L'offensive hongroise des Habsbourg sur l'Europe

Georg de Habsbourg-LorraineIl porte un nom aussi prestigieux que celui-ci est étroitement associé à l’histoire de l’Europe. Depuis sa nomination comme ambassadeur de Hongrie à Paris en décembre 2020, l’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine a lancé une véritable opération de charme sur l’Hexagone dirigé par un exécutif qui ne fait pas mystère de ses orientations pro-européennes. Pour le petit-fils du dernier empereur-roi d’Autriche-Hongrie, il s’agit désormais de replacer le bloc de Visegrad au centre de l’échiquier européen, devenu incontournable depuis le Brexit, afin de contraindre Bruxelles à prendre un virage drastique et entamer de profondes réformes si elle souhaite perdurer. Demain, un Habsbourg à la tête d'une Europe chrétienne et fédérale ? Certains en rêvent déjà.

Georg de Habsbourg-Lorraine  devant le parlement hongroisDifficile de ne pas évoquer la Hongrie sans le nom de cette dynastie séculaire qui a présidé durant des siècles la destinée de ce pays des Balkans. Objet de tous les fantasmes, la maison de Habsbourg-Lorraine entend revenir sur le devant de la scène politique européenne à l‘heure où le vieux continent vit une profonde crise d’identité qui profite à la montée de tous les extrêmes. Au bord du Danube bleu, c’est une véritable atmosphère horthyste (du nom du régent qui a dirigé la Hongrie de 1920 à 1944) qui règne à Budapest depuis l’arrivée au pouvoir en 2012 du premier ministre Viktor Orban. Sous le dôme du parlement néo-gothique de la capitale hongroise, repose la couronne de Saint-Matthias qui attend patiemment l’heure où elle brillera de nouveau au firmament. C’est dans ce contexte que l’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine, petit-fils du dernier empereur-roi d’Autriche-Hongrie, a été nommé ambassadeur de Hongrie à Paris. Avec pour mission de faire ployer l’échine de la politique pro-européenne française, jugée trop agressive et intrusive par un certain nombre de pays-membres. Un sans-faute pour ce prince qui se place dans les pas de sa famille déjà elle-même au centre de l’échiquier européen.  « La France a une importance éminente dans l'Union européenne car - surtout après le Brexit - elle représente le poids politique mondial de l'Europe en tant que puissance nucléaire et membre du Conseil de sécurité de l'ONU. Quiconque souhaite renforcer la politique étrangère de l'UE ne peut ignorer Paris. Le gouvernement hongrois veut une Europe forte et unie à l'extérieur et diverse et tolérante à l'intérieur. Je veux donner du poids à cette attitude à Paris et traduire les expériences historiques de la Hongrie » rappelle l'archiduc.

Otto de Habsbourg-Lorraine« En France, malheureusement, il y a eu une image de la Hongrie dans la presse qui n'est pas très favorable - il faut travailler pour changer cela. Un ambassadeur dispose de quelques outils qui lui permettent de faire la promotion du pays qu’il représente. Je vais m'occuper de cela dans les mois et, espérons-le, les années à venir».  L’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine a lancé une véritable opération de charme dans l’Hexagone qui n’est pas sans arrière-pensées. Il multiplie les interviews et n’hésite pas à se rendre disponible afin de défendre les idées de Budapest qui s’apprête bientôt à prendre la présidence de Višegrad (ou V4), ce groupe composé de la Slovaquie, de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie. Un bloc qui a gagné en influence depuis quelques années (encore plus depuis le Brexit) et dont le nom trouve son origine dans une rencontre entre les rois de Bohême, de Hongrie et de Pologne, en 1335, dans cette ville hongroise. La Hongrie tourne ses regards vers Paris. « La présidence française de l'Union européenne(UE) sera importante l'année prochaine, ce qui entraînera de nombreux changements et cela va offrir également de nombreuses opportunités qui donneront plus de visibilité à la Hongrie. Elle sera suivie d'une élection présidentielle en même temps que des élections législatives locales. Les élections sénatoriales auront lieu en 2023, année un peu plus calme, mais 2024 restera celle où la Hongrie prendre la présidence à son tour de l'UE, et celle des Jeux olympiques qui se tiendront ici à Paris » explique l’ambassadeur, représentant d’une dynastie qui a été largement réhabilitée dans un pays qui officiellement abolie sa monarchie en 1946. 

Georg de Habsbourg-Lorraine  et Zsolt Semjén,« Je ne considère pas le gouvernement [hongrois-ndlr] comme très eurosceptique. Je vois seulement un gouvernement qui critique les processus et les structures politiques de l'Union européenne. Et je pense que c'est vrai, car il y a beaucoup de problèmes dans l'UE, beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas bien qui pourraient mieux fonctionner » n’a pas hésité à affirmer le 8 juin dernier Georg de Habsbourg-Lorraine à Euronews. L’archiduc est courtisé par de nombreux politiciens français, de son propre aveu, et arpente déjà les couloirs de l’Assemblée nationale. « J'ai récemment assisté à une audition sur la commission des affaires européennes au Sénat, où nous avons eu des discussions intéressantes, utiles et amicales sur un certain nombre de sujets. Il y a donc beaucoup d'opportunités que je peux utiliser afin de renforcer nos relations à l'avenir » explique le fils d’Otto de Habsbourg-Lorraine à qui la Hongrie va rendre hommage pour le 10ème anniversaire de son décès, en juillet prochain. «  Mon père a vécu jusqu'à l'âge de 98 ans, et quand il est né en 1912, la monarchie austro-hongroise existait encore. Il est devenu héritier du trône en 1916, il était un enfant du siècle dernier. Il a toujours été actif en politique et en a acquis une expérience considérable. Il aurait été bon de connaître son opinion sur des questions sensibles comme le Brexit, le Covid ou d'autres questions comme l'avenir de l'Union européenne qui se pose. Sa connaissance de ce qui s'est passé au XXème siècle nous fait cruellement défaut. J'essaie de penser un peu comme lui » explique ce diplomate profondément croyant. La religion est d’ailleurs un credo chez les Habsbourg qui bénéficie d’un allié de poids au sein du gouvernement avec la présence du Parti populaire démocrate-chrétien très sensible à l’idée monarchique et qui a permis la ré-inscription du catholicisme dans la constitution hongroise. C’est d’ailleurs le président de cette formation, Zsolt Semjén, qui avait représenté Viktor Orban lors de l’inhumation du cœur d’Otto de Habsbourg-Lorraine en Hongrie en 2011.

Georg de Habsbourg-Lorraine« Je ne vois pas l’intérêt de quitter l'UE. Nous sommes dans cette famille, nous en sommes membres (mais) sous sa forme actuelle, on ne peut pas  vraiment dire que « tout est très beau, tout est très bien et que je suis satisfait de tout » déclare l’ambassadeur qui a tenté de se faire élire député européen en 2009, obtenant 5% des voix. « ll faudrait faire plus en matière de subsidiarité (…) et les pays de Visegrad sont un très bon outil pour cela, car ils ne permettent pas seulement à la Hongrie de prendre position seule mais  c'est bel et bien ensemble que les V4 pourront représenter la puissance de l'Europe centrale. La critique ne fait pas de mal, elle ne fait que contribuer aux réformes nécessaires à un meilleur fonctionnement de l'Union européenne afin qu’elle soit mieux acceptée dans un futur proche » poursuit tout en nuance l’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine qui regrette que Bruxelles traite trop de questions à la fois et en oublie qu’elle est sa «  tâche principale : assurer la paix et la sécurité ».  Un Habsbourg à la tête d'une Europe chrétienne et fédérale ? L’ambassadeur ne se prononce pas mais au sein de Visegrad, certains mouvements politiques en rêvent déjà.

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Date de dernière mise à jour : 10/06/2021

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