Alors que la colère agricole ressurgit avec force à travers la France, les princes Louis de Bourbon et Jean d’Orléans, prétendants au trône de France, ont successivement pris position pour dénoncer l’affaiblissement du modèle agricole français, la perte de souveraineté alimentaire et l’impuissance politique face à une crise devenue structurelle.
Barrages routiers, manifestations, convois de tracteurs : depuis l’hiver 2023-2024, la France connaît un cycle quasi annuel de mobilisations agricoles. Endettement massif des exploitations, normes environnementales jugées asphyxiantes, concurrence internationale jugée déloyale, multiplication des accords de libre-échange, dont le décrié traité signé avec le Mercosur (ou Marché commun du Sud, zone de libre-échange qui regroupe plusieurs pays de l'Amérique du Sud.) : le malaise paysan ne cesse de s’aggraver. À cela s’ajoutent des chiffres glaçants, avec plus de 300 suicides d’agriculteurs chaque année, symptôme d’un désespoir profond dans les campagnes.
C’est dans ce contexte que Louis de Bourbon, aîné de la Maison Bourbon, et Jean d’Orléans, Chef de la Maison royale de France, ont décidé de réagir en publiant une tribune et un communiqué ciblant directement la politique européenne et les choix sanitaires et commerciaux de l’État.
Louis de Bourbon : une dénonciation morale et souverainiste
Dans sa tribune publiée le 21 décembre 2025, le prince Louis de Bourbon, 51 ans dresse un constat sévère de l’inaction publique face à la détresse agricole. « Chaque année, nous aurons désormais le droit à ces cortèges du désespoir », écrit-il, fustigeant une « administration hiératique » et une « classe politique impassible », plus soucieuse, selon lui, de distribuer des aides temporaires que de « traiter le mal à la racine ».
L’héritier des rois de France dénonce explicitement « les dictats d’un libéralisme sauvage », visant l’ouverture accrue du marché français aux productions extra-européennes, notamment outre-Atlantique. Il alerte sur une « situation de dépendance alimentaire extrêmement grave », qu’il juge incohérente au regard des discours officiels sur la guerre, le réarmement et la mobilisation nationale.
Surtout, Louis de Bourbon inscrit son propos dans une filiation historique assumée. Se réclamant de la légitimité « des souverains qui ont fait la France », le duc d'Anjou invoque Henri IV ou Louis XVI, figures associées à la protection des campagnes et au souci du bien commun. « Jamais je n’accepterai notre pays sans paysans », conclut-il, dans une adresse à forte portée symbolique.
Jean d’Orléans : l’Europe et la souveraineté en question
De son côté, Jean d’Orléans, 60 ans, a adopté un ton plus institutionnel mais non moins critique. Son communiqué, publié quelques jours auparavant sur son site officiel, s’ouvre sur la polémique liée aux abattages systématiques de troupeaux en cas de détection de dermatose bovine, décision qui a profondément choqué le monde agricole. Mais, c’est surtout l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur qui cristallise son inquiétude.
Pour le comte de Paris, cet accord illustre « la perte d’influence de la France au sein de l’Union » et « le déclin de notre souveraineté, notamment alimentaire ». Il met en garde contre les conséquences directes sur le modèle agricole français, fondé sur les exploitations familiales et la production de qualité, mais aussi sur la santé publique. Jean d’Orléans va plus loin en posant une question éminemment politique : « Pouvons-nous espérer de nos représentants qu’ils défendent nos intérêts ? ». Évoquant la « politique de la chaise vide », référence explicite à la stratégie gaullienne des années 1960, le descendant de Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français, suggère que la France pourrait — et devrait — assumer un rapport de force au sein de l’Union européenne pour préserver son agriculture.
Loin de rester cantonné aux paroles, il avait joint celles-ci aux actes en se rendant lui-même, accompagné de son fils aîné, le prince Gaston (ans) d'Orléans, au contact des agriculteurs et avait engagé le débat sur les problématiques qu'ils rencontrent au quotidien.
Si leurs styles diffèrent — l’un davantage moral et historique, l’autre plus institutionnel et européen —, les deux prétendants convergent sur l’essentiel : la crise agricole n’est pas conjoncturelle mais civilisationnelle. Elle engage la souveraineté, la cohésion nationale et le rapport du pays à sa terre. Dans un paysage politique dominé par les logiques partisanes et les arbitrages technocratiques, ces prises de parole rappellent que la question agricole dépasse le seul cadre économique. À travers les paysans, c’est une certaine idée de la France — rurale, souveraine, enracinée — qui est aujourd’hui mise à l’épreuve.
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