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Charles X : le roi oublié du « Petit Saint-Denis slovène »

Exilé en 1830, Charles X repose depuis près de deux siècles dans un couvent franciscain de Slovénie. Plusieurs tentatives ont été menées pour rapatrier les cendres du dernier roi sacré à Reims et des autres membres de sa famille, mais aucune n’a abouti. Une saga méconnue aux accents politiques, mémoriels et monarchiques.

Le 6 novembre 1836, Charles X rend son dernier souffle, entouré des membres de sa famille et de quelques fidèles qui l’ont accompagné dans son exil. Dernier roi sacré de France (1824-1830), une révolution a contraint le frère de Louis XVI et de Louis XVIII à lâcher une couronne qui ne lui était pas prédestinée à la naissance; L’histoire en décidera autrement, les Français également, épuisé par un régime qui a perdu en popularité.

Kostanjevica, dernière demeure des Bourbons

Son décès drape d’un voile noir la Restauration, ce chapitre de l’histoire de France ainsi baptisé après la chute du Premier empire (1815). Il venait juste de fêter ses 79 ans, bon pied, bon œil, aussi fringuant vieux monarque qu’il fut rayonnant du temps de sa jeunesse à Versailles . On pensait qu’il avait pris froid lors d’une messe à laquelle il assistait régulièrement. Le diagnostique des médecins fut toutefois sans appels : le choléra. La rapidité d’infection surprit le roi Charles X lui-même. Conscient de sa fin, allongé dans une chambre du château de Graffenberg, à Göritz, alors possession autrichienne, il reçut l’extrême-onction avant de s’éteindre paisiblement « comme une chandelle », visage impassible face à l’inéluctable.

C’est Kostanjevica qui va accueillir sa dépouille. Un choix personnel de Charles X. Divers lieux avaient été envisagés avant que le roi ne se fixe sur le couvent franciscain de cette ville. L’Autriche avait même proposé de lui faire une place dans la crypte des Capucins, mais la perspective de voir une Bourbon se faire annexer par un Habsbourg avait contraint la famille royale de France à décliner cette offre peu commune, comme le rappelle l’Impératrice Zita de Bourbon-Parme dans ses mémoires. Avec le temps, les derniers rejetons de la branche aînée des Bourbons vont le rejoindre doucement dans cette crypte devenu un haut-lieu de pélerinage des partisans de la Légitimité. On y trouve son fils cadet, Louis-Antoine, qui fut roi quelques minutes sous le nom de Louis XIX (le temps d’une abdication), la princesse Marie-Thérèse d’Angoulême, fille de l’infortuné Louis XVI, Louise d’Artois, dernière duchesse de Parme (dont la monarchie fut une des premières à être emportée par le Risorgimento), le comte de Chambord Henri V qui refusa un trône de France pour un drapeau tricolore qui lui rappelait la révolution (1870-1873), et enfin l’épouse de ce dernier, Marie-Thérèse de Modène.

 

 

Le retour des cendres, un vœu contrarié

Depuis deux siècles, les moines du couvent veillent scrupuleusement sur les dépouilles de ces rois et princes de France. La question du retour de leurs cendres s’est rapidement posée. Prétendant au trône de France, le comte de Chambord refuse toute possibilité de ramener son grand-père Charles X en France, arguant que dans son testament le souverain a précisé qu’il ne souhaitait pas revenir en France. Profondément catholique, l’héritier répugne à bouger les morts de leur dernier lieu de repos. Malgré les vicissitudes de l’Histoire, la question du devenir des cercueils ne va cesser de hanter la mouvance monarchiste. Avec la fin inéluctable du communisme, la branche ainée de la Maison de Bourbon a recueilli l’héritage du comte de Chambord. Elle s’empare du sujet. En 1988, le prince Alphonse de Bourbon, duc de Cadix, prétendant au trône de France, est favorable au retour de ces dépouilles. Il en fera la demande au Palais de l’Elysée mais son décès prématuré, un an plus tard,  ne permet pas au dossier d’aboutir.

Son fils, Louis-Alphonse de Bourbon, décide de suivre les pas de son prédécesseur, aidé dans sa tâche par l’Institut de la Maison de Bourbon (IMB) et un enthousiaste duc de Bauffremont. « Fidèle en cela à mon père qui l'a toujours souhaité, je désire moi aussi le retour du corps de Charles X sur la bonne vieille terre de France. Ce que la France peut faire pour l'un de ses fils, dit De Gaulle, c'est lui offrir un peu de sa belle et bonne terre pour qu'il puisse y reposer. Ce n'est tout de même pas une idée extraordinaire, nous savons depuis Sophocle et Antigone que c'est la moindre des choses d'offrir une sépulture digne aux morts et nous, ici, nous savons que la place d'un fils de France est parmi ses pairs à Saint-Denis et nulle part ailleurs », déclare le duc d’Anjou (2002).

Un combat entre mémoire, politique et dynasties

Si les autorités françaises ne débordent pas d’enthousiasme au projet, elle ne le freine pas. Mais du côté Slovène, qui s’est séparé de la Yougoslavie, pays né sur les cendres de l’empire austro-hongrois, il n’est pas question de céder ce qui est désormais une véritable manne touristique. Pour l’historien André Castelot, ni la France ni la Yougoslavie n’avait donné le moindre accord à ce retour au prince Alphonse. Dans son livre « Charles X : la fin du monde », il n’hésite pas à remettre en cause les déclarations du prince Alphonse, parle de « tromperie » et va même jusqu’à affirmer que la République française ne lui reconnaît aucun droit au trône. Le projet s'endort à nouveau, parfois évoqué ci et là sans soulever les passions.

En 2006, alors ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres est interrogé sur cette question qu’il ferme d’un ban. Aucun descendant du roi Charles X n’a demandé le retour des restes, elle n’a pas lieu d’être. C’est dans ce contexte que va naître sept ans plus tard, l’association « Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons ». S’inscrivant dans un mouvement contemporain de transferts de cendres de différents souverains européens, elle agrège journalistes, historiens, généalogistes, sénateurs, ministres, tous mués par un seul intérêt historique, loin de toute querelle dynastique qui divise la mouvance monarchiste. Elle va recueillir l’accord d’une majorité de descendants du roi Charles X, parmi lesquels des grands noms de l'aristocratie française, tous favorables au retour des cendres des membres de la famille royale défunte. Un dossier est même déposé auprès du Palais de l’Elysée.

Une association, un projet avorté, un voeu pieu

L’association va vite se heurter à différents problèmes. Les moines franciscains ne semblent pas évoluer de leur position, ni prendre en compte la demande des descendants de Charles X. Pour l’association, un compromis :  Ramener le cœur du frère de Louis XVI en France qui n’est pas frappé par les volontés testamentaires de Charles X ainsi que les autres membres de la famille royale (excepté le comte de Chambord) qui n’ont pas stipulé leur souhait de rester dans ces terres slovènes, les restes de Louise d’Artois devant être inhumés en Italie, près de son mari, le duc Charles II de Parme. Les partisans du duc d’Anjou vont fermement s’opposer à l’association et mener une campagne féroce contre le projet accusé d’être trop « orléaniste », en raison de la présence du prince Jean d’Orléans, comte de Paris. Par une ironie de l’histoire, cet autre prétendant au trône de France, descendant du roi Louis-Philippe Ier, est un descendant de Charles X par les femmes. En réponse, les contraidcteurs au projet envoie même le duc d'Anjou  au « petit Saint-Denis slovène », agaçant au passage membres de l’association et descendants qui lui rappelleront séchement qu’il n’a pas voix au chapitre dans cette affaire, tout aîné qu'il soit, n'étant pas affilié directement au monarque concerné.

Loin des polémiques, le prince Louis-Alphonse  affirme son opposition au projet, claironnant que seul l’état français peut décider de ce qui reste un « acte national » tout en souhaitant le maintien des restes des derniers Bourbons sous la garde des moines. Enfin, l’arrivée à la tête de l’Hexagone du Président Emmanuel Macron (2017) va finir par geler le dossier qui avait pourtant retenu l’attention des autorités françaises précédentes, même bénéficié d'une certaine médiatisation. L’Elysée craignant également que cela ravive le débat monarchique dans une France agitée par l'explosion du phénomène des Gilets jaunes. et par le Covid-19 Un coup de frein inattendu pour l’association qui va finir par se mettre en sommeil faute de voir aboutir le projet.

Bloqué par des enjeux diplomatiques, politiques et mémoriels, la Slovénie entend toujours conserver fièrement ce pan de l’histoire française sur son sol. Aujourd’hui, le retour des cendres de Charles X ne semble plus qu’être un vœu pieux pour les monarchistes et passionnés d’Histoire. Jusqu'à la prochaine tentative. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 16/04/2025

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