La Ve République est actuellement frappée par de multiples crises qui touchent jusqu'au plus haut sommet de l'État dont l'autorité est constamment remise en question. Alors que les appels à réformer l'institution gaullienne se multiplient afin de palier au manque d'arbitre naturel, une solution inédite pourrait faire consensus: accorder un statut officiel aux prétendants au trône de France.
Si aujourd'hui la France est une République solidement ancrée dans ses institutions, ses prétendants au trône, issus des anciennes dynasties régnantes, continuent de susciter un intérêt certain parmi les Français. Accorder un statut officiel à ces figures historiques pourrait s'avérer être un choix judicieux, notamment en ces temps de crise, où leur rôle symbolique et diplomatique pourrait apporter de nombreux avantages à la nation.
Héritiers d’un patrimoine historique
Avec la chute du Second empire (1870), après avoir longuement hésité, la France a fini par opter pour la République comme seule mode de gouvernement. Pour autant, l’idée monarchique ne s’est pas éteinte, continuant d’exister et de se renouveler à chaque décennie, attirant toutes les générations sous ses drapeaux, et régulièrement présente dans l’espace politique local.
Les prétendants aux trônes de France – notamment les représentants des maisons d'Orléans et de celle des Napoléon (seules à avoir été frappées par une loi d’exil votée en 1886, abrogée en 1950) – incarnent encore aujourd’hui un lien indissociable avec ce passé glorieux millénaire qui fait la fierté des Français. Bien qu'ils ne détiennent plus de pouvoir politique, ces dynasties restent les détenteurs d'un héritage national auxquels les présidents de la République se réfèrent régulièrement dans leurs discours. Des princes qui jouent ainsi un rôle de préservation et de transmission de l'histoire monarchique française, participant régulièrement à des événements culturels, religieux et commémoratifs qui permettent aux Français de toute condition et de tout horizon de se rassembler d’autour eux.
Une figure d’unité nationale en temps de crise
Lors des crises majeures – qu'elles soient économiques, sociales, identitaires ou politiques – la population cherche des repères et des figures stables. En l'absence de monarchie, ces prétendants pourraient incarner un rôle symbolique de représentation de la nation, au-delà des clivages partisans. Contrairement aux représentants élus, ils ne sont pas liés à des partis ou soumis à des luttes électorales. Cette neutralité leur permet de s'adresser à tous les Français sans distinction d'opinion ou de classe sociale. Ils possèdent de facto un rôle d’arbitre naturel dont on pourrait faire appel en cas de crises et qui leur permettraient d'offrir un message d'unité et de solidarité dans des moments critiques.
De plus, dans un monde où l'image et le protocole jouent un rôle majeur, fort de leur expérience, les prétendants pourraient être mobilisés pour représenter la France lors d'événements internationaux ou pour participer à des missions diplomatiques majeures permettant à l'Hexagone de retrouver sa place perdue sur l'échiquier international. Leur statut reconnu et encadré par l'État leur conférerait la légitimité nécessaire pour agir efficacement au nom de la France sans pour autant menacer les institutions en place.
De nombreux pays ayant choisi la voie républicaine continuent d'accorder d'ailleurs un statut honorifique aux anciennes familles régnantes. Par exemple, en Italie comme au Portugal, les dynasties déchues de leur trône jouent encore un rôle de représentation culturelle et symbolique, bien qu'elles n'aient plus de pouvoir politique, aux côtés des gouvernements. Il en va de même en Allemagne avec les descendants des maisons princières, en Russie avec les Romanov. En Europe de l’Est, deux républiques ont accordé de véritables statuts avec des nuances toutefois : le Monténégro et la Roumanie. Dans ce dernier pays, la Maison royale bénéficie d’un véritable statut de représentation étatique capable d’influencer la politique locale. Des rôles qui permettent également d'entretenir la flamme de tous les espoirs, les sondages d'opinion régulièrement publiés démontrant que les populations sont même sensibles à l'idée d'un retour de ces familles sur le trône, avec des scores d'adhésion parfois importants.
La Maison royale de France, une constante diplomatie de l’ombre
En 1848, Louis-Philippe Ier d’Orléans, roi des Français, est chassé de son trône par une révolution, après 18 ans de règne. Il est le dernier souverain, issu d’un arbre généalogique qui remonte au Xe siècle. Capétien, Valois, Bourbons, autant de monarques qui ont marqué de leur empreinte l’histoire tumultueuse de France. Un héritage complété par deux empires, deux Napoléon, qui se sont inscrits dans les pas de ces rois chrétiens dévoués à leur royaume et dont les réformes continuent toujours de régir notre quotidien.
Contraints à l’exil par la République, c’est pourtant à ces prétendants à qui elle fait appel lorsque le besoin se fait sentir. Une diplomatie de l’ombre souvent ignorée de leurs contemporains. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, c’est au prince Jean III d’Orléans (1874-1940) que le gouvernement fait appel. Il est envoyé secrètement en mission auprès de son cousin, le roi Ferdinand de Bulgarie, afin de le convaincre de rejoindre les Alliés. La mission sera néanmoins un échec face à la duplicité de ce cousin qui paiera ultérieurement les conséquences de son choix. Son fils, Henri d’Orléans (1908-1999) sera lui aussi mandaté par la France de la IVe République et de la Ve République. L’héritier au trône devient un maillon-clef du Quai d’Orsay, notamment sur les questions nord-africaines qui secouent alors l’empire colonial. Un visage connu qui lui permet de caresser même l’espoir de recouvrer ses régalia via le vote populaire. Un projet initié par le Général de Gaulle qui avait un profond respect pour les actions menées par ce rameau Bourbon au nom de la France.
Un statut pour le chef de la Maison royale de France
Une tradition qui se perpétue avec l’actuel prétendant au trône de France, le prince Jean IV d’Orléans. En 2019, la France et l’Italie sont au bord de la rupture diplomatique. Le comte de Paris écrit alors au Président Emmanuel Macron et lui propose de jouer les médiateurs sous le prétexte des commémoration de la mort de Léonard de Vinci. C’est au château d'Amboise que le prétendant utilisera son expérience internationale pour amener les deux dirigeants à renouer des liens avec succès. Un statut pour le prince Jean d’Orléans ? Lors d’une interview accordée à l’Écho républicain, il évoquait ses espoirs de voir prochainement « la famille de France jouer un rôle de conseil auprès des instances de la République ».
Une proposition qui prend tout son sens aujourd’hui alors que la France est frappée par de multiples crises qui mettent à mal son socle. Un combat que pourrait également mener les monarchistes qui trouveraient ici aussi le moyen de réintroduire la solution royale comme alternative aux institutions actuelles (pétition, réseaux sociaux) et qui leur permettraient de sortir des caricatures dont on les affuble habituellement.
Et s'il « manque un roi à la France » comme l’avait déclaré un Emmanuel Macron, alors ministre sur les ondes d’Europe 1 (2015), accorder un statut officiel aux prétendants au trône de France ne signifierait en rien un retour à la monarchie pour autant. Il s'agit plutôt de reconnaître leur importance historique et symbolique, tout en les inscrivant dans un rôle moderne, utile et respectueux des institutions républicaines. Une telle reconnaissance serait un geste d’intelligence historique et politique, au service de l’intérêt général. Une idée qui pourrait faire consensus parmi les Français qui réclament des réformes institutionnelles et le retour d'une figure neutre à la tête de la France.
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