Accusée de racisme, la monarchie britannique dans la tourmente ?

Elizabeth II, Meghan Markle et le prince HarryLundi dernier, la reine Elizabeth II et divers membres de la maison royale Windsor se sont adressés aux pays membres du Commonwealth pour la journée qui leur est habituellement dédiée. Pourtant la célébration de cette année, restreinte en raison de la pandémie de coronavirus, a été éclipsée par l'interview explosive du prince Harry et de Meghan Markle, duc et duchesse de Sussex, mise en scène par la reine du show américain Oprah Winfrey. Les accusations de racisme contre la famille royale proférées par la bru du prince de Galles ont déclenché une tempête médiatique internationale mais également provoqué un vif débat sur la pertinence du maintien de la monarchie dans certains pays du Commonwealth dont Elizabeth II est la souveraine. Un débat dans lequel le mouvement Black Lives Matter n’a pas hésité à s’engouffrer.

Harry et Meghan Markle sur CBS channelUne tempête dans un verre d’eau pour certains, la pire crise de la monarchie depuis huit décennies pour d’autres. L’interview rondement menée par la show-woman Oprah Winfrey et accordée par le prince Henry (Harry) de Galles et son épouse l’actrice Meghan Markle à la chaîne CBS a déclenché un vif débat inattendu sur le maintien de la monarchie au sein de certains pays du Commonwealth dont la reine Elizabeth II est le monarque constitutionnel. Récemment secoué par de violentes manifestations organisées par le mouvement Black Lives Matter (« La vie des noirs compte »), le Royaume-Uni continue toujours se justifier de son passé colonial dans un étonnant anachronisme non-recontextualisé et les déclarations de la duchesse de Sussex ont donné du grain à moudre aux opposants de l’institution royale au sein du Commonwealth qui estiment que cette « relique du passé doit disparaître ». Ancien Premier ministre australien, Malcolm Turnbull a déclaré à l'Australian Broadcasting Corp que cette interview avait démontré au monde entier que le chef d'État officiel du pays « devrait être désormais un citoyen australien », affirmant même que ses compatriotes  sont plus élizabethins que royalistes. Tout est dans la nuance pour un homme qui a été renversé en 2018 par le monarchiste Scott Morrisson après 3 ans de mandature et qui est connu pour ses positions républicaines. Le débat n’est cependant pas nouveau dans cette partie du Commonwealth et chaque année le mouvement républicain local tente de provoquer une discussion nationale sur le sujet à travers de « pseudo-scandales » abracadabrantesques qui ont sérieusement érodé leur base militante.

Elizabeth II en JamaïqueAccusé de « gestion toxique » par les employés de Rideau Hall, la Gouverneur-général du Canada, Julie Payette a dû jeter l’éponge le 21 janvier dernier avec pertes et fracas. Si la date est symbolique pour les partisans de la république (les révolutionnaires n’ont-ils pas coupé la tête à Louis XVI ce jour de 1793 ?), Il n’est pas question de débattre de la monarchie pour le premier ministre Justin Trudeau. « Si les gens veulent parler plus tard de changement de notre système de gouvernement, pourquoi pas, ils ont le droit de l'évoquer mais pour le moment ce n'est certainement pas le moment d'entamer un tel débat » a balayé du revers de la main le dirigeant canadien après que de nombreux appels en ce sens ont été relayés par la presse locale choquée par les propos de la duchesse de Sussex. Au Québec où la question est la plus sensible et la monarchie en perte de vitesse dans les sondages, les indépendantistes ont rapidement déposé un projet de loi visant à abolir la prestation de serment à la reine Elizabeth II. « Je pense que c'est clair. Je l'ai dit dans le passé: je ne vois pas  l'avantage à garder la monarchie au Canada, encore plus après les propos concernant les préjugés raciaux existants au sein de la famille royale », a déclaré le chef du Nouveau Parti démocratique , Jagmeet Singh. L’avocat canado-penjabi estime d’ailleurs que «la détresse vécue par Meghan Markle est l’exemple de l’impact sur la santé mentale que cela peut avoir sur les personnes racisées». « Je ne commenterai pas ce qui se passe au Royaume-Uni. On a beaucoup de travail à faire encore à éliminer la discrimination et le racisme systémique dans nos institutions. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut tout simplement enlever toutes ces institutions et en rebâtir de nouvelles» s’est agacé Trudeau qui a renouvelé son « affection «  à la Maison royale. En Nouvelle-Zélande, bien qu’elle soit républicaine, la Première ministre Jacinda Ardern n’a pas non plus souhaité donner suite à ce débat. « Je ne vois pas actuellement de désir des néo-zélandais de changer de système » s’est contenté de déclarer cette travailliste, habituellement plus critique envers la monarchie.

Opal TometiEn Jamaïque, les accusations de Meghan Markle ont profondément irrité la journaliste Dionne Jackson Miller qui s’est étonnée que la princesse se fasse passer pour une victime du racisme « quand elle a la peau plus claire que nous » peut-on lire sur son compte twitter. Avant même la diffusion de l'interview, certains pays issus des anciennes colonies britanniques des Caraïbes avaient déjà ouvertement marqué leur rejet du système royal accusant  celui-ci d’avoir qui a construit sa richesse grâce à la traite des esclaves. En septembre 2020, l’île de la Barbade a annoncé son intention d’abolir la monarchie. « Le moment est venu de laisser complètement derrière nous notre passé colonial» n’a pas hésité à dire publiquement la Gouverneur-générale Sandra Mason. Les dirigeants jamaïcains ont  également exprimé, tout comme ceux de Sainte-Lucie etde Saint-Vincent-et-les Grenadines, leur souhait de proclamer la république sans que pour autant que cela n’ait un grand parmi les sujets afro-caribéens de sa « Gracieuse Majesté » qui accordent peu de crédits aux propos de Meghan. Mais pour la fondatrice du Black Lives Matter, mouvement soutenu par ailleurs par la duchesse de Sussex qui est intervenu à diverses reprises dans des universités américaines pour en faire la promotion, les gens devraient « tourner le dos à cette monarchie » raciste.  « Elle a soulevé de sérieuses préoccupations et toutes les femmes noires doivent croire ce qu’affirme Meghan » n’a pas hésité à dire Opal Tometi à la presse américaine, reprenant les propos de la duchesse qui a suggéré que son « héritage biracial aurait pu insuffler un nouveau vent au sein de la famille royale  et à travers le Commonwealth, étant donné que «60, 70%» de sa population sont des personnes de couleur ».  «Je ne pourrais jamais comprendre comment cela ne serait pas perçu comme un avantage supplémentaire et comme un reflet du monde d’aujourd’hui»  a déclaré très larmoyante et au cours de l’interview la duchesse, faisant curieusement l’impasse sur l’investissement réel et avéré des membres de la famille royale contre le racisme. Ou oubliant que l’entourage de la « Queen » comme son conseil privé compte des personnes issues de la diversité britannique.

La reine Elizabeth II dansant avec le président NkrumahSi un sondage publié par Talk Radio a démontré que les britanniques restaient profondément attachés à leur institution royale à plus de 75%, c’est l’intervention de Sir Kenneth Olisa qui a connu son petit buzz. Premier Lord-Lieutenant anglo–nigérian de la reine Elizabeth II, il a pris la défense de la famille royale et a déclaré qu’il avait eu le « privilège de rencontrer tous les membres de la famille royale à de nombreuses reprises », confirmant « qu’ils sont charmants et inclusifs ». « En tant que chef de la nation, le souverain agit comme un foyer pour l’identité nationale, l’unité et la fierté; elle donne un sentiment de stabilité et de continuité. Ses liens étroits et son affection pour le Commonwealth nous rappellent son affiliation à tous ses sujets, quelle que soit leur couleur ou leur croyance »a rappelé en guise de leçon Sir Kenneth Olisa, Indubitablement, les Windsor sont le symbole d’une monarchie ouverte, moderne dirigée par une reine qui n’a pas hésité en 1961 à briser les tabous en dansant un foxtrot avec le président Kwamé Nkrumah, alors tout jeune président de la République du Ghana. Une révolution pour les journaux de cette époque et que semblent avoir oublié le couple Sussex.

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Date de dernière mise à jour : 12/03/2021

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