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Le pape François en Roumanie

« Forte mobilisation en Roumanie pour l’accueil du Pape François ».  Le titre qui s’étale en « une » du Vatican News résume à lui seul toute la journée d’hier et l’importance de l’événement. Arrivé ce matin à Bucarest, le pape François a reçu la curatrice du trône et son époux, la princesse Margareta et le prince Radu en marge d’une cérémonie célébrée dans la cathédrale catholique de la capitale. Tout un symbole dans un pays à majorité orthodoxe et qui,  au cours de son histoire tumultueuse,  a apposé une couronne sur les héritiers de l’empire romain d’Orient.

 

30 150 000 personnes, agitant pêle-mêle drapeaux du Saint-Siège et de la Roumanie, se sont rassemblées pour accueillir le souverain pontife venu renforcer le dialogue œcuménique entre les deux religions. La veille, le président Klaus Iohannis avait salué cette « heureuse occasion de rassembler les chrétiens orthodoxes, catholiques romains et gréco-catholiques ».  Une visite, la 30ème de son pontificat, qui intervient alors que le pays traverse une crise politique importante avec la chute et l’arrestation de Liviu Dragnea, le leader eurosceptique du Parti-social-démocrate, reconnu coupable de corruption. Venu pour béatifier « 7 évêques grecs-catholiques, martyrs du communisme de 1950 à 1970 » nous indique le journal «La Croix », la maison royale de Roumanie était présente parmi tous les invités privilégiés, aux côtés du Pape. L’occasion de revenir sur l’histoire et les liens entre la famille royale et le Saint-Siège.

Avec plus de 80% d’orthodoxes, le prince Charles (Carol) de Hohenzollern n’avait pas eu le choix. Pour accéder au trône  de la Valachie et de la Bessarabie unifiée,  ce catholique né au sein de la maison de Sigmaringen s’était converti à cette religion, dite schismatique depuis 1054. Cela n’avait pas vraiment posé de problèmes à ce prince allemand. Et bien que la constitution imposa à tous les membres de la maison royale qu’ils soient baptisés dans la religion orthodoxe, dont les racines se trouvent au plus profond de l’histoire de Byzance, le roi Ferdinand avait été néanmoins le seul souverain à rester attaché à la religion catholique.

Ce qui ne l’a pas empêché d’emprunter aux rites orientaux toute leur pompe liturgique pour son sacre et d’établir le 10 mai 1927 des relations officielles avec le Vatican. Les rois Carol II et Mihaï (Michel) ont été les premiers vrais souverains à être baptisés orthodoxes dans un pays ou flotte encore le parfum du souvenir d’un empire tombé en 1453.  C’est d’ailleurs en Valachie et en Moldavie, que les membres phanariotes de la maison impériale des Cantacuzène vont essaimer et porter la couronne de ces provinces, durant 3 siècles jusqu’à l’indépendance d’une jeune Roumanie en devenir, en 1859, où ils vont jouer un rôle essentiel.

L’église roumaine catholique rassemble à peine 5.4% de la population, soit 1 million de personnes dont 150 000 qui sont liés à l’église gréco-catholique (uniate). Durant l’ère communiste (1947-1989), elle a été persécutée aux mêmes titres que la communauté Rom que le pape va rencontrer dans le sillage de la visite du pape Jean-Paul II, en 1999.  Et si certaines restrictions avaient imposées au prédécesseur du pape François, la visite du Pontife se fait avec le soutien du Patriarche, sa Béatitude Daniel, « formé notamment à l’université de Strasbourg où il avait obtenu un doctorat en théologie catholique (…) et qui a appelé ses fidèles à se joindre  » dans l’unité à l’événement. Proche de la maison royale qu’il a associée à cette rencontre, le Patriarche Daniel est à la tête de l’église orthodoxe roumaine depuis 2007.

Le roi Michel et la reine Anne de Bourbon-Parme ont rencontré à 3 reprises entre 1999 et 2013, le représentant de « Dieu sur Terre ». Reçu en audience privée par le pape Jean-Paul II, le roi entretenait de très bonnes relations avec Benoit XVI qui d’ailleurs « a conféré à l'archevêque de F?g?ra? et Alba Iulia, le titre d'archevêque majeur » nous rappelle l’Acta Apostolicae Sedis. Anecdote peu connue, mais c’est la reine–mère Hélène de Grèce qui s’était rendue au Vatican en 1948 afin de demander personnellement au Pape Pie XII, une autorisation pour que Michel puisse épouser une descendante de Louis XIV, élevée dans le rite catholique.  

31 4Hier à 17 heures, l’arrivée du couple royal a donné lieu à des débordements de joie et d’enthousiasme de la part des roumains. Entouré par un imposant service d’ordre et de la presse, habillés tout de noir, la princesse Margareta et le prince Radu ont partagé quelques mots avec leurs concitoyens ou se sont prêtés au jeu des  selfies. Le temps de quelques longues minutes, la Roumanie a vécu un instant royal, confirmant la popularité de la maison royale, devenue en deux décennies un acteur majeur de la vie politique d’un pays qu’elle a contribué à construire dans l’unité et la tolérance religieuse.  Sous le règne des rois de Roumanie, l’église catholique (principalement composée de hongrois de Transylvanie, d’allemands ou de slovaques)  n’a  en effet  souffert d’aucun traumatisme et a même été très protégée. Des drapeaux monarchistes aperçus parmi la dizaine de milliers de roumains massés pour accueillir le Pape, devant des écrans géants et que la pluie n’a pas arrêtés, ont achevé de donner à cette visite royale son caractère sacré.

Présentés au Pape qui attendait à l’intérieur de l’église Saint-Joseph de Bucarest, sous le crépitement des flashs, la princesse Margareta et le prince Radu ont échangé des paroles et cadeaux avec le souverain Pontife, tout sourire.

 

Une rencontre d’état avant de de prendre place  dans la cathédrale afin d’assister au service liturgique qui inaugure cette visite diplomatique et religieuse de 3 jours du Pape. Et ce n’est pas la seule rencontre que feront les membres de la maison royale de Roumanie puisque, protocole oblige, ils ont été invités et seront présents à la cérémonie de béatification, le 2 juin.

Dans son discours au Pape et dans la droite ligne des rapports entretenus entre la monarchie et le Vatican,  le président Klaus Iohannis a rappelé l’importance de « l’engagement de l’état à garantir la liberté de religion »,  qui a permis ainsi à l’établissement de ce « dialogue interconfessionnel empreint d’un profond respect mutuel et dans un climat qui reflète également toute la chaleur de l’hospitalité de l’église catholique ». « Nous devons cheminer ensemble » a déclaré le Saint-Père qui se fait l’apôtre de la réconciliation entre les deux religions, initiées à diverses reprises par ses prédécesseurs. A la foule qui lui criait « Viva Papa » et devant la princesse Margareta enfermée dans une parfaite dignité remplie d’humilité chrétienne,  le Pape leur a répondu en roumain « Hristos a înviat » (le Christ est ressuscité). La Roumanie, assurément hier, était «ce pont européen entre l’Orient et l’Occident » comme l’a rappelé le président Klaus Iohannis.

Frederic de Natal

Paru le 01/06/2019

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