«Luis Alfonso de Borbón, eres nuestro rey ! » (Louis-Alphonse de Bourbon, tu es notre roi). Le 15 juillet dernier, le slogan a été repris en cœur par des nostalgiques du franquisme et du carlisme, venus manifester à la Vallée des morts contre le projet du gouvernement espagnol du premier ministre Pedro Sanchez de faire exhumer l’ancien chef d’état, le général Francisco Franco. Récemment, un parti politique espagnol a décidé officiellement de reconnaître le prince Louis-Alphonse de Bourbon, comme seul héritier de la couronne d’Espagne.
«Nous ne pouvons plus faire preuve de respect envers notre famille royale dont le silence semble encourager ceux qui ont annulé de facto la souveraineté nationale, ont appauvri les Espagnols, ont permis l'arrivée de millions d'illégaux, ont mis l'Espagne dans les mains de génocidaires internationaux (…). Tenant compte des multiples affaires de corruption qui touchent la maison royale, le mouvement « Soluciona » accueillera favorablement et soutiendra la montée sur le trône de Son altesse royale le prince Louis-Alphonse de Bourbon, qui a amplement prouvé son patriotisme et son honnêteté, ainsi sa capacité professionnelle à occuper celui-ci» a déclaré publiquement à la presse le leader de cette formation politique, Armando Robles.
Fondé en 2014, le mouvement entend être une nouvelle alternative aux partis traditionnels afin de maintenir l’unité d’une Espagne malmenée politiquement. Sur son site officiel, cette nouvelle formation d’extrême-droite affiche clairement ses positions anti-atlantistes et anti-européennes à travers un manifeste de 13 pages. Changement du code de la nationalité espagnole avec effet rétro-actif, expulsions de tous les immigrés du royaume, politique familiale revue (notamment sur les volets du droit à l’avortement et du mariage pour tous) ou encore renforcement de la religion catholique, tels sont les crédos de Soluciona qui avait présenté son président aux élections sénatoriales de Malaga et qui n’avait obtenu que 0.05% des voix.
Cette reconnaissance des droits au trône d’Espagne du duc d’Anjou pourra étonner tout un chacun, le concerné n’ayant jamais évoqué cette candidature alors qu’il est officiellement le prétendant au trône de France selon ses partisans, les Légitimistes, divisés sur la présence «du roi de France» à la Vallée des morts et troublés de le voir assumer ses droits en ou depuis l'Espagne . Pourtant, l’affaire est très sérieuse pour « Soluciona » et la partie carliste qui soutient cette branche aînée de la maison de Bourbon, exclue du trône par les caprices du roi Alphonse XIII en 1933. Par son « engagement sur la protection de la famille, le catholicisme et les valeurs patriotiques de l’Espagne » dont il a fait preuve, « il a prouvé qu’il avait le droit d’occuper le trône Espagnol » en cas de vacance de celui-ci. En pleine polémique, un périodique espagnol s’était même intéressé à ces carlistes franquistes qui le soutiennent avec ce titre un brin provocateur : « Luis Alfonso de Borbón, un rey para los (últimos) franquistas del siglo XXI ».
Et dans sa volonté à démontrer que l’arrière-petit-fils du général Franco est l’héritier légitime de la couronne d’Isabelle la Catholique et de Ferdinand d’Aragon, Armando Robles ne cache pas sa volonté de voir le roi Felipe VI (Philippe) abdiquer. Exit les infantes Léonor (contraction espagnole d’Aliénor ou Eléonore) et Sofia du trône, cette formation ne reconnaît pas l’abrogation de la loi salique qui avait déjà provoqué au cours du XIXème siècle, 3 guerre civiles entre les isabellistes (du nom d’Isabelle II, la fille de Ferdinand VII) et les carlistes (du nom de Dom Carlos V, son oncle). Chez les carlistes, la figure de Louis-Alphonse de Bourbon est l’objet de toutes les attentions. Et si parmi les partisans de la légitimité espagnole, on a bien un « prétendant» en la personne du prince Charles –Xavier II de Bourbon –Parme (depuis 2010), celui-ci pourrait voir ses droits contester au décès du régent de la Communauté Traditionaliste Carliste (CTC), le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme aujourd’hui âgé de 78 ans. Selon toute vraisemblance, ces carlistes de droite pourraient faire allégeance au prince Louis XX-Alphonse de Bourbon, «Luis II» si on en s’en tient à la généalogie espagnole de la maison de Bourbon dont il est indubitablement l’aîné.
Un comble et une certaine ironie quand on sait les relations houleuses qu’entretiennent Sixte-Henri de Bourbon-Parme et le prince Louis –Alphonse de Bourbon qui est 27ème successible au trône d’Espagne.
Mais pour le leader de « Soluciona », Louis-Alphonse de Bourbon incarne cette Espagne catholique et traditionaliste qu’il défend lui-même. Son père, Alphonse, n’avait-il pas été lui-même considéré comme le successeur possible du général Franco, liant l’histoire des Bourbons à celle du tombeur de la seconde république par son mariage avec sa petite fille Carmen en mars 1972. Il est vrai que dans les années 60, le prince Alphonse, fils de dom Jaime exclu du trône pour sa surdité par son père (il est revenu sur sa renonciation en 1949 soutenu par le marquis de Villamagna), bénéficiait de très forts appuis dans l’entourage du généralissime et qui exerçait un véritable lobby en faveur de celui que l’on surnommait alors « le prince bleu », au palais du Pardo. « Il est impératif de faire connaître à l'opinion espagnole la figure de « Luis-Alfonso » dont le sang de deux chefs d’états coule en lui » ajoute Armando Robles. « Sa présence dans la Vallée des morts nous a beaucoup touché» a déclaré l’ancien candidat au Sénat qui ne cesse de mettre un prédicat d’Altesse royale au fils du duc de Cadix («ce prince en réserve » selon l’amiral Blanco Carrero) lorsqu’il évoque le gendre du banquier Victor Vargas. Prédicat qu’il n’a pourtant plus depuis 1987 suite à une décision du roi Juan-Carlos Ier. Et le futur « Grand d’Espagne » a ses aficionados sur la « toile » qui se chargent de promouvoir ses droits au trône, parfois assez fallacieusement et n’hésitant pas à le qualifier faussement de «prince des Asturies ».
Il est vrai que la personnalité du prince a de quoi séduire ces carlistes franquistes. Louis-Alphonse de Bourbon a été élevé par ses deux-grand mères et dans le culte de Franco. Un héritage dont le prince est fier et qu’il a défendu à diverses reprises publiquement, encore récemment lors d’une interview à Télécinco, où il est apparu très à l’aise et combatif. « Ce double visage » que ses détracteurs ont dénoncé sur les divers réseaux sociaux quand ce n'est pas ses partisans qui ont été des milliers à « retweeter » sa prise de parole à la Vallée des morts, tout salut romain tendu vers le ciel alors que le prince sortait de l’église avec sa famille. Une visite au mausolée de Franco qui est loin d’être d’ailleurs la première pour le royal « bisniéto» mais qui jusqu'ici n'avait pas eu cette importance médiatique..
Une nouvelle dynastie royale des Bourbon et Franco fantasmée en Espagne ? Une petite minorité de monarchistes souhaite la montée au trône d’Espagne du prince Louis-Alphonse de Bourbon en dépit des conditions que ne lui sont pas favorables et au détriment de toute réalité puisque le duc d’Anjou, promu président de la Fondation Francisco Franco, s’est jusqu’ici contenté uniquement de défendre la mémoire du généralissime, entretenant d’excellentes relations avec son cousin, « El Rey ». Mais manifestement, certains sont plus …«royalistes que le roi !» chez les phalangistes et autres carlistes « Luisalfonsistas ».
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Publié le 10/08/2018