Invités sur le plateau de BFM TV pour commenter le décès du duc d’Edimbourg ce 10 avril, Philip Mountbatten, l’animateur Thierry Ardisson et l’ancien ministre de la culture, Frédéric Mitterrand se sont confrontés à l’éditorialiste Christophe Barbier et son éternelle écharpe rouge. Entre arguments et contre-arguments, un débat entre deux sympathisants de la monarchie et un « républicain pur-sang » qui a dernièrement suggéré aux anglais, sur son compte twitter, « d’abolir la monarchie afin de passer au système républicain ».
« On peut être monarchiste sans être maurassien, on peut être monarchiste sans être d’extrême-droite ». Interrogé sur ses affinités royalistes par le journaliste de BFMTV qui mène le débat, Thierry Ardisson entend mettre les choses au clair dès le départ, s’agaçant de ce perpétuel amalgame qui est fait entre cette idéologie politique et les royalistes. « [Charles] Maurras a fait beaucoup de mal à la monarchie car il a donné l’image d’une dictature catholique qui n’a rien à voir avec la monarchie» affirme l'homme en noir qui ne porte pas l'Action française dans son coeur. « En Europe il y a six monarchies qui ne sont pas moins démocrates que la France » poursuit l’animateur qui est proche des milieux légitimistes qui soutiennent les prétentions au trône de France du prince Louis-Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou. « Je pense que la monarchie reste le meilleur système de gouvernement avec un arbitre au-dessus des partis, une monarchie de type Westminster [parlementaire-ndlr] » explique l’auteur de Louis XX, paru en 1986 aux éditions Orban, qui reste une référence chez les monarchistes et qui n'en est pas moins critique à l'égard des ultras catholiques de son camp.
« C’est toujours triste de voir quelqu‘un disparaître auquel on est habitué, qui ne vous pas fait de mal, qui vous a transmis des images sympathiques ou attachantes. Le Guardian qui est un grand quotidien plutôt républicain s’est fendu d’un article assez élogieux sur Philip d’Edimbourg en rappelant qu’il a modernisé cette institution et que sa disparition va créer un vide » lance alors Frederic Mitterrand qui tente de recentrer le débat. « Dans Libération ils ont fait un portrait très intelligent de lui où certes ils expliquent qu’il était réactionnaire, qu’il incarnait parfaitement le monde dans lequel il a vécu mais qu’il a su faire très bien son boulot » renchéri l’ancien ministre de la Culture à propos de l’époux de la reine d’Angleterre, Elizabeth II, afin de démontrer que la monarchie est une institution qui peut encore faire l’unanimité.
La monarchie, un système à la temporalité immuable qui fascine encore. « En Europe, il n y a que des républiques, parfois couronnées et cela vaut même pour les monarchies où les rois n’exercent pas de pouvoirs. En Angleterre, ils ont réussi à faire la différence entre gouverner pour les politiques et incarner l’état pour Elizabeth II. Et la manière dont elle incarne justement cet état, d’une manière fantastique depuis des années, fonctionne parfaitement à l’instar des monarchies des Pays-Bas ou de celles du Nord » poursuit Fréderic Mitterrand. « Ils y sont arrivés en grande partie parce que nos monarchistes [français] au XIXème siècle, qui ont eu plusieurs chances sous la Restauration, Louis–Philippe ou Napoléon III, n’ont pas compris les évolutions de leur temps » constate avec amertume le neveu de l’ancien président de la République.
Pour Christophe Barbier, « la monarchie britannique est à bout de souffle et qui tient parce qu'Elizabeth II reste une personnalité exceptionnelle » affirme celui qui a été le directeur de la rédaction de l'hebdomadaire « L'Express », sur un ton particulièrement vindicatif. C’est devenu une série à succès « The Crown », un business people avec Harry et Meghan marqué par l’absence de Kate et William » croit savoir Christophe Barbier qui n’a pas hésité à déclarer sur son compte Twitter que les britanniques « ont un train de retard » et de les inviter à étudier la possibilité d’une république conformes aux aspirations démocratiques des citoyens du XXIème siècle » . Il feint de s’emporter, mine de s’indigner et évoque Charles VI, « ce roi fou qui nous a fait perdre la France durant la guerre de cent ans », le coût faramineux de la monarchie britannique et cet « héritier au trône de France qui est espagnol » face à Thierry Ardisson et Fréderic Mitterrand aussi médusé l'un et l'autre que tout sourire ironique. Réponse cinglante de l’ancien ministre irrité par les attaques anachroniques de Christophe Barbier : « Comme tous les républicains excités, il est légitimiste en plus ! ». « Le général de Gaulle avait une nostalgie monarchique et l’a trouvé avec sa Vème république et son système présidentialo- monarchiste. C’est bien dommage qu’on est renié la constitution en mettant en place le quinquennat » déplore l’ancien ministre qui rappelle ici que la France est elle-même prête à couronner sa démocratie.
Quand un président de la République quitte ses fonctions, il part avec cette célèbre maxime : « Après moi le déluge ! » . Un roi sait qu’il y aura ses enfants et ses petits-enfants pour assurer la continuité. Etre roi, c’est un métier qui s’apprend. Quand il y a eu le coup d’état en Espagne en 1981, Juan Carlos a fait appeler son fils et lui a appris son boulot. On a tellement d’exemples de présidents qui sont arrivés au pouvoir sans savoir comment cela fonctionnait » pointe du doigt, quant à lui, Thierry Ardisson. « Charles a été élevé par sa mère, il sera très bien » affirme même Frédéric Mitterrand avant d’être interrompu par le journaliste qui lui rappelle l'âge du prince de Galles « Le meilleur roi d’Europe au XXème siècle fut Gustav VI Adolphe, roi de Suède, qui est devenu souverain à 73 ans [en fait 68 ans-ndlr] et qui est mort à 90 ans pleuré de tous. Ce n’est pas un problème d’âge ». « Regardez le roi d'Angleterre Edouard VII, on a dit que ce serait une catastrophe car passant son temps à Paris avec des dames très aventurières, un homme de plaisir et pourtant il a été un excellent monarque et à qui on lui doit l’alliance franco-anglaise. C’est un système où l’éducation est telle que si on l’accepte de le prendre, on est dans les clous d’un système qui fonctionne de manière équilibrée » achève de dire Frédéric Mitterrand sous le regard approbateur de Thierry Ardisson.
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