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Prince Paul de Grèce : « Tatoï doit vivre, pas devenir une vitrine de musée »

Par-delà les souvenirs et la nostalgie, lors d'un entretien, le prince Paul de Grèce a évoqué avec émotion la renaissance du domaine royal de Tatoï, désormais entre les mains du ministère de la Culture. Un lieu chargé d’histoire où s’écrivent encore les pages sensibles de la monarchie grecque.

Installé aujourd’hui à Athènes, le prince Paul de Grèce a reçu l’équipe du Nouveau Week-end dans un bureau épuré, situé à deux pas du stade Panathénaïque. Sur les murs, des photographies en noir et blanc signées de son frère, le prince Nikolaos, témoignent d’un goût sûr pour l’esthétique et la mémoire familiale. Un entretien accordé au magazine chargé en émotion.

Né en 1967 à Tatoï, Paul est le fils aîné du roi Constantin II (1940-2023) et de la reine Anne-Marie (née en 1946). Héritier de la dynastie des Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg, ce prince cultivé, homme d’affaires, reste profondément attaché à ses racines et à cette maison devenue symbole d’un passé à la fois glorieux et tourmenté. Prétendant au trône de Grèce, il se veut le gardien d’une histoire séculaire qui plonge ses racines au cœur de l’unification grecque réalisée au début du XXe siècle, d’une institution monarchique renversée quelques mois après sa naissance.

Tatoï, un sanctuaire familial devenu patrimoine national

Situé sur les contreforts du mont Parnès, à une vingtaine de kilomètres d’Athènes, le domaine de Tatoï fut acquis en 1872 par le roi Georges Ier de Grèce et la reine Olga. D’abord simple pavillon de chasse, il devint rapidement la résidence d’été de la famille royale grecque. Ce lieu, à la fois champêtre et solennel, abrita les moments les plus intimes de la monarchie hellénique : naissances, mariages, drames et exils. Après l’abolition de la monarchie en 1973, Tatoï tomba peu à peu dans l’oubli, ses bâtiments livrés aux intempéries et à la poussière du temps.

Aujourd’hui, le ministère grec de la Culture, sous l’impulsion de Lina Mendoni, a entrepris une restauration d’envergure pour en faire un musée d’histoire vivante. C’est dans ce contexte que le prince Paul partage, non sans émotion, ses souvenirs et ses réflexions sur ce lieu où il est né. « J’ai quitté Tatoï à l’âge de sept mois », confie le prince avec un sourire empreint de mélancolie. « Je n’ai pas eu la chance d’y vivre comme mon père ou mes ancêtres, mais je sais que c’était avant tout une maison familiale, pas un manoir. On l’appelait “palais” parce que la famille royale y résidait souvent, mais tout y respirait la simplicité. Rien de somptueux, rien d’ostentatoire : juste une maison pleine de souvenirs et de musique. », raconte t-il avec une pointe de nostalgie.

Il se souvient des récits de sa mère, la reine Anne-Marie, évoquant les promenades dans le parc et les week-ends rythmés par la musique classique. À travers ses mots, Tatoï redevient ce havre familial où les souverains de Grèce goûtaient à la quiétude loin des obligations d’État.

Les fantômes d'un passé révolu

Lorsque le prince Paul revient à Tatoï pour la première fois, en 1981, c’est à l’occasion des funérailles de sa grand-mère, la reine Frederika. Il découvre alors une demeure figée dans le temps. « Tout était resté en place, comme si nous venions de partir la veille », se souvient-il. « Les brosses à dents, les tasses, les jouets d’enfants… L’impression que le propriétaire allait rentrer chercher un paquet de cigarettes. ».

Malgré les années et la distance, Tatoï demeure pour le prince un lieu habité par les voix du passé, celles d’une dynastie dont les traces persistent dans chaque meuble, chaque photographie, chaque robe suspendue. Aujourd’hui, le domaine royal connaît une véritable renaissance. Le ministère de la Culture grec a engagé un programme de restauration afin d’ouvrir le site au public et d’y présenter les collections royales. Le prince Paul salue cette initiative tout en exprimant un souhait clair :« Je crois que la ministre Mendoni a fait un travail admirable. Elle a compris l’importance de Tatoï pour l’histoire grecque. Ce que j’espère, c’est que le lieu ne devienne pas un simple musée figé, mais un espace vivant, éducatif et inspirant. », explique-t-il  Le prince imagine un domaine semblable à ceux d’Écosse ou d’Angleterre, où la mémoire royale se conjugue avec la vie culturelle et touristique. 

« Tatoï doit vivre, pas être consommé. Ce n’est pas un produit commercial, c’est une part de notre âme nationale », insiste-t-il.

Entre mémoire et reconnaissance

L’évocation du passé n’est pas sans amertume. La question de la propriété du domaine, longtemps contestée entre l’État grec et la famille royale, fut tranchée par la Cour européenne des droits de l’homme, reconnaissant le droit des exilés royaux à une compensation financière. Mais, comme le confie le prince Paul : « La compensation n’efface pas le sentiment de perte. Ces lieux faisaient partie de notre vie. Pendant des années, ils ont été abandonnés. Heureusement, aujourd’hui, on tente de les sauver. », poursuit l’ancien diadoque de Grèce.

Pour le prince Paul, l’ouverture du domaine au public représente bien plus qu’une restitution symbolique. C’est une réconciliation avec l’histoire :  « Peu importe qu’on aime ou non la monarchie, dit-il. L’histoire appartient à tous. Les rois Georges Ier, Paul ou Constantin ont contribué à façonner la Grèce moderne. Ce pays tel qu’il est aujourd’hui est le fruit de ces efforts. ». C'est également dazns ce domaine que reposent les rois de Grèce dont sopn père. 

Pour le fils du roi Constantin II Tatoï retrouve son souffle : celui d’un foyer devenu symbole de continuité, de fidélité et de culture. Une maison grecque, avant tout — et pour toujours. Tatoï est voué à devenir un lieu de mémoire partagée, un espace où les visiteurs pourront découvrir la vie quotidienne d’une famille royale qui, malgré les exils, n’a jamais cessé d’aimer la Grèce.

« Si je pouvais m’adresser à un visiteur, je lui dirais simplement : je suis né ici », conclut le prince. « Et je lui montrerais la fenêtre de la chambre de ma mère. Ici vivait une famille qui aimait profondément ce lieu, qui le soignait et en faisait un domaine durable et innovant pour son temps. », ajoute Paul de Grce.

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Date de dernière mise à jour : 03/11/2025