Quand de Gaulle rêvait du roi !

De  Gaulle et le comte de Paris. Point de Vue 1994« Monseigneur, vous (êtes)  un recours possible pour l’avenir ».  Lorsqu’en 1994, sort aux éditions Fayard « Dialogue sur la France », écrit par le comte de Paris, Henri d’Orléans, c’est toute la presse qui s’emballe sur un sujet qui divise toujours les historiens et les spécialistes comme aficionados du gaullisme et du monarchisme.  Articles en tout genre, émissions télévisées, le prétendant au trône de France affirme devant les micros et les caméras que le Général Charles de Gaulle a bien songé à restaurer la monarchie. En publiant alors le contenu de ses échanges avec le fondateur de la Vème République, Henri d’Orléans révélait alors un pan méconnu de l’histoire gaullienne toujours peu enseigné aujourd’hui. Quand il n'est pas nié.

De gaulle et le comte de paris« Je crois profondément à la valeur de la monarchie, je suis certain que ce régime est celui qui convient à notre pauvre pays déchiré par des régimes qui l’ont conduit à cet état navrant ».  Cinquante ans plus tard après son décès, cette phrase extraite d’une lettre envoyée par le général de Gaulle au comte de Paris, Henri d’Orléans, datée du 17 juin 1960, raisonne encore de manière prophétique.  En publiant les nombreux échanges dans un ouvrage intiulé « Dialogue sur la France »,  qu’il a eu avec le héros de la Libération entre 1953 et 1970, le prétendant au trône de France a ouvert une brèche dans la légende gaullienne. De Gaulle a t-il rêvé du roi avant de se représenter en 1965 ? « Le riche dialogue qui s’est noué, quinze ans durant, entre les deux hommes est révélateur de l’étroitesse de leurs relations et de la convergence de leurs vues » écrit alors le journal « Libération » dont l'orientation est peu suspecte de monarchisme aux yeux des français.  

Caricature de de gaulle restaurant la monarchie« Le successeur est choisi ! »  titre en couverture le magazine « L’Express » deux ans avant la première élection au suffrage universel. « Vous avez trois ans pour vous préparer » lui aurait dit le général de Gaulle au grand dam des barons du gaullisme, dont certains ne cachent pas leur animosité publique vis-à-vis du descendant de Louis- Philippe Ier, roi des français. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que l’homme du 18 juin a pensé à la monarchie comme substitut possible à sa république dont la constitution a été taillée pour un monarque. « Les signes, les documents, les évènements sont nombreux qui témoignent suffisamment que le général de Gaulle  a effectivement souhaité pouvoir faire  du comte de Paris son successeur, qu’il a cherché et pour une part suscité les moyens d’y parvenir (…) «  affirme Patrick Louis dans son « Histoire des royalistes ». C’est en 1954 que le comte de Paris décide de rencontrer le général de Gaulle après l’avoir défié tout au long de la Seconde guerre mondiale à l’instar des américains qui n’avaient pas parié un iota sur la personnalité de cet officier français, cette «  Jeanne d’Arc » ainsi que le surnommait avec un certain mépris, le premier ministre Winston Churchill.   Les deux hommes tisseront alors «  des liens faits d’estime et de respect mutuels » rapporte l’historien Jean Tulard qui évoque cette correspondance fournie, à la fois familiale et politique qui nous est parvenue. Et qui confirme une fois de plus l’attachement du général de Gaulle à l’institution royale.

Gettyimages le comte de paris et son ouvrage« La République n’est pas le régime qu’il faut à la France. Si la France doit vivre, alors la monarchie aura son rôle à jouer » écrit noir sur blanc de Gaulle au prétendant, en 1956. « Ce qu’il faut faire, c’est un roi et pas autre chose. J’incarne le pouvoir, je crois, que de ce fait, je rends service à cette idée, elle s’accrédite dans le pays, les français s’y habituent progressivement » poursuit de Gaulle qui confie alors au prince d’Orléans, des missions diplomatiques.  Henri d’Orléans se berce-t-il d’illusions sur la réelle volonté du général à lui passer le flambeau de l’Histoire ? En coulisses, Charles de Gaulle s’ouvre sur cette perspective à ses ministres et reste sceptique dans les chances du comte de Paris de couronner la république.  « Comment vous voyez-vous sur le plan électoral ? » interroge-t-il Henri d’Orléans, « Je sens un courant se dessiner autour d’une candidature possible » répond le prince en face de Charles de Gaulle qui rétorque : « c’est intéressant. Voyez-vous, même si la première fois, vous deviez échouer, vous auriez fait acte de candidature et vous seriez un recours possible pour l’avenir ».  Il lui propose de le nommer à la présidence de la Croix Rouge, une formule retenue par  le comte de Paris qui n’arrivera pas à convaincre le détenteur du poste à se désister en sa  faveur. Finalement, dans une forme de pragmatisme et de réalisme, le général de Gaulle se représentera lui-même en 1965, laissant le prétendant au trône, encore deux ans, avec ses dernièrs fantasmes. « Il restait profondément monarchiste mais estimait que l’heure n’était pas venue » croit savoir  Jean Tulard. « D’évidence, de  Gaulle a songé à la solution monarchique et seules les circonstances l’ont amené à abandonner ce projet » affirme et sans ambages,  le journal « Le Figaro » à propos de cette affaire,  dans son édition du 25 février 1994.

Le general de gaulle« Entre vous et un [Pierre] Pflimlin ou un [Guy] Mollet, vous représenterez quelque chose de neuf, de frais, autre chose qu'eux ne peuvent donner. (…) Si les circonstances l'exigeaient, vous pourriez alors remplir votre tâche. (…) En ce qui me concerne, le terme est venu. Vous, Monseigneur, demeurez intact, clairvoyant et permanent comme l'est et doit le rester pour la France ce que vous personnifiez de suprême dans son destin ».  De Gaulle a-t-il réellement rêvé de ce retour à la monarchie ? Une question toujours sans réponses tant il est difficile de savoir si ce projet a été crédible au vu des divisions qu’il suscite. Pour Bertrand Renouvin , leader de la Nouvelle action royaliste et une des dernières grands voix du monarchisme français, le général de Gaulle a assurément songé à donner à « cette monarchie républicaine, une continuité dynastique et une incarnation royale ». Pour  l’historien Dimitri Casali , qui préfère qualifier le général de Gaulle, issu d’une famille d’Action française,  de « monarchien », surnom donné en 1789 aux partisans de l'Assemblée constituante d'une monarchie constitutionnelle basée sur le modèle britannique, la première figure préférée des Français avait conçu une «monarchie républicaine» , un entre-deux qui laisse encore aujourd'hui toutes les possibilités aux «Français de décider d'un possible restauration de la monarchie ». 

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Date de dernière mise à jour : 09/11/2020

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