Alors que les incendies ravagent une fois de plus les forêts portugaises, le duc de Bragance, Dom Duarte Pio, tire la sonnette d’alarme. Face à l’inaction politique, il appelle à une véritable stratégie écologique, enracinée dans la prévention et la ruralité.
Encore une fois, les flammes ravagent les terres portugaises. Les images sont devenues tristement familières : des villages menacés, des paysages calcinés, des hectares de forêt partis en fumée. Face à la gravité de la situation, Dom Duarte Pio de Bragance, chef de la Maison royale portugaise, a publié un message poignant et engagé, dénonçant l’inaction chronique des pouvoirs publics et appelant à un véritable sursaut écologique et national.
« Notre pays est confronté à la douleur et à la dévastation causées par les incendies. Des vies sont en danger, des maisons sont détruites, des terres réduites en cendres et un patrimoine naturel inestimable est détruit. », a affirmé ce Capétien. Ce cri d’alarme, adressé à tous les Portugais, est celui d’un homme profondément attaché à la terre, à la ruralité et à l’identité nationale. Plus qu’un simple communiqué, c’est une prise de position politique au sens noble : une dénonciation de la passivité gouvernementale et une invitation à reconstruire une stratégie écologique ambitieuse et durable.
Une tradition monarchique au service de la terre
Duarte Pio de Bragance n’est pas seulement un prétendant au trône. Il est depuis longtemps une figure respectée de l’écologie portugaise. Fervent défenseur de la ruralité, soutien actif de projets de reboisement, collaborateur du World Wildlife Fund, il milite pour une gestion durable du territoire et pour le retour à une agriculture de proximité.
En 2006 déjà, dans une tribune publiée dans Público, il appelait à « une écologie enracinée dans les traditions rurales portugaises » et dénonçait les conséquences de la désertification des campagnes. Quinze ans plus tard, rien ou presque n’a changé. Les incendies, eux, se sont intensifiés. le duc insiste : les pompiers et les militaires font preuve d’un courage admirable, mais cela ne suffit plus. « Nous ne pouvons continuer à compter uniquement sur ceux qui sont en première ligne. Il est essentiel d’adopter une stratégie nationale qui privilégie la prévention, et non la simple réaction. », déclare le prince.
Le discours du duc de Bragance ne se contente pas d’indignation : il propose des pistes précises, ancrées dans les travaux d’experts que les gouvernements successifs ont ignorés. Il cite notamment le professeur et architecte Gonçalo Ribeiro Telles (1920-2020), pionnier de l’urbanisme écologique au Portugal. Celui-ci avait proposé il y a des décennies la création de grandes zones coupe-feu de plus de 400 mètres de large, entretenues naturellement par des troupeaux de chèvres ou de moutons. « Malheureusement, ce projet n'a jamais été mis en œuvre par les gouvernements successifs. », regrette Dom Duarte-Pio.
Au cœur de cette vision, une idée simple : le feu se combat en amont. Recréer une économie rurale vivante, réhabiliter les chemins agricoles, entretenir les terres, valoriser les activités pastorales... Il s’agit moins de moderniser que de renouer avec un savoir-faire oublié. Mais le duc pointe également du doigt la responsabilité humaine, parfois criminelle, dans ces drames. Il appelle à une réponse judiciaire exemplaire : « Un incendie auto-infligé n’est pas un simple crime : c’est une attaque contre nous tous. » . En d’autres termes : porter atteinte à la nature, c’est porter atteinte à la nation.
L’écologie comme devoir patriotique
Ce discours s’inscrit dans une philosophie que Dom Duarte promeut depuis toujours : celle d’une écologie patriote, enracinée, fondée sur la transmission. Pour lui, protéger l’environnement, c’est d’abord honorer l’héritage naturel et culturel de la patrie, et préparer l’avenir des générations futures. « Puisse la douleur de ces jours se transformer en action, et puissions-nous enfin construire un Portugal plus sûr, plus durable et mieux protégé. », écrit-il.
Dans une époque où le débat écologique est trop souvent confisqué par des postures idéologiques, la voix du duc tranche. Elle appelle à un sursaut collectif, au-delà des clivages partisans. Elle repose sur une vision à long terme, non pas technocratique, mais humaine et territoriale. Elle évoque moins un programme politique qu’une mission : faire de l’écologie un pilier de l’identité portugaise. Dans les années 1980, au gouvernement, les monarchistes portugais avaient été les précurseurs d’un écologisme politique au service de la nation portugaise.
En ces jours de deuil écologique, cette prise de parole n’est pas passée inaperçue. Les réseaux monarchistes portugais, mais aussi de nombreux citoyens ruraux, se sont saisis du message. Plusieurs élus locaux ont salué le ton juste et les propositions concrètes de Dom Duarte. Certains appellent même à réintroduire dans le débat parlementaire les projets de Gonçalo Ribeiro Telles, soutenus par la Fondation Dom Manuel II, dont le duc est le président d'honneur.
Alors que les autorités peinent à gérer l’urgence, cette parole alternative, héritière mais moderne, semble incarner une forme d’espoir.
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