« Les manifestants mécontents ont le droit d'exiger des changements et le gouvernement devrait y répondre par des mesures adéquates. Si nous changeons simplement un cabinet par un autre, sans supprimer les pratiques politiques néfastes qui faussent le processus démocratique dans notre pays, nous perdrons de l'énergie dans les crises politiques encore longtemps». C’est un discours surprenant et inattendu que l’ancien monarque de Bulgarie a offert à ses concitoyens, le 22 septembre, jour de la fête de l’indépendance. A la fois politique et social, Siméon II a dénoncé la mauvaise gouvernance actuelle et appelé à un changement rapide des institutions. Uns posture qui n’est pas passé inaperçue alors que des partis politiques continuent de faire pression sur celui qui a été aussi premier ministre de la Bulgarie, afin qu’il se présente à la tête de l’état.
« A la veille du 22 septembre, cette date si importante - la déclaration d'indépendance de la Bulgarie, qui a fait de notre pays, une nation souveraine, indépendante et égale aux autres sur le plan international, nous réalisons que cela a été possible grâce aux efforts de toute une nation ! ». Il est officiellement retiré de la vie politique mais continue de faire les titres des médias. le Tsar Siméon II a décidé de marquer les esprits en publiant sur son site officiel un discours aux accents politiques et sociaux, faisant écho aux nombreuses manifestations anti-gouvernementales qui ont secoué la Bulgarie ces dernières semaines et qui ont fait de nombreux blessés. En fond de toile de cette contestation, la corruption endémique et le projet très controversé de changement de constitution, demandé par le Premier ministre Boïko Borissov, qui cristallise les passions de l’opposition. « La leçon que nous en avons tiré à cette époque est toujours valable aujourd'hui - unis et dans la cohésion, nous pouvons accomplir bien plus que si nous restons divisés. En ce moment, malheureusement, nous constatons l’émergence d’une forte opposition au sein la société bulgare et aussi parmi les instances gouvernementales. Ce n’est guère le moment alors que nous traversons une crise mondiale sans précédent, non seulement sanitaire, mais aussi économique » a poursuivi l’ancien monarque (1943-1946).
Si le roi Siméon II s’est félicité et a remercié chaque Bulgare pour les efforts consentis lors du confinement qui a permis de juguler la pandémie de covid, faisant de ce pays des Balkans, un des moins touché de l’Europe, il a regretté l’atmosphère politique électrique qui perdure et qui ne permet pas sà la Bulgarie de redresser sa barre économique. «Au lieu d'attirer l'attention avec cet exemple de gestion de crise et de mettre en évidence les opportunités que nous pouvons offrir à l’Europe de plus en plus mondialisée, nous nous distinguons par un environnement politique instable! » s’est agacé celui qui a été aussi Premier ministre de son pays entre 2001 et 2005. « Dans une démocratie, le processus naturel de changement de gouvernement a lieu après les élections. Dans l'idéal, donner la stabilité à un pays se fait par l'accomplissement du mandat octroyé à un parlement et par des gouvernements régulièrement élus » a rappelé Siméon II qui constate que les manifestations sont menés par de jeunes bulgares, principalement étudiants à l’étranger. Un état de fait aussi pour Boïko Borissov, menacé jusqu’au plus haut sommet du pouvoir. Face à la contestation qui a failli s’emparer du parlement, il y a quelques jours, le président Rumen Radev lui a demandé de démissionner.
« Lorsque certains citoyens estiment que le contrat social avec le gouvernement a été violé et que les règles démocratiques ne sont pas respectées, ils ont le droit de sortir pour protester. La présomption que certains des participants aient été payés, ainsi que la présence de provocateurs, ne signifie pas qu'ils doivent être négligés pour autant» renchérit le roi qui annonce ici son soutien aux manifestants et lance un appel à la poursuite de la contestation. L’expression d’une animosité qui règne entre le dirigeant bulgare et le souverain. En effet, depuis des années, cet ancien maire de Sofia, élu pourtant sous les couleurs du roi, tente de récupérer les palais que Siméon II a récupéré et occupe actuellement. Siméon II, leader d’une rébellion en cours ? A 83 ans, le roi n’a pas perdu de sa verve et appeler les exilés bulgares, étudiants a rentrer au pays afin de faire entendre leurs voix. « L'indignation du public est un correctif de la gouvernance et un moyen pour les citoyens d'exprimer leurs revendications. La possibilité d'entendre différentes opinions, d'exprimer librement différentes est un privilège de la démocratie. L'Union européenne nous donne un exemple de pluralisme politique en tant que principe fondamental de compréhension et de coexistence » affirme le souverain qui compare le gouvernement au « type de régime totalitaire que la Bulgarie a connu ». « Nous ne pouvons et ne devons pas fermer les yeux sur les nombreuses irrégularités qui persistent dans le fonctionnement de l’administration. Nous ne pouvons ignorer les phénomènes évidents de corruption ni la nécessité de moderniser le système judiciaire » se plaint Siméon II qui accuse les ministres de détourner les fonds d’aide octroyés par l’Union européenne et qui craint que cette manne financière ne soit coupée, empêchant la réalisation de « projets tels que ceux de l'écologie, la transformation numérique ou l'emploi durable ».
« Les manifestants mécontents ont le droit d'exiger des changements et le gouvernement devrait y répondre par des mesures adéquates. Si nous changeons simplement un cabinet par un autre, sans supprimer les pratiques politiques néfastes qui faussent le processus démocratique dans notre pays, nous perdrons de l'énergie dans les crises politiques encore longtemps» a exigé le roi Siméon II. « Il est admis que le pouvoir soit le reflet de la société, mais il doit aussi être prêt pour le changement. Aujourd'hui, c'est une priorité pour nous tous de mobiliser nos forces pour aller de l'avant, au lieu d'essayer de renverser ceux qui pensent différemment de nous. Apprenons de l'histoire – Unis, nous réussirons » achève de conclure ce descendant de Louis-Philippe Ier, roi des Français.
Bien qu’il ne soit plus à la tête du Mouvement national Siméon II (MNSII) depuis 2007, devenu le Mouvement national pour la stabilité et le progrès (NSDV) , l’ancien monarque est l’objet de toutes les attentions de la part des partis politiques. De nombreuses demandes lui ont été faîtes afin qu’il occupe le poste de président de la République. Si son parti s’est effondré dans les urnes (à peine 1% aux élections et plus aucun député), lui reste influent. Lors de la crise de 2017 qui avait conduit à la chute du premier ministre Borissov, il avait été consulté. Dans le gouvernement intérimaire (janvier-mai 2017), aux côtés de socialistes de nombreux royalistes ou sympathisants de cette cause. Et à commencer par le Premier ministre Ognyan Stefanov Gerdzhikov, ancien député du NSDV et ancien Président du Parlement de 2001 à 2005, Radi Naydenov nommé ministre des Affaires étrangères, qui fut le vice-ministre de la Défense du roi ou encore Kiril Ananiev, vice-ministre des Finances qui occupa un poste similaire dans le gouvernement de coalition socialo-monarchiste entre 2005 et 2009. Les « amis du roi », comme on les surnomme, sont très actifs au sein des partis politiques et agissent comme un lobby ayant un seul objectif : Faire admettre que le roi Siméon II est un personnage de consensus nécessaire pour la stabilité de la Bulgarie.
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