Des leprechauns à l'assaut du chaudron royal britannique

Drapeau britannique versus celui de l'IrlandeC’est un petit parti politique de l’Irlande du Nord mais le People Before Profit (« Le Peuple avant le profit ») a décidé de prendre part au débat qui agite le Royaume-Uni depuis l’intervention du duc et de la duchesse de Sussex, le prince Harry et Meghan Markle, sur les antennes de la chaîne américaine CBS. Traitant sans ambages la famille royale de « parasites racistes et de bouvillons profiteurs », le PBP réclame ouvertement l’abolition de la monarchie. Mouvement mineur et atypique, il réunit autour de lui aussi bien des trotskystes, des socialistes, des LGBT, des animalistes, des écologistes que des indépendantistes qui, à travers des termes particulièrement crus distillés sur la plateforme Twitter, regardent les Windsor comme les héritiers d’une institution construite sur « des siècles de colonialisme et de génocide ». Une voix qui se noie pourtant dans le concert de celles qui souhaitent le maintien de l'institution royale en Ulster.

Militants du PBP en 2017L’interview accordée par CBS du prince Harry et son épouse Meghan Markle, le 7 mars dernier, a soulevé toutes les passions en Angleterre, exacerbées par les revendications du mouvement Black Lives Matter («  La vie des noirs comptent »), mais également en Irlande du  Nord marquée à vie par des décennies d’affrontements entre catholiques et protestants. Fondé en 2005, le parti  People Before Profit (PBP)  rassemble autour de lui des idéologies diverses tels que des trotskystes, des socialistes, des LGBT, des animalistes, des écologistes que des indépendantistes dont le principal but est de réunir le nord de l’Irlande (Ulster), encore britannique, au sud (Eire) devenu indépendant en 1921 au prix de nombreux morts. Chaque ligne politique défendue se retrouve au centre d’un programme commun qui privilégie avant toute chose l’abolition de la monarchie, coupable à ses yeux d’être les représentants d’une « histoire impériale » marquée par la ségrégation raciale.

Tweets anti monarchie du PBPDans une série de tweets, le People Before Profit, qui compte 1 élu au parlement nord-irlandais et 4 sièges au  Dáil Éireann (Assemblée d’Irlande), a lancé une série d’attaques contre la monarchie comme le rapporte « l’Irish Post », pointant du doigt ces «  parasites royaux  qui craignent le bébé à la peau brune » peut-on lire sur le réseau social Twitter où le PBP officie. «  Bien sûr, il y avait déjà des indices  - des siècles de colonialisme, d'esclavage et de génocide - mais cela a finalement été confirmé grâce à Meghan Markle dans une interview qu’elle a donnée à Oprah Winfrey » explique le mouvement qui affirme que les Windsor ne sont que « de riches bouvillons qui vivent de la générosité des contribuables britanniques» et qui  « promeuvent une culture de hiérarchie et de racisme ». Il a fallu peu de temps pour que le PBP, entre deux rafales de tweets, ne fasse une référence au passé  tumultueux de l’Irlande, victime d’un pouvoir royal selon lui, qui a « toujours justifié ses crimes »  en affirmant que ceux qu'ils colonisaient étaient « à moitié sauvages ou enfantins, attendant les avantages de la « civilisation » britannique ». « Les allégations de racisme faites par Meghan et Harry lors de l'interview ont prouvé que l'idée que celui-ci vient de personnes ignorantes ou non éduquées est incorrect mais vient souvent du sommet et reste répandu dans la société afin de mieux  diviser pour régner »  croit savoir le mouvement. «  Meghan Markle et son mari Harry sont également des individus riches et privilégiés. Et même eux n'ont pas été vaccinés contre le racisme notoire de la Monarchie » renchérissent les indépendantistes, suivis par 20 000 personnes sur Twitter et  60000 sur Facebook. 

La reine Elizabeth II à DublinDes déclarations qui ont quelque peu agacées le Democratic Unionist Party (DUP),  parti incontournable de la vie parlementaire nord-irlandaise (27 sièges sur 90). Conservateurs, protestants et nationalistes, ces pro-royalistes irlandais sont montés au créneau, ont regretté les conséquences de cette interview et fustigé  l’attitude « manipulatrice »  de la duchesse de Sussex, cette « drama-queen  qui soutient le Black Lives Matter,  anti-royaliste de gauche et  pro-Hollywood » d’après un député de ce mouvement qui s’est confié au « Belfast Live ». Mais pas de quoi fragiliser l’institution royale pour autant en Ulster où flotte le drapeau fièrement de Saint Georges. D'ailleurs en 2011, lors d'un tour à succès à Dublin, la reine Elizabeth II avait déclaré, sous les applaudissements et à la suprise générale, « à tous ceux qui ont souffert des conséquences de notre passé troublé, j'offre mes plus sincères pensées et ma profonde sympathie ». Selon un récent sondage, 68% des habitants de l'Ulster souhaitent conserver la monarchie contre à peine 32%. Un vrai plébiscite pour les Windsor et un amour entre les nord-irlandais et la famille royale qui n’en finit pas de surprendre, quoiqu’en disent ou en rêvent les leprechauns révolutionnaires du People Before Profit.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 30/03/2021

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