Exclusif : Le dernier entretien d'Amedeo de Savoie-Aoste

Amedeo  de Savoie- AosteC’est un entretien en guise de testament politique. Quelques heures avant de décéder d’une crise cardiaque à l'âge de 77 ans, des suites d'une opération chirurgicale aux poumons, c'est par téléphone et depuis son lit d'hôpital que le prince Amedeo de Savoie-Aoste a accordé une interview à l‘agence de presse AdnKronos. Très affaibli, mais néanmoins confiant sur l‘évolution de son état de santé à ce moment-là, il avait souhaité évoquer le référendum de 1946  et le retour de la monarchie en Italie comme alternative crédible. En exclusivité, découvrez les toutes dernières paroles de ce descendant du roi Victor-Emmanuel II, considéré par ses partisans comme le vrai roi d'Italie.

Referendum du 2 juin 1946« Non, je n’ai jamais vécu le jour de notre fête nationale avec ressentiment. Cela n’a jamais été un jour de deuil pour moi ». A la veille de la date anniversaire de la proclamation de la République, c’est depuis son lit d’hôpital que le prince Amedeo de Savoie-Aoste a accepté de répondre aux questions d’un journaliste de l‘agence de presse AdnKronos. Sortant à peine d’une intervention chirurgicale aux poumons, bien qu'affaibli  comme le démontre l'enregistrement qui a été rendu public, le prétendant au trône d’Italie  avait tenu à assumer ses devoirs. Il ignorait encore que ce serait sa dernière interview. Quelques heures plus tard, ce descendant de Victor-Emmanuel II rendait son dernier soupir à Dieu.

Le référendum du 2 juin 1946 a-t-il été truqué ? Cette question demeure encore sans réponses mais la teneur des évènements qui ont suivi la proclamation des résultats laissent penser qu’il est entaché de nombreuses irrégularités Loin d’être moribonde, la monarchie reste encore plébiscitée par de nombreux italiens qui se méfiaient des partis républicains mais aussi de la figure du roi Umberto II de Savoie. Son attitude controversée durant la Seconde guerre mondiale et le soutien que sa famille a apporté aux fascistes de Mussolini avait laissé un goût amer à ses compatriotes comme le rapporte à cette époque le philosophe Benedetto Croce, figure de proue de l’antifascisme intellectuel. Il « a accompagné la geste et les gestes des fascistes, ne jouit d’aucune estime auprès du peuple italien qui le tient même en mésestime, est considéré comme un fat (ou pire que cela)… » écrit très séchement à propos du monarque, celui qui était pourtant fervent défenseur de l’institution monarchique. Pis, la monarchie, qui a de considérables moyens financiers,  tente de s’appuyer sur le parti de la Démocratie Chrétienne du Président du Conseil, Alcide de Gasperi, afin de convaincre les masses de se déplacer et voter en faveur du maintien de la famille royale. Ce sera un échec tout comme l’aide demandée au Saint-Siège du Pape Pie XII qui refuse de se positionner clairement, semblant plus inquiet de préserver son propre statut que celui du roi.  Les résultats seront appels : 12 717 923 voix à la République et 10 719 284 voix à la Monarchie. Il y a eu 1 498 136 votes blancs ou nuls. Le Nord piémontais a voté en faveur de la République, le Sud bourbonien a tenté de sauvegarder une institution qui avait pourtant mis fin à son indépendance lors du Risorgimento.

Le roi Umberto iiAprès 34 jours de règne, le roi Umberto II décide de quitter l’Italie mais sans abdiquer. A la presse, il évoque sans ambages des trucages, des résultats proclamés trop vite alors que les chiffres en faveur de la monarchie semblaient en nette avance, il parle du sang versé par les royalistes durant la campagne (notamment à Naples), de son amertume. Amedeo de Savoie-Aoste n’a alors que 3 ans lorsqu’il perd tous ses titres et avantages liés à ses fonctions de prince. Il n'en garde comme souvenir que les échanges récurrents entre ses parents et leurs cousins. « Il faut avouer que rien n’a été clair [dans ce référendum-ndlr] et je me souviens que ma famille le critiquait, surtout parce que rien ne s’était passé dans les règles. Et c'est ça le problème aujourd’hui » déclare le prétendant au trône italien entre deux toussotements. «  Même dans les  résultats du référendum, rien n’a été très légal, on parlait même d’irrégularités, ce qui semble très probable, et que tout cela ait été une belle fraude » renchérit le prince de Savoie-Aoste. « Quoiqu’il en soit, je pense de toute façon que rien n’a été vraiment clair des deux côtés. Le référendum s'est déroulé avec trop d'anticipation, loin des désirs réels du Roi et de ce qu’il voulait faire » poursuit Amedeo de Savoie-Aoste.

Amedeo et Aimone de Savoie -Aosta« La monarchie est –elle un concept dépassé ? » lui demande le journaliste. La conversation s’éternise, le prince doit reprendre son souffle mais garde sa dignité et son sérieux.  « Je pense que non. Au fond c'est quelque chose dans lequel tout le monde peut se retrouver et que vous soyez républicain ou monarchiste, cela reste un très bon moyen de gérer l’état. Je crois au contraire que, dans un certain sens, la République ne peut que permettre l’émergence de groupes qui réclament l’indépendance comme nous pouvons le voir en Espagne avec le cas de Catalogne » déclare Amedeo de Savie-Aoste qui vise directement les partisans des Bourbons-Deux-Siciles qui luttent pour la fin de l’union. « Les monarchies sont démocratiques du moment que vous lui donnez bien cette forme et il serait stupide de croire que la monarchie de droit divin pourrait revenir. Je rappelle qu’une République peut dégénérer en dictature comme cela a été le cas en Union soviétique alors qu’au contraire la démocratie est revenue avec la monarchie des Bourbons qui a mis fin au régime franquiste en Espagne » affirme le prince Amedeo qui regarde toutefois les festivités du 2 juin avec un certain œil critique. « Bien que j’ai prêté serment à la République, il y a toujours une grande propagande mise en place dans les jours qui précèdent les célébrations de cette journée, dans laquelle on ne cesse de nous vendre que tout s'est passé de manière extrêmement démocratique alors que c’est largement exagéré » rappelle une nouvelle fois le prétendant au trône. « A l'époque de la monarchie, Les Savoie ont fait de belles choses et au maintenant on nous assène de critiques et on essaye de faire croire le contraire » regrette t-il. 

« Que comptez –vous faire pour ce 2 juin ? » lui demande alors le journaliste. « Je pense que je serai toujours à l'hôpital, car j'ai des problèmes de poumon et de rein. Maintenant je m'excuse, comme vous l’entendez, ils ne sont pas en excellent état... J'espère, une fois que je serais de nouveau en forme, avoir de vos nouvelles bientôt » répond alors le prince Amedeo. Un entretien émouvant  de quelques minutes en guise d’ultime testament, désormais passé à la postérité de l'Histoire.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 04/06/2021

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