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Felipe VI face au jeu de la démocratie parlementaire

Au cours d'un vote agité aux Cortès, Pedro Sanchez a été reconduit à la tête du gouvernement espagnol pour la troisième fois consécutive. Un pari risqué pour le leader socialiste qui va diriger une coalition fragile, négociée au prix d'une amnistie controversée en faveur des indépendantistes catalans. Cette décision place désormais la monarchie dans une position délicate, prise au piège du jeu de la démocratie parlementaire.

C'est désormais officiel : le Parlement a reconduit Pedro Sánchez en tant que Premier ministre de l'Espagne ce jeudi 16 novembre 2023. Cette décision intervient dans un contexte de profonde division au sein du pays, marquée par une controverse : celle entourant la décision du Premier ministre d'accorder une loi d'amnistie aux indépendantistes catalans en échange de leur soutien. Le socialiste, au pouvoir depuis 2018, a réussi à obtenir le soutien de 179 députés après deux jours de débats tendus. A peine 3 voix au-delà de la majorité fixée à 176, rendant d'ores et déjà la nouvelle coalition politiquement très fragile. Dans la foulée, la Présidente des Cortès, Francina Armengol, s’est rendue au Palais de la Zarzuela et a officiellement communiqué à Sa Majesté le Roi Felipe VI le résultat des votes d'investiture conformément à la procédure établie par l'article 99 de la Constitution. « En vertu des dispositions de l'article 62 de la Constitution espagnole, Sa Majesté le Roi a signé le décret royal qui entérine la nomination de Pedro Sánchez Pérez-Castejón comme président du gouvernement » a indiqué, quelques minutes plus tard, la Maison royale, dans un communiqué officiel.

 

 

Un retour au pouvoir de Pedro Sanchez au prix d'une négociation controversée

Ce vote de confiance met fin à une impasse politique qui a duré près de quatre mois depuis les élections législatives du 23 juillet dernier. Au pouvoir depuis 2018, Pedro Sánchez a obtenu ainsi le feu vert pour former un nouveau gouvernement avec ses alliés de la coalition d’extrême gauche, Sumar. Cependant, cette victoire politique place également l’institution royale dans une position délicate, comme en témoignent l’expression sérieuse et le sourire crispé affiché par le monarque aux côtés d’une Francina Armengol radieuse sur les photos officielles. En 2017, lors de la tentative de sécession des indépendantistes catalans, le roi Felipe VI avait vivement critiqué leur « irresponsabilité et déloyauté » lors d’une allocution télévisée. Le possible retour des leaders catalans, dont l'ex-président décrié Carles Puigdemont, pourrait compromettre la stabilité du royaume et fragiliser les bases de la monarchie. En paraphant éventuellement une loi d’amnistie, le roi prendrait le risque de plonger l'Espagne dans une crise politique sans précédent depuis la fin du franquisme en 1975.

 

 

La monarchie Bourbon dans une position délicate

La marge de manœuvre du souverain Bourbon est extrêmement limitée. En vertu de la Constitution de 1978, le roi n'a pas le pouvoir de rejeter les lois approuvées par les Cortes, son rôle se limitant à celui d'arbitre sans possibilité de contester les décisions des élus. Dans l'opposition, le Parti Populaire et le mouvement VOX ont récemment mobilisé leurs partisans dans la rue. Un million d’Espagnols ont exprimé leur mécontentement face à cette négociation d’amnistie, et les plus radicaux d’entre eux ont vivement et publiquement critiqué le monarque. A travers des termes méprisants, il est même accusé de soutenir ce qu’ils considèrent comme « un coup d’État ». La droite conservatrice, pourtant grande gagnante des dernières élections législatives mais qui a échoué à former un gouvernement, conserve un important soutien électoral, comprenant également des nostalgiques du régime du Caudillo Francisco Franco. Sur les réseaux sociaux, certains ont averti symboliquement le descendant de Louis XIV, indiquant que s'il entendait signer une loi d’amnistie, il sera considéré comme un « traître » et devrait abdiquer. En négociant cette amnistie, encore à être votée, Pedro Sanchez a mis le souverain dans une position délicate, ses partenaires cherchant même à réduire davantage ses pouvoirs régaliens.  « Ce n'est pas simplement un débat politique, c'est bien plus que cela » a déclaré Jésus Palacios. « L'amnistie implique la mise en place d'un processus de changement du système. Le Roi devra intervenir dans ce moment crucial, comme il l'a fait par le passé. Il dispose de pouvoirs et doit agir »  plaide l’historien.

Le roi Felipe VI, en tant qu'arbitre constitutionnel, se retrouve aujourd’hui confronté à des manifestations d'opposition et à des pressions politiques, illustrant les limites de son rôle dans un système démocratique. Les crispations au sein de la société espagnole et les critiques émanant de la droite conservatrice soulignent les défis auxquels va être confrontée éaglement l'institution monarchique. La suite des événements dépendra des choix du monarque face à cette conjoncture politique complexe, marquée par des revendications et des aspirations divergentes au sein d’une population plus que fragmentée.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 17/11/2023

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