Le roi Charles III et la reine Camilla ont entamé une tournée en Australie et aux îles Samoa, visant à redorer le blason de la monarchie britannique dans une nation qui semble de plus en plus indifférente à l'institution royale.
C'est sous une pluie batante que l'avion du roi Charles III et de la reine Camilla a atteri sur le tarmac de l'aéropor de Sidney, le 19 octobre 2024. Le souverain de 75 ans, récemment honoré des titres de maréchal de l'armée australienne, maréchal de son armée de l'air et amiral de la flotte, entame son plus grand déplacement depuis son couronnement. Atteint d'un cancer diagnostiqué il y a huit mois, Charles III a choisi de maintenir cette tournée malgré l'annulation de certaines étapes, dont la Nouvelle-Zélande.
Une idée monarchique fragile
Ce voyage de neuf jours se concentre principalement sur l’Australie, avant un sommet du Commonwealth aux îles Samoa. Leur programme prévoit quelques apparitions publiques, notamment un événement devant l’Opéra de Sydney et un barbecue géant, diverses visites comme un laboratoire traitant de malanomes cancereux et des discussions sur le réchauchement climatique dont le pays est la victime. Cependant, ce voyage est loin de susciter l'engouement que celui de sa mère, la reine Elizabeth II, avait provoqué en 2011 et qui avait attiré une foule enthousiaste.
Selon un récent sondage, un tiers des Australiens souhaiteraient abolir la monarchie, un tiers la soutiendrait, tandis que le reste est indécis. Certains, comme Clare Cory, une avocate de 62 ans, voient en Charles un « bon roi », tout en étant partagée sur la pertinence de la monarchie dans le contexte australien. « La plupart de mes ancêtres sont venus d’Angleterre, je pense que nous devons quelque chose à ce pays », explique-t-elle à la BBC. Toutefois, elle souligne également que l'Australie regarde désormais davantage vers la région Asie-Pacifique que vers une monarchie située à « l'autre bout du monde ». D'autres voix, plus critiques, expriment un net rejet de la monarchie. Maree Parker, une enseignante, déclare ainsi : « Il donne juste l’impression d’un vieil homme aux cheveux blanc. Nous n’avons pas besoin d’un roi et d’une reine ». Ces opinions reflètent une fracture de plus en plus grandissante au sein de la population, notamment chez les jeunes générations, pour qui les symboles royaux semblent de plus en plus éloignés de la réalité australienne et qui pourrait dans l'avenir décider de s'en séparer.
Un accueil politique discret, un protocole symbolique
Fait notable, à l'exception du Premier ministre Anthony Albanese, aucun dirigeant politique australien de premier plan n'a été présent pour accueillir Charles III. Cet accueil minimaliste a été interprété par divers médias, comme le Daily Mail, comme un signe de l'affirmation progressive de l’indépendance australienne vis-à-vis de la Couronne britannique. Cette attitude, qu'elle soit délibérée ou non, pourrait refléter les tensions sous-jacentes entre une ancienne colonie et une monarchie symbole de son passé colonial et qui n'en a pas fait le deuil.
Ainsi, les dirigeants des six États ont décliné leurs invitations, invoquant « d’autres engagements » allant des campagnes électorales aux réunions du cabinet, selon les médias australiens. Le Premier ministre du plus grand État d’Australie, la Nouvelle-Galles du Sud, a déclaré qu’il rencontrerait Charles III à un autre moment au cours du voyage royal. Une attitude qui a mis en colère les monarchistes. La porte-parole de la Ligue des monarchistes australiens, Bev McArthur, a qualifié ce boycoytt de « gifle » au roi. « Tous les premiers ministres et ministres ont juré allégeance à notre monarque, Charles III, et c’est une insulte monumentale qu’ils crachent alors qu’il nous tend la main en signe d’amitié », a-t-elle déclaré aux médias australiens.
Une place spéciale dans le coeur du roi Charles III
L’Australie, ancienne colonie britannique, s’est fédérée et est devenue une nation indépendante en 1901, mais elle reste une monarchie constitutionnelle avec le souverain britannique comme chef d’État – même si dans la pratique, cette position est purement symbolique, sans aucun rôle dans la gouvernance quotidienne de l’Australie. Selon les sondages, le soutien à une république australienne est divisé. Des responsables du palais de Buckingham, écrivant au nom du roi (interpellé sur cette question par les mouvements républicains), ont déclaré la semaine dernière que « la question de savoir si l’Australie deviendra une république » est « une question qui relève de la décision du public australien ». Pour l'instant, le gouvernement australien actuel a reculé sur une éventualité de référendum, pourtant promesse de campagne. Malgré tout, l'Australie garde une place particulière dans le cœur du roi Charles, qui y a étudié en 1966, une période qu'il a qualifiée « de loin la meilleure partie » de son éducation. Son histoire personnelle avec le pays inclut aussi des moments emblématiques, comme cette célèbre photo de 1979 où, torse nu sur une plage, il a été surpris par un mannequin australien qui lui déposa un baiser sur la joue.
Cette tournée australienne, en dépit des apparences, est un test pour la monarchie britannique. Alors que Charles III tente de raviver l'intérêt pour la Couronne, il se heurte à une population australienne de plus en plus distante et préoccupée par ses propres enjeux régionaux. Les critiques et l’indifférence grandissante témoignent d’un glissement des mentalités, tandis que l’absence des dirigeants politiques lors de son arrivée pourrait être un signe de la relation de plus en plus ténue entre l'Australie et la monarchie britannique.
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