La Monarchie comme réponse aux crises françaises : une utopie réaliste ?
La Monarchie comme réponse aux crises françaises : une utopie réaliste ?
À l’heure où la France traverse une série de crises — identitaire, politique, sociale et morale — certains regards pourraient se tourner vers une solution inattendue, loin d’être cet épouvantail décrié : le retour à une monarchie parlementaire dirigée par un Bourbon ou un Napoléon.
La France traverse une crise profonde, marquée par une perte de repères identitaires, sociaux et démocratiques. La défiance envers les institutions – présidence, Parlement, partis politiques – s’accroît, tandis que la laïcité vacille face à des revendications communautaires croissantes et sécessionistes. Sur le plan économique, les inégalités se creusent, accentuant la fracture entre élites et population, et nourrissant un sentiment d’abandon dans les territoires éloignés du pouvoir central. Ce malaise généralisé, nourri par cet épuisement démocratique et une quête de sens collectif, reflète un pays en recherche de cohésion et de renouveau.
Face à ce rejet croissant envers le modèle républicain, une idée refait surface, notamment sur les réseaux sociaux : celle d’une monarchie parlementaire. Inspirée des systèmes en vigueur en Espagne, au Royaume-Uni ou en Suède (pour ne citer que 3 des 12 royautés européennes en exercice), cette forme de gouvernement ne semble pas être considéré comme un retour à un passé archaïque, mais une réponse symbolique et institutionnelle à la crise actuelle.
La République, un état de guerre civile contenue ?
« La République est un état de guerre civile contenue », écrivait le politologue et historien Raymond Aron. Ce constat résonne fortement aujourd’hui, illustré notamment avec le volet des Gilets jaunes. Un mouvement populaire qui a symbolisé une France périphérique, oubliée des grandes décisions, qui ne se reconnaît plus dans les élites urbaines, qui a secoué la France par sa longueur et sa violence, démontrant l’effritement du pacte social républicain (2018-2019). Dans une France fragmentée, où les présidents successifs sont élus par défaut ou par rejet tous les cinq ans, l’idée d’un roi « hors du temps politique » mais pleinement ancré dans la Nation, une figure au-dessus des partis, incarnation de la mémoire historique, capable de jouer un rôle de stabilité en période de turbulences, pourrait séduire.
Alors que le président est de plus en plus perçu comme un « super-Premier ministre » ou un monarque républicain contesté, des partis politiques victimes de la défiance des Français, le roi offrirait une fonction magnifiée mais apaisée, débarrassée de l’âpreté politique. Un règne placé sous le signe du Bien commun et non de l’intérêt personnel qui caractérise la vie politique aujourd’hui et qui a provoqué une suspicion des Français envers leurs institutions. « Le président est devenu le bouc émissaire d’un système à bout de souffle. Il faut repenser la fonction symbolique du chef d’État. », reconnaît Dominique Reynié (Fondapol). Massivement endettée par un gouvernement qui a confondu le chéquier national avec celui des Français, la République est pointée du doigt par ses citoyens agacés de constater une telle gabegie régulière des dépenses de l'état, qui s'est accentuée depuis l'arrivée à la présidence d'Emmanuel Macron (2017). L’institution monarchique à le mérite de rapporter au pays plus qu’elle ne coûte. Les dépenses liées au sacre du roi Charles III ont été largement compensées par la vente de produits dérivés et par la tourisme. Aujourd’hui, il est peu probable que les Français aient envie de dépenser de l’argent pour s’offrir une tasse de thé à l’effigie du Président Emmanuel Macron pour compenser le coût faramineux d’une élection présidentielle renouvelée tous les 5 ans, préférant de loin des visites dans ce que furent les joyaux de la … monarchie capétienne ou napoléonienne, d'un projet qui a finalement ruiné le France et a transformé l'hexagone en une sforme de atrapie européenne sans souveraineté .
Pour les partisans de la royauté, c'est indubitable : « la monarchie unit là où la république divise. », comme l’expliquait Charles Maurras, chantre de l’Action française (AF). Un mouvement qui a fait les beaux jours de la vie politique française durant l’Entre-deux-guerres et qui a oscillé entre résistance et soutien au régime de Vichy. Selon eux, un roi des Français au XXIe siècle pourrait donc redonner une vision à long terme à la nation, restaurer un sentiment de continuité et agir comme arbitre moral dans les conflits sociaux, garant du respect des institution (un fait corroboré même dans les rangs de l’extrême-gauche après les résultats des élections législatives de 2024 qui a privé cette mouvance de la tête du gouvernement par la seule décision du président lui-même). Il ne s’agirait pas de le voir gouverner pleinement, mais de réconcilier tradition et modernité, de renouer le lien entre l’État et le peuple, tout en défendant une identité française inclusive, loin des dérives extrêmes.
Les Français réclament un changement institutionnel
Selon un sondage ODOXA publié en décembre 2024, « 85% des Français se disent favorables à une transformation des institutions politiques, parfois de manière radicale, (...) 52% à vouloir empêcher le chef de l’Etat de réaliser plus d’un seul mandat et 56% veulent mettre fin à la Ve République». De quoi nourrir tous les espoirs. Toutefois, la marge de manœuvre des monarchistes reste encore faible. La restauration de la monarchie ne pourrait venir que d’un profond bouleversement social qui appellerait sur le trône un prince capétien issu de la Maison Bourbon.
Divisée en multiples chapelles idéologiques et dynastiques, chacune soutenant son prétendant au trône, faute de leader charismatique permettant de se rassembler sous un seul parapluie (diverses tentatives de fusion ont eu lieu, encore récemment, sans aboutir à un seul accord), le royalisme français n’apparait toujours pas en force de s’imposer sur la scène politique alors qu’un large boulevard lui est offert depuis plus d'une décennie.
Selon divers sondages réalisés depuis ces dernières années, le chiffre de Français adhérents à l'idée de retour de la monarchie reste stable (17%) selon BVA. Bien que qu’un autre sondage par Harris a montré que 30 % des sondés « restent ouverts à l’idée d’un chef d’État non élu mais symbolique ». De quoi revigorer les royalistes qui se cherchent encore une figure qui rassemble et un mouvement politique pour les soutenir. Jusqu’ici, les royalistes ont soutenu divers partis de droite ou de gauche en fonction de leurs champs idéologiques. A ce jour, bien que les royalistes arrivent encore à mobiliser un millier de personnes tous les 21 janvier ( pour commémorer la mort tragique du roi Louis XVI, guillotiné en 1793) et tous les 8 mai ( pour Sainte Jeanne d'Arc) , seuls deux partis royalistes ont tenté l’expérience politique (la NAR des années 1970 à 1990 et l’Alliance royale de 2001 à 2014) avec plus ou moins de succès.
Pour le trône, pragmatisme versus légitimité du sceptre
À l’ombre de cette république née dans la tourmente révolutionnaire, trois dynasties se disputent le strapontin suprême avec une particularité : tous descendent du roi Henri IV, fondateurs de la maison de Bourbon, montée sur le trône de France au XVIe siècle.
Le duc d’Anjou, le prince Louis-Alphonse de Bourbon (né en 1974), se prévaut d’une filiation ininterrompue avec Louis XIV par son petit-fils, le roi Philippe V d’Espagne. Son statut de descendant direct garantit aux traditionalistes catholiques un véritable héritier « dans le droit », incarnation d’une monarchie sacrée qui trouverait ses fondements dans l’Ancien régime. Son message – « servir la France dans le respect de son histoire, de ses traditions et de sa foi » – séduit un noyau de monarchistes de la droite conservatrice la plus dure (voir républicaine radicale comme au sein du parti Reconquête), hostile à tout progressisme. En revanche, les rares apparitions publiques de ce père de quatre enfants, sa persistance à rester dans son domicile madrilène, sa filiation franquiste (Il est l’arrière-petit-fils du général Franco, caudillo d'Espagne dont il est un fervent défenseur) et son profil discret freinent sa notoriété en France.
Loin de l’agitation médiatique (ses venues sont quasiment secrètes), avec quelques tribunes publiées souvent dans des magazines jugés comme étant politiquement sulfureux, l’aîné de la Maison de Bourbon peine à élargir sa base au-delà des cercles traditionnalistes (lesquels sont peu militants et ont connu dernièrement quelques frictions internes) ou de quelques associations versant dans la culture de la mémoire monarchique.
Le prince Jean d’Orléans, comte de Paris (né en 1965), s’inscrit dans la lignée de Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français, renversé par une révolution en 1848. Proposant le retour à une monarchie constitutionnelle à l’instar de l’Espagne ou du Royaume-Uni comme il l’a précisé sur Europe 1. Soutenu par la majorité des mouvements militants monarchistes français (Action française-Restauration nationale, Nouvelle Action royaliste), il intervient régulièrement dans le débat politique français mais avec trop de parcimonie pour ses partisans qui regrettent de ne pas le voir plus s’investir sur le champ politique comme son grand-père, Henri d’Orléans (1908-1999). Sa vision d’un roi en garant de la continuité, sans empiéter sur le pouvoir des élus, séduit toutefois intellectuels et cercles républicains notamment parmi la droite modérée et libérale (comme Les Républicains où il compte des soutiens discrets). Il a fait plusieurs propositions aux Français à travers un livre-programme (Un prince français) qui ne laisse pas de place aux doutes sur ses éventuelles ambitions et qui nécessiterait d'être remis au goût du jour.
Toutefois, son positionnement « social et moderne », teinté de conservatisme, peut paraître trop consensuel pour les traditionalistes comme pour ceux en quête d’un changement institutionnel radical. Pour autant, c’est encore lui qui a le plus de chances d’être appelé à monter sur le trône de France aujourd’hui que ce soit par légitimité historique ou par choix pragmatique de la part des Français.
La troisième voie, héritière de la République et de la Monarchie
Le prince Jean-Christophe Napoléon (né en 1986) porte le nom de deux hommes qui ont fait l’histoire de France, qui ont façonné militairement et architecturalement le visage de la France. Deux régimes héréditaires mais basé sur la méritocratie et non pas le seul fait de la noblesse pour hériter de charges administratives. Jeune financier formé à Harvard et HEC, il se présente en « figure apolitique et européenne », se définissant moins comme héritier politique que gardien d’un mythe. Loin des querelles dynastiques, son seul nom peut rassembler autour du prestige napoléonien sans s’enliser dans le débat monarchique traditionnel. Si la France place encore Napoléon comme l’un de ses personnages historiques aux côtés du roi-soleil Louis XIV et du général Charles de Gaulle, le bonapartisme reste encore pour certains une alternative crédible au monarchisme capétien, habile transition entre République et monarchie. D’autres estiment cependant que le « mythe napoléonien » reste trop républicain pour crédibiliser une restauration formelle qui mettrait le premier des aigles sur le strapontin suprême.
« Le nom que je porte m’oblige à incarner l’excellence et à servir la France avec loyauté, à défaut de pouvoir. », affirme le prince impérial. Vivant à Londres, Jean-Christophe Napoléon (39 ans) est absent de tout débat, ses communiqués se comptant sur les doigts de la mains et son seul déplacement reste l'hommage à Napoléon Ier tous les 5 mai de chaque année. En France, l’héritage napoléonien est assuré depuis quelques années par le prince Joachim et la princesse Yasmine Murat. Loin de prétendre à quoi que ce soit et dans le respect du chef de la Maison impériale, le descendant du roi de Naples et maréchal de France, suivant les traces de ses ancêtres, est aussi actif politiquement que son épouse est investie dans la défense du patrimoine français sous toutes ses formes. Le couple suscitant un certain enthousiasme chez les Bonapartistes politiques ou associatifs. Y compris dans les milieux de la droite républicaine et monarchiste. Certains souhaitant que le prince de Pontecorvo (tire des héritiers de la maison Murat) fasse resurgir des pages de l’histoire, le mouvement muratiste qui a été jadis très influent en Italie et qui a jeté la future base du Risorgimento. Avec une courte expérience de candidat aux élections européennes, tissant discrètement ses réseaux, Joachim Murat tire vers lui tous les espoirs d'ue majorité des bonapartistes (et autres au-delà des clivages partisans) qui espèrent le voir se présenter prochainement à une députation ou à une sénatoriale.
Pourtant, bien que divisé entre tendance monarchiste (laquelle serait entrain de renaître) et gaullo-républicaine (majoritaire), le bonapartisme ne manque pas de forces vives ni d’élus. L’Appel au Peuple, France bonapartiste ou encore le Comité Central Bonapartiste (CCB), sont autant de partis et d’associations qui maintiennent l’idée vivante dans un siècle en recherche de repaires, qui ont eu marqué de leur empreinte politique l’histoire de France au XXe siècle avec des élus.
Une idée qui nécessite de la transversalité
Être roi est un métier qui s’apprend dès le berceau afin d’en maîtriser les arcanes, apprendre à incarner la nation, la représenter dans son entièreté sans en rechercher un bénéfice personnel ou partisan », rappelle Philippe Viguié Desplaces dans son livre co-écrit avec Paul Melun, intitulé « Et si le prochain président était un roi ? ». « Dans une monarchie constitutionnelle, le mode de transmission héréditaire et la formation du souverain garantissent le souci permanent de l’intérêt de la nation. Aucun roi ne joue contre son pays », ajoute-t-il encore. Si, les prétendants au trône de France incarnent des héritages différents, tous convergent assurément vers une idée similaire : le roi n’est pas le pouvoir, il en est le garant comme de sa stabilité. La monarchie ne pourrait peut-être pas revenir pas nostalgie, mais certainement par nécessité, portée par un mouvement transversal, illustrant la phrase prophétique du Président Emmanuel Macron qui a affirmé avant son premier quinquennat « qu’il manquait un roi à la France » (2015).
« La République n'est pas le régime qu'il faut à la France. Si la France doit vivre, alors la monarchie aura son rôle à jouer », a déclaré le Général de Gaulle de son vivant. Profondément monarchiste, le héros de la Libération n'a cependant pas sauter le pas de la restauration en dépit d'un large projet en ce sens initié entre 1960 et 1965. Depuis la chute de la monarchie de juillet en 1848 et celle du Second Empire en 1870, nombreuses ont été d'ailleurs les tentatives de retour à l'ordre royal ou impérial au cours des deux siècles précédents. Elle pourrait finalement faire consensus si elle arrive à s'installer dans le débat politique, sur les plateaux de télévision comme inéluctable, portée par des journalistes, intellectuels ou politiciens qui balayeraient toutes les caricatures habituellement distillées à son sujet. Les chiffres le démontrent. La frontière est mince pour que la République bascule vers ce que furent ses anciennes gloires. 39% des Français anticipent des conséquences plutôt positives pour l’unité nationale et 37% pour la stabilité du gouvernement si un roi devait exercer la fonction de Chef d’Etat. C'est majoritairement à droite (Les Républicains) et à l'extrême-droite (RN/ Reconquête) que l'on trouve le plus de soutiens à l'idée monarchique. Sans surprise, la Gauche et l'extrême-gauche sont les moins réceptifs à la royauté, lui préférant pour certains une VIe république, pale bis repetita de ce qu'ont été la IIIe et la IVe République en France, pourtant marqués par de profondes instabilités et qui ont fini par être renversées dans des circonstances de troubles importants.
Si la République échoue à se réformer à court terme et resaurer l'ordre (qui pourrait même appeler à l'intervention de l'armée, réclamée par un quart des Français), la tentation monarchique pourrait alors renaître non comme réaction, mais comme solution s’imposant définitivement aux Français, conciliant les avantages de la démocratie parlementaire et la stabilité d’un chef d’État neutre . « Une monarchie moderne n’est pas un retour en arrière, mais une manière d’aller de l’avant autrement », expliquait très justement Maurice Druon, célèbre écrivain et membre de l’Académie française. Le tout est de savoir, quel leader politique ou quel prince sera en mesure de transformer cette maxime en essai réussi pour le Bien commun, ramasser une couronne à terre afin d'éviter à la nation de sombrer dans l'inéluctable : la guerre civile ?