Charles X : l’exil slovène d’un roi de France honoré par son descendant

À Nova Gorica, la mémoire du dernier roi Bourbon de France a été ravivée par une cérémonie inédite. Jean-Philippe Carpentier, un de ses descendants directs et consul honoraire du Luxembourg en France, s’est récemment recueilli devant le tombeau de son ancêtre et plaidé pour un pont mémoriel entre Saint-Denis et Kostanjevica. Il a proposé un compromis dans la question du retour des derniers Bourbons en France.

C'est une visite qui a été largement commentée par la presse slovène, aussi inattendue qu'inédite. La visite d'un descendant du roi Charles X en ligne directe, venu se recueillir devant les restes des derniers Bourbons inhumés dans la crypte du couvent de Kostanjevica, anciennement en terre austro-hongroise puis yougoslave. 

Le dernier repos d’un roi déchu

En 1830, Charles X, dernier souverain de la branche aînée des Bourbons, est contraint à l’exil après la Révolution de Juillet qui porte Louis-Philippe d’Orléans au trône. Réfugié d’abord en Écosse, puis à Prague et enfin à Goritz (aujourd’hui Nova Gorica, en Slovénie) avec sa famille, il s’éteint en 1836, victime du choléra, sans avoir jamais revu la France. Conformément à son souhait, il est inhumé dans la crypte du monastère franciscain de Kostanjevica, au-dessus de la ville, loin de la nécropole royale de Saint-Denis où reposent ses prédécesseurs. Au fur et à mesure des décennies qui s'y écoulent, les différents rois de la Légitimité (Louis XIX, comte de la Marne, et Henri V, comte de Chambord), les membres de sa famille , le rejoignent dans la crypte.  

Depuis, ce lieu abrite l’un des chapitres les plus singuliers de l’histoire monarchique française, objet de toutes les convoitises.

Une visite empreinte d'humilité

Le 19 août 2025, Jean-Philippe Carpentier a fait le déplacement à Nova Gorica pour rendre hommage à son ancêtre. « C’est avec une profonde humilité et une émotion particulière que je me tiens aujourd’hui devant le tombeau de mon ancêtre, Charles X, dernier roi de France issu de l’ancienne famille des Bourbons, ici, dans la crypte du monastère de Kostanjevica », a déclaré ce consul honoraire du Luxembourg en France. Avocat de profession, les passionnés d'histoire ont découvert son existence lors la dernière exposition consacrée au sacre de Charles X, organisée à Paris entre le 11 avril au 20 juillet 2025. Aux côtés des deux prétendants au trône, les princes Jean d'Orléans, comte de Paris, chef de la Maison royale de France, et de Louis-Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou et chef de la Maison du même nom, il a inauguré cette exposition qui a été un véritable succès. Lui-même a découvert sa filiation agnatique avec Charles X par hasard, il y a deux ans. Il est le fruit d'une relation entre Charles X et son ancêtre, Anne-Barbe Pouyer, qui a eu un fils : André Nicolas Thomas. L'avocat affiche les armes de la seconde maison capétienne d'Artois sur son compte X, en forme de clin d'oeil, sans toutefois avoir la possibilité de revendiquer le trône de France.

Souhaitant rapprocher la mémoire royale de la France contemporaine, Jean-Philippe Carpentier a formulé une proposition forte : « Si Charles X et sa famille souhaitaient reposer ici, je propose, en concertation avec les autorités de Nova Gorica, Gorizia et Saint-Denis, que nous envisagions l’érection d’un monument dans la basilique Saint-Denis, qui commémorerait son règne et inviterait en même temps le public à découvrir ce lieu sacré de Kostanjevica. Ce serait un symbole d’unité, un pont entre nos peuples, entre le passé et l’avenir. ». Le maire de Nova Gorica, Samo Turel, s’est félicité de cette initiative. « M. Carpentier a pris l’initiative de faire connaître en France la tombe de Charles X. Ainsi, non seulement dans les milieux royalistes français, mais aussi dans la cathédrale Saint-Denis, où reposent les derniers membres de la famille Bourbon, il y aurait un monument particulier. ». 

L’élu rappelle également que la visite a eu lieu dans le cadre de l’année où Nova Gorica est Capitale européenne de la culture, renforçant ainsi la portée symbolique de ce geste mémoriel. La guide touristique Evelin Bizjak, témoin de la cérémonie, confie avoir été frappée par l’intensité de l’émotion de Jean-Philippe Carpentier : « Si l’ADN ne compte pas, alors toutes les émotions manifestées par ce monsieur en disent long. ».

La question du retour des restes des Bourbons toujours en attente : un compromis pourrait voir le jour

Depuis des décennies, diverses personnalités plaident pour que la dépouille de Charles X retrouve la nécropole royale de Saint-Denis, où reposent 43 rois et 32 reines de France. L'Association Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons demande le retour des dépouilles royales, estimant que « le dernier Bourbon de droit divin puisse rejoindre ses ancêtres ». Elle a reçu le soutien de la majorité des descendants en ligne directe de Charles X mais s'est heurtée à des querelles idéologiques provenant des milieux royalistes ( le prince Louis-Alphonse de Bourbon, qui avait pourtant pris fait et cause pour le restour des restes des Bourbons a fini par revenir sur sa décision)  qui ont freiné son action. Pourtant, cette perspective se heurte à deux obstacles majeurs : la volonté exprimée par le roi lui-même d’être enterré à Goritz, et l’attachement des Franciscains de Kostanjevica à la préservation de cette mémoire singulière. « Il est important de préserver le choix du roi de reposer ici », a rappelé sœur Mirjam Brecelj. L'association a pourtant entamé des discussions avec le couvent afin de trouver des solutions (comme rapporter seulement le coeur de Charles X), mais celui-ci n'a pas souhaité réellement donner suite. Pour les partisans du retour de la dépouille de Charles X en France, le couvent prend en otage les corps des monarques français en raison de la manne touristique que leurs restes engendrent pour la ville de Nova Gorica alors que les descendants du roi Charles X réclament son retour, la branche Bourbon-Parme comprise. Ce que réfutent les moines franciscains, farouches gardiens du site. Un dossier a même été transmis et étudié par le Palais de l'Elysée avant que le dossier ne soit renvoyé aux calendes grecques. Jean-Philippe Carpentier s'oppose lui-même à ce retour des cendres des Bourbons.

Si un transfert semble improbable à l'heure actuelle, l’idée d’un monument commémoratif à Saint-Denis pourrait constituer une solution de compromis, permettant de rappeler la mémoire de Charles X en France sans effacer l’histoire européenne de son exil.

À travers ce pèlerinage familial, c’est une page d’histoire franco-slovène qui s’est rouverte. Comme l’a souligné Jean-Philippe Carpentier, il ne s’agit pas seulement d’un souvenir dynastique, mais d’un geste de mémoire européenne : « Faire connaître en France que Charles X repose ici, c’est rappeler à chacun que nos racines dépassent nos frontières. ».

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