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Charles III, entre tradition anglicane et ouverture catholique

Les funérailles catholiques de la duchesse de Kent, en présence du roi Charles III et de la famille royale, ont marqué un tournant historique : elles sont devenues le symbole d’un rapprochement inédit entre la monarchie britannique et l’Église catholique après des siècles de tensions.

Le 16 septembre 2025 restera dans les mémoires comme un moment historique pour les catholiques britanniques : le roi Charles III et plusieurs membres éminents de la famille royale ont assisté aux funérailles de la duchesse de Kent, célébrées selon le rite catholique dans la cathédrale néo-byzantine du Très Précieux-Sang, à Londres.

Cette cérémonie, la première du genre pour un membre de la famille royale de si haut rang, symbolise une ouverture historique après des siècles de tensions entre l’Église anglicane et le catholicisme.

 

 

Un tournant historique dans l’histoire religieuse de la monarchie britannique

« Cet événement historique va contribuer à renouer le lien entre la monarchie et le catholicisme, rompu lors de la Réforme », a souligné Timothy Guile, président de l’Association d’histoire catholique anglaise. « À la télévision, le public a vu le roi participer à un requiem catholique, une expérience autrefois impensable, qui montre que notre Église n’est plus une institution étrangère. », ajoute t-il très fièrement.

La duchesse Katharine (1933-2025), née Lucy Mary Worsley dans une famille anglicane du Yorkshire, a épousé le prince Edward, duc de Kent, en 1961. Convertie au catholicisme trois décennie plus tard, elle est restée pleinement acceptée au sein de la famille royale, un choix suivi avec bienveillance par le souverain et ses proches. « Bien que personne ne puisse savoir ce que le roi pense personnellement de notre Église, il a toujours fait preuve de sympathie et de conciliation envers les catholiques », a déclaré Josephine Siedlecka, rédactrice en chef de Independent Catholic News, interrogée à ce propos.

La cérémonie, dirigée par le cardinal Vincent Nichols, président de la Conférence des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles, a mis en lumière l’engagement social et caritatif de la duchesse. L’évêque auxiliaire James Curry a rappelé son travail pour les forces armées, les enfants malades, les sans-abri et les associations de soutien émotionnel : « Katharine a vécu une vie de dignité, de courage et de foi, fortifiée par les rites de l’Église », a-t-il affirmé. Le nonce du Vatican, l’archevêque Miguel Buendia, a quant à lui transmis les pensées du Pape, saluant « l’héritage de bonté chrétienne » de la duchesse et sa « proximité dans la prière » avec le roi et sa famille.

 

 

Un passé de tensions et d’exclusion

L’histoire des relations entre catholiques et anglicans en Angleterre est marquée par la Réforme et par plusieurs siècles d’exclusion. C’est le roi Henri VIII qui a signé la fin du catholicisme après que le Vatican a refusé de reconnaître son divorce avec la reine Catherine d’Aragon. Devenu le « seul chef suprême sur terre de l'Église en Angleterre » (1534), le règne des Tudorv a être secoué par diverses rébellions et complots catholiques pour renverser le monarque. Pour les « papistes », le souverain n’est autre qu’un hérétique protestant inapte à siéger sur le trône. La couronne est l’objet d’une lutte sans merci entre les deux religions (notamment sous les règnes de Marie Ier et Elizabeth Ière) qui n’hésitent pas à exhumer des prétendants cachés (comme avec l’archevêque Réginald Pole, descendant direct des Plantagenet) qui revendiquent le sceptre.

Après la déposition de Jacques II Stuart, dernier roi ouvertement catholique, l’Acte d’établissement de 1701 lie la monarchie à l’Église d’Angleterre et exclut explicitement les catholiques de la succession. C’est en Ecosse et en Irlande que l’on trouve le plus de catholiques au sein de la monarchie et très naturellement que ceux-ci vont se rallier aux prétendants de la dyanstie Stuart qui tentent de récupérer leur couronne perdue au cours du XVIIIe siècle. Il faut attendre 1829 pour que des catholiques soient autorisés à siéger au parlement. Les sanctions contre les catholiques, y compris des peines pour avoir pratiqué leur foi, ne furent, elles, abrogées qu’en 1888. Une révolution en soi au regard des discriminations vécues par les catholiques, notamment en Irlande du nord où le conflit va dénégerer en guerre civile entre les deux religions tout au long du XXe siècle.

Malgré ces restrictions, des membres de la famille royale ont continué à entretenir des liens avec le catholicisme. Charles II se convertit sur son lit de mort, et plusieurs petites-filles de la reine Victoria, mariées dans des familles royales catholiques étrangères, adoptèrent cette foi. Aujourd’hui encore, on trouve des catholiques parmi la maison royale comme la princesse Michael de Kent. Largement soutenue par les Britanniques ( 81%), dernière réforme en date, la loi de 2013 qui a signé un nouveau chapitre d'apaisement entre les deux religions : elle permet désormais aux princes et princesses d’épouser des catholiques. Toutefois, convertis par raison, ils restent exclus de la succession au trône britannique, un héritage direct de l’Acte d’établissement.

Aujourd’hui, si l’on devait envisager la lignée catholique légitime au trône d'Angleterre, au regard historique, plusieurs branches secondaires de la famille royale, descendants apparentés à celle-ci pourraient revendiquer un droit symbolique à la Couronne. Particulièrement actifs au XIXe siècle (notamment en Ecosse), aucun mouvement politique ou culturel catholique ne conteste réellement le droit aux souverains britanniques de régner bien que la question a été régulièrement posée avec une mention notifiée de discrimination portée à chaque texte au Parlement (européen).

 

 

Charles III et une monarchie ouverte sur le catholicisme

Le roi Charles III, lors de son couronnement en mai 2023, a réaffirmé son rôle de gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre et son engagement envers la religion protestante. Pourtant, sa présence à ces funérailles catholiques illustre sa volonté de conciliation et son ouverture. Il avait d’ailleurs déjà montré cette approche lors de sa participation aux funérailles de Jean-Paul II en 2005, à la canonisation de John Henry Newman en 2019 et lors de visites à des institutions catholiques londoniennes. 

Cette cérémonie unique, célébrant une duchesse profondément engagée dans sa foi et dans la société, pourrait signifier un profond changement des esprits : la monarchie britannique, longtemps associée à l’exclusion des catholiques, affirme désormais une proximité respectueuse avec cette communauté. Comme le rappelle Timothy Guile, « notre Église n’est plus une institution étrangère » aux yeux de la famille royale, et ce geste ouvre la voie à un dialogue plus serein entre tradition et modernité. Une religion qui a d'ailleurs le vent en poupe parmi la Gen-Z (1 britannique sur 3) et qui connaît un certain renouveau parmi les 18-34 ans ( 4% en 2018, ils sont désormais 18% à se dire aujourd'hui fidèles à la messe le dimanche). On estime a 6 millions le nombre de catholiques au Royaume-Uni.

En 1961, la reine Élisabeth II a rencontré pour la première fois le pape Jean XXIII. Elle renouvela cette visite à cinq reprises au cours de son long règne, auprès des différents souverains pontifes qui se succédèrent au fil des décennies. À la fin d’octobre 2025, le roi Charles III se rendra à Rome pour rencontrer le pape Léon XIV, dans le cadre de l’Année sainte de l’Église catholique, perpétuant ainsi la tradition inaugurée par sa mère. Un déplacement qui devrait susciter une large couverture médiatique.  

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Date de dernière mise à jour : 29/09/2025