Dans une lettre ouverte adressée aux parlementaires tchèques, le parti monarchiste de la Couronne tchèque a réclamé l’abrogation de la loi qui interdit l’utilisation des titres de noblesse en République tchèque depuis la fin de la Première guerre mondiale.
Profitant des soubresauts qui agitent l’Empire austro-hongrois à la fin de la Première Guerre mondiale, le Comité national tchécoslovaque, dirigé par le morave Tomáš Masaryk, le bohémien Edvard Beneš et le slovaque Milan Stefanik, s’empressent de prononcer la déchéance des Habsbourg-Lorraine et l’indépendance de la Tchécoslovaquie, le 28 octobre 1918, Un état qui sera plus tard ouvert à l’appétit des nazis et des communistes avant de se scinder en deux avec la Révolution de velours (1991) à la chute du Mur de Berlin. Dans sa volonté d’éradiquer le souvenir de la dynastie autrichienne et mettre fin aux privilèges dont bénéficient les membres de la noblesse, vastes propriétaires terriens, la nouvelle assemblée législative décide de faire voter une loi interdisant l’usage des titres nobiliaires. « La noblesse et les ordres, ainsi que tous les droits qui en découlent, sont abolis, ainsi que les titres, s'ils ont été attribués à titre de simples honneurs » stipule l’article de la loi n° 61/1918 qui n’a jamais été abrogée depuis.
Une loi jugée anachronique par les monarchistes
Si celle-ci a été renforcée au cours des décennies suivantes, a connu une brève abrogation durant l’ère du Protectorat de Bohême-Moravie (1939-1945), elle a été très vite rétablie par le régime soviétique qui a suivi. En dépit de quelques progrès, comme le vote d’une loi de restitution des terres aux anciennes familles aristocratiques tchèques (1989), la République a décidé de maintenir la loi interdit l’utilisation des titres de noblesse. Une incongruité historique dont le parti monarchiste de la Couronne tchèque (Koruny České -monarchistické strany Čech, Moravy a Slezska) a décidé de réclamer la fin de ce qui « impacte la société tchèque dans son ensemble » et qui est une « situation jugée intenable » selon les partisans de la restauration de la monarchie. Ils ont adressé une lettre aux parlementaires en ce sens le 18 janvier 2024. S’ils commencent en reconnaissant que le sujet peut sembler marginal pour certains, ils insistent sur l'importance symbolique de la question et font référence au décès du prince Karel (zu) Schwarzenberg en novembre 2023, qui a ravivé les débats sur l'utilisation des titres aristocratiques dans la société tchèque.
Rendre à César ce qui appartient à César
Ils soutiennent que la noblesse tchèque a été « un bienfait pour le pays et qu’elle a historiquement contribué au bien-être de l'État ». Pour les monarchistes, cette approche encourage une certaine éthique et responsabilité envers le pays. La lettre rappelle que la société tchèque continue de reconnaître naturellement l'existence de la noblesse, citant des exemples tels que l'utilisation fréquente des titres à la télévision publique tchèque. Les rédacteurs notent également que d'autres pays qui ont adopté une institution républicaine, comme la France, ne cherchent pas à interdire les titres de noblesse, les reconnaissant volontiers sans leur accorder de privilèges particuliers pour autant. Les monarchistes, qui espèrent susciter un débat de société, précisent toutefois qu’ils n’entendent pas restaurer les privilèges de la noblesse si la loi, « issue d’un passé révolu » est abrogée, mais qu’un tel acte de la part des élus serait considéré « un symbole du rejet définitif de l'idéologie égalitaire et haineuse du passé communiste ».
Créé peu de temps avant la chute du régime pro-soviétique, bénéficiant d’une assise locale et nationale avec quelques élus, le parti de la Couronne Tchèque reste aujourd’hui un mouvement minoritaire sur l’échiquier politique tchèque. Selon un récent sondage, seuls 13% des Tchèques souhaitent le retour de la monarchie, le nom des Hasbourg ne faisant pas forcément consensus parmi eux.
DR@Frederic de Natal