C’est en sa qualité de Grand-maître de l’Ordre Constantinien de Saint-Georges que le prince Carlo di Borbone delle Due Sicilie (Charles de Bourbon-Deux-Siciles) a été reçu très officiellement le 23 février dernier par la présidente du Sénat Maria Elisabetta Alberti Casellati. Prétendant à la couronne du royaume des Deux-Siciles, ce descendant de Louis XIV est aussi un habitué des couvertures de magazines peoples en tout genre où avec son épouse et ses deux filles, ils se mettent régulièrement en scène. Portrait d’un prince qui n’a pas hésité à casser les traditions en vigueur au sein de sa maison depuis leur montée sur le trône de Naples et Sicile en 1734.
Il est né à Saint –Raphaël, dans le Var. Fils du prince Ferdinand de Bourbon-Siciles (1926-2008) et de Chantal de Chevron-Villette (1925-2005), il a été éduqué dans la perspective de monter sur un trône tombé à l’aube du Risorgimento en février 1861.
Pour les chemises rouges, ces partisans du roi de Piemont-Sardaigne, dirigés par Guiseppe Garibaldi, il s’agissait de faire vite afin d’unifier l’Italie sous la coupe des Savoie. Le roi François II est charismatique, sa femme, Marie-Sophie de Bavière d’une beauté et doté d’un caractère fort à l’image de sa sœur, l’impératrice Sissi. Leur farouche résistance dans la forteresse de Gaete restera un des épisodes les plus marquants de la fin de vie de cette monarchie bourbonienne. Les adieux cette terre qu’ils avaient tant aimée sont tout aussi émouvants. Leur exil sera sans retour mais le roi n’abdiquera jamais, luttant infatigablement pour dénoncer cette annexion validée par un référendum truqué.
A 56 ans, le prince Charles de Bourbon est l’héritier d’une famille dont le destin s’est entremêlé à celui des Bonaparte, le général qui mit entre 1796 et 1798 toute l’Italie à terre avant de renverser les Bourbon pour finalement placer tout à tour son frère Joseph puis son beau-frère Joachim Murat (entre 1806 et 1815) à la tête de ce royaume. Ironie de l’histoire, sa sœur Béatrice épousera le prince Charles Bonaparte, héritier des deux empires français. Lui a préféré Camilla Crociani, fille d’un riche industriel et de l’actrice Eddy Vessel, remarquée dans un des films de Frederico Fellini et que l’on dit obsédée par cette noblesse d’antan illustrée dans le film à succès, « Le Guépard ». Le prince a effectué ses études à l’école des Pères maristes de Toulon puis au Collège Stanislas de Nice, parle un excellent français. C’est d’ailleurs dans l’Hexagone qu’il a décidé de faire son service militaire. C’est un affairiste accompli qui n’a pas hésité à remuer les traditions.
«(…) Nous devons entretenir le souvenir sans tomber dans la nostalgie. Je me dois, d'assister à de nombreux actes officiels ou commémoratifs, aux côtés de mon épouse et de mes deux filles, tout en demeurant attentif à tous ceux pour lesquels ce riche passé représente quelque chose aujourd'hui. Ainsi, dans le sud de l'Italie, le souvenir des Bourbons reste extrêmement vivace » déclare-t-il lors d’une interview donné au journal L’Eventail en novembre 2018. Deux ans auparavant, depuis le Vatican, ce fervent catholique avait annoncé sa décision d’abroger la loi de succession qui favorisait les seuls mâles de sa famille afin de permettre à ses deux filles, Maria –Carolina (16 ans) et Maria-Chiara (14 ans) d’assurer une succession conforme aux lois européennes en vigueur. Et si cet événement à peu d’échos, comparé à la campagne du Brexit qui bat son plein, chez les monarchistes néo-bourboniens, c’est la stupeur.
Car depuis plus d’un demi -siècle, une querelle dynastique agite la maison royale des Deux-Siciles. 2 branches revendiquent le trône et lorsqu’en 2014, les princes Charles et Pierre de Bourbon- Sicile avaient enfin mis de côté leur rancœur en signant un pacte de fusion, chaque camp avait enfin cru à la fin d’une dispute qui avait considérablement affaibli la mouvance monarchiste. Un répit de courte durée comme tente de s’en expliquer le prince : « Depuis plusieurs décennies, une ancienne branche de la Maison Royale des Deux Siciles qui a fait le choix délibéré de rejoindre la Maison Royale d'Espagne prétend retrouver des droits auxquels elle a officiellement renoncé. Ce conflit, surgi dans les années 1960, a attristé la vie de mon père, de mon grand-père et de toute la famille pendant plus d'un demi-siècle. J'ai donc souhaité une réconciliation afin de ne pas léguer de telles disputes à mes filles. Nous avons tenté de trouver un accord pour que cette branche puisse porter certains titres historiques de la Maison Royale des Deux Siciles. Malheureusement, l'armistice fut de courte durée et ces cousins revendiquent à nouveau une place qui n'est pas la leur. » Les mauvaises langues, eux prétendent que cette décision est due surtout à la volonté de son épouse, très ambitieuse, soucieuse de préserver les intérêts de ses filles (surnommées les « poupées barbies Bourbon ») et dont la dispute avec sa sœur et sa mère sur fond de fortune considérable avait fait les choux–gras de la presse italienne, entre 2011 et 2017. « Absurde ! » répondent leurs soutiens qui affirment que le prince européen convaincu ne fait que répondre au progressisme ambiant et nécessaire à une époque qui se veut plus «égalitaire, plus féminine » peut-on lire dans un numéro de Point de Vue qui a consacré un reportage sur cette famille. « Une femme aujourd'hui doit s'assumer, étudier, travailler. Nous les préparons à cela » avait renchérit d’ailleurs la duchesse de Castro. ?
Et à chacune des deux tendances, ses partisans que ce soit dans la mouvance ou dans l’Ordre constantinien de Saint-Georges. Ceux du prince Charles sont réunis au sein de la mouvance du mouvement néoborbonico (associé au Parti du Sud dont la fleur de Lys orne son logo officiel). « Ils ont un certain charme » dit d’eux le prétendant au trône, suivi par près de 20 00 personnes sur les réseaux sociaux dont il est très friand. Quelques milliers de partisans qui commémorent régulièrement les grandes dates de l’histoire du royaume, nostalgiques d’un royaume richissime et qui accusent d’ailleurs le nord de l’avoir délibérément trahi. Il réside entre Naples et New –York, se bat contre le révisionnisme historique. Que pense-t-il de cet irrédentisme renaissant qui a creusé le fossé à tous niveaux entre le Nord et le Sud de l’Italie ? « Tant que cela n’aura pas lieu, le Sud de l’Italie représentera un problème pour le reste de l’Italie. Il faut aider le Sud en lui redonnant les moyens, car ce n’est certainement pas la volonté et la capacité qui manquent, mais bien les moyens. Malheureusement, pour le moment, il est évident que ceux qui doivent prendre certaines décisions n’ont pas cette volonté » déclarait-il en mars 2018 à un journaliste de Monaco avant de rajouter : « Notre Maison Royale est enracinée dans le Sud. Elle exprime la grande culture, la politique administrative des Bourbons qui, pendant de longues périodes de l’histoire, ont été synonymes d’administration efficace, de bon gouvernement, de mécénat, d’innovation et d’œuvres de bienfaisance. Il faut restituer au Sud la liberté d’exprimer ses excellences. Les populations du Sud possèdent toutes les ressources morales et intellectuelles pour renaître ». Souhaite-t-il jouer un rôle de premier plan afin de mettre en avant l’idée de restauration de la monarchie dans un pays en crise ? Attentiste, regrettant la montée des populismes (le Sud ayant majoritairement voté pour le mouvement 5 étoiles-ndlr), il répond simplement que : «Quiconque se préoccupe de l'intérêt général s'implique déjà en politique. ». Dont acte !
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Publié le 13/03/2019