique en raison du Commonwealth et aujourd'hui critiquée par une partie des Britanniques. Un Royaume-Uni qui n'arrive plus à absorber son trop plein de migrants et qui a contraint les précédents gouvernements à serrer la vis (comme interdire aux étudiants étrangers de venir avec des membres de leur famille par exemple). Selon une étude menée cette année par Matt Godwin, professeur honoraire à l’Université du Kent (Angleterre) , six personnes sur dix ne pourraient pas être nées au Royaume-Uni d'ici 2100.  Tant et si bien que le gouvernement du Premier ministre Keir Starmer a du prendre la parole et rappeler que « les personnes qui viennent au Royaume-Uni doivent également s'engager à s'intégrer et à apprendre notre langue, et notre système doit activement faire la distinction entre ceux qui le font et ceux qui ne le font pas ».  « L'installation dans ce pays est un privilège qui se mérite, pas un droit », a également déclaré le leader Travailliste en mai dernier.

Une couronne qui se cherche

Une monarchie longtemps absolue puis constitutionnelle

Pour comprendre ce retour de la tentation absolutiste sur fond de nationalisme accru, encore faut-il rappeler le rôle et l’évolution de la monarchie britannique. Pendant des siècles, l’Angleterre a connu le pouvoir absolu des souverains en depit de la Magna Carta. Les Tudors — Henri VIII et Élisabeth Iʳᵉ notamment — ont sans partage, concentré tous les leviers du pouvoir exécutif, judiciaire et même religieux entre leurs mains (non sans avoir du faire face à de multiples révoltes nobiliaires et populaires). C’est la Révolution anglaise du XVIIᵉ siècle, marquée par l’exécution de Charles Ier en 1649, qui ouvre la voie à un contrôle progressif du monarque par le Parlement.

La Glorieuse Révolution de 1688 et le Bill of Rights de 1689 consacrent la monarchie parlementaire : le roi ou la reine règne, mais ne gouverne plus sans le consentement des représentants du peuple. Depuis, le souverain britannique incarne l’unité nationale et assume un rôle symbolique au sommet de l’État. Il nomme et démet le Premier ministre, promulgue les lois votées au Parlement (sur lequel il a un droit de véto), reste le chef des armées, représente la monarchie à l'étranger, agissant comme un soft power. Il doit cohabiter avec un gouvernement élu et se contenter de lire le discours du trône chaque année. Bien qu'il a été démontré que le souverain en exercice influait sur la politique intérieure très discrètement afin de lui conserver son caractère de neutralité. .

Drapeau de l'English Defence League

Entre nostalgie et malaise démocratique

Comment expliquer qu’une partie de la jeunesse veuille renverser trois siècles de compromis constitutionnel ? L’étude n’apporte pas de réponse unique, mais plusieurs raisons se dégagent outre le facteur immigrationiste ou celui de la montée de l'islamisme dans le pays : une défiance croissante envers les institutions, la montée d'un ultra-progressisme qui a pris en otage la liberté de parole de chacun, une perception d’impuissance des gouvernements successifs face aux crises (économiques ou climatiques) et un attrait pour des solutions jugées « fortes » et radicales. Une volonté de retrouver l'ordre dans un pays en proie à ses démons identitaires ou de réinsuffler le sentiment d'appartenance à une nation qui fut jadis fière de son Empire, de son Union Jack flottant aux quatre coins du monde et dont les Britanniques regrettent les gloires. 

Certains observateurs y voient aussi un effet des réseaux sociaux et des bulles de radicalité, où s’entremêlent ironie, provocations et véritables dérives idéologiques (Tik Tok et X [anciennement Twitter-ndlr] étant ceux qui sont le plus dans le viseur d'associations ou de gouvernements, critiqués pour leur manque de modération, faisant le jeu des populismes. Si le roi Charles III bénéficie d'une bonne opinion —60% soutenant ses actions — les faits sont là et pourraient bousculer le consensus démocratique britannique dans un futur proche : Retrouver un monarque à nouvau tout-puissant derrière lequel se ranger, une idée qui séduit une fraction significative de la jeunesse en quête d’autorité, voire de verticalité, face à un système démocratique perçu comme inefficace ou corrompu, peu protecteur de la nation, de ses traditions et de son histoire millénaire. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 21/07/2025