«Les rois ne prennent pas leur retraite aussi facilement en Europe et dans le monde que cela. C'est comme ça qu'ils me voient et c'est pourquoi tant de gens me pressent de diriger la Bulgarie». C’est un bout de sable qui a déclenché une crise politique de grande ampleur en Bulgarie. Accusé de dérive mafieuse par le président de la République lui-même, Roumen Radev, le premier ministre Boïko Borissov doit faire face à une menace de destitution. Au pouvoir depuis plus d’une décennie, l’ancien garde du corps du roi Siméon II et ancien député du mouvement monarchiste est confronté à la colère de la rue. Interviewé par la télévision bulgare le 15 juillet, le roi Siméon II est sorti quelque peu de sa réserve et a livré ses analyses sur la situation qui prévaut dans son pays.
«Je suis inquiet de voir la dérive que prend cette situation» a déclaré le roi Siméon II lors d’une interview télévisée sur la matinale de la chaîne BTV. L’intensité et la violence des manifestations ont surpris le monarque qui a rapidement appelé ses compatriotes «à garder autant que possible confiance dans les institutions actuelles». Depuis plusieurs jours, l’opposition accuse le leader de la minorité turque, le Mouvement pour les droits et libertés, de s’être accaparé des monceaux entiers de l’économie locale et de s’être approprié illégalement des terrains. Ahmed Dogan, 66 ans, n’est pas un inconnu pour les bulgares comme pour le roi Siméon II. En effet, c’est grâce à un accord avec l’ancien monarque que Siméon II a pu former un gouvernement de coalition en 2001 et devenir Premier ministre de la Bulgarie, après en avoir été le souverain de 1943 à 1946. «Il faut surmonter nos différends » a expliqué Siméon II qui toutefois n’a pas voulu commenter la passe d’armes entre le président de la république Roumen Radev et son premier ministre Boïko Borissov.
L’ire des Bulgares se cristallisent sur la maison, véritable palais, que s’est fait construire sur les bords de la mer noire Ahmed Dogan qui semble se comporter comme s’il était le pacha régnant de la Bulgarie, ancienne possession des ottomans. Venu tenter de planter un drapeau bulgare sous l’œil des caméras, Boïko Borissov a été remis sur son bateau manu militari par les gardes du corps de Dogan. Une humiliation publique qui a ulcéré les plus nationalistes des Bulgares et tous ceux qui accusent lee d’être miné par la corruption alors que celui-ci est secoué par une crise économique. Pis, la perquisition de la présidence bulgare par des procureurs et des policiers armés a mis le feu aux poudres à Sofia, la capitale. «Je suis préoccupé par l’avenir de mon pays». A 83 ans, le roi ne souhaite toutefois pas revenir en politique même si il a été question de sa candidature à la présidence Bulgare en 2016. «Les rois ne prennent pas leur retraite aussi facilement en Europe et dans le monde que cela. C'est comme ça qu'ils me voient et c'est pourquoi tant de gens me pressent de diriger la Bulgarie» explique-t-il. Lui préfère attendre, analyser l’évolution de ce «conflit» qui a éclaté et pris des allures de véritable mini guerre civile. D’autant que le premier ministre refuse de démissionner. Un homme qui est aussi en conflit avec le roi Siméon II, lui réclamant les propriétés qu’il occupe et que l’état lui a pourtant légalement restitué.
Ancienne porte-parole du roi, Galya Dicheva, n’a pas mâché ses mots à la presse. «Depuis 30 ans nous errons dans une sorte de transition qui n’en finit pas à travers une république parlementaire qui élit des gouvernements et qui finissent tous par être l’objet de fortes contestations». «Nous devons organiser un référendum» plaide-t-elle. La maison royale de Bulgarie a peu goûté à ces déclarations et a émis un démenti, affirmant que Galya Dicheva ne parlait pas au nom du roi Siméon II pas plus qu'elle ne le représentait. «Je me dois de rester en retrait» déclare le souverain que beaucoup voit encore comme une alternative crédible à cette crise. «La crise économique, peut être une conséquence du COVID-19, ne doit pas être dramatisée et utilisée à mauvais escient. Nous devons rechercher des solutions et des moyens afin de la surmonter ensemble» a renchéri Siméon II qui n'a jamais souhaité poser la question du retour de la restauration de la monarchie lorsqu'il était au pouvoir. Un descendant de Louis-Philippe Ier qui «n’entend pas réclamer ni défier les institutions actuelles» alors que les manifestations se poursuivent mais qui souhaite seulement continuer la mission qu’il s’est fixé depuis son retour comme premier ministre. Parachever l’entrée de la Bulgarie dans l’union monétaire européenne. Avant d'entamer, peut-être un autre chantier (selon certaines rumeurs), celui de reformer la maison royale de Bulgarie et modifier la loi de succession. A moins que l'Histoire ne le rattrape une nouvelle fois ?
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