Nostalgie monarchiste en Styrie

C’est dans les pas de l’empereur Charles Ier que l’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine et son fils, Karl-Constantin, 14 ans, se sont placés le 12 novembre dernier.  Véritable pied de nez au centenaire de la proclamation de la république autrichienne, associations monarchistes et nostalgiques  du double empire ont envahi ce week-end, la ville de Mariazell.

Archiduc georg de habsbourg lorraine et son fils avec leurs partisansSitué en Styrie, la ville est un haut-lieu du catholicisme autrichien. Fondée par un moine, elle est le symbole de cette lutte acharnée que se livrèrent les autrichiens et les turques entre le XVIème et XVIIème siècle.  Ville mariale par excellence, la maison des Habsbourg-Lorraine voue un culte à sa vierge locale.  Ambassadeur de Hongrie, le petit-fils de l’empereur Charles Ier est venu évoquer la notion paix entre les peuples alors que l’Europe fête le centième anniversaire de la fin d’un  conflit mondial qui a fait des millions de morts.

Costumes chamarrés, drapeaux de l’Empire, casques vissés sur la tête, sabre au clair, les associations monarchistes d’Autriche-Hongrie ont défilé au pas comme aux plus beaux jours de l’empire. Après avoir déposé une gerbe de fleurs au Friedensdenkmal, le monument doublement dédié à la victoire et la paix, Georg de Habsbourg-Lorraine a lu un discours aux accents volontairement christiques. Nous célébrons « la paix pour notre pays, la paix pour l’Europe dont nous sommes partie intégrante, la paix dans le monde en dépit de ces défis, ces questions et tous ces problèmes auxquels nous devons faire face aujourd’hui encore. Nous devons garder espoir, faire confiance à Dieu, prier pour sa puissance et œuvrer pour la paix »  a déclaré le prince qui a fustigé récemment dans une interview la montée des nationalismes populistes qu’il a opposé à sa propre conception du patriotisme. Un message qui fait indubitablement écho aux actions du dernier empereur de l’Autriche- Hongrie qui, entre 1917 et 1918, avait tenté de négocier une paix séparée afin de pouvoir stopper ce conflit qui ravageait tout le continent.

Déjà 2 ans auparavant, alors encore héritier au trône, Charles  avait conduit une délégation auprès du Kaiser afin de lui réclamer la cessation des hostilités, en vain.

Sacré empereur d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohème en décembre 1916, Charles Ier va mandater discrètement ses deux beaux-frères, Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, qui combattent dans l’armée belge, afin qu’ils prennent contact avec le président Raymond Poincaré et négocient une paix séparée. Les tractations avec la France sont un succès. Charles accepte la quasi majorité des demandes de Paris, le retour de l’Alsace-Lorraine dans le giron gaulois, le rétablissement du royaume de Belgique  ou encore l’attribution de Constantinople aux Russes. Il refuse juste que la Serbie redevienne indépendante. Tout au plus accepte-t-il la  création d’une Yougoslavie qui engloberait la Bosnie, la Serbie, l’Albanie et le Monténégro mais sans la maison royale des Karadjordjevitch dont Vienne suspecte fortement d’avoir été la main derrière celle de l’assassin qui a plongé l’Europe dans la guerre, le 28 juin 1914. Une conférence secrète va même se tenir en Savoie mais le représentant italien se montre trop gourmand et réclame plusieurs provinces austro-hongroises. Sauver la monarchie, l’empire est alors le seul crédo de Charles Ier.

Le gouvernement d’Aristide Briand tombe en mars, 2 mois après le début des négociations et si son successeur  Alexandre Ribot se montre plus réticent, il continue cependant à traiter avec l’empereur d’autant que les deux pays n’ont pas eu à se confronter sur le champ de bataille. A ses deux beaux-frères épuisés par cet incessant ballet diplomatique, Charles Ier va insister fortement pour que ceux-ci continuent à mener les pourparlers :« il faut absolument faire la paix, je le veux à tout prix (…) ». L’impératrice Zita de Bourbon-Parme surenchérit devant Sixte : « pense à ces malheureux qui vivent dans l’enfer des tranchées, qui meurent tous les jours ! ». Même l’opinion française et britannique est alors favorable à l’Autriche-Hongrie, qu’elle trouve plus gracieuse à ses yeux que l’Allemagne du Kaiser Guillaume II. Charles se heurte toutefois aux pangermanistes de son gouvernement comme le comte Czernin dont les actions vont irriter Ribot qui finit par opposer une fin de non-recevoir aux exigences de l’empereur, en novembre 1917. Et confirmé par Georges Clémenceau quelques jours plus tard qui forme son nouveau gouvernement dont le coup de Trafalgar surprend tout le monde. En faisant publier ouvertement dans les journaux français, le 12 avril 1918,  une lettre de l’empereur évoquant sa volonté de vouloir négocier la paix et en réaction aux accusations de Czernin sur l’arc- boutisme français sur l’Alsace-Lorraine, le futur « Père la Victoire » met fin aux rêves de fin de conflit forgés par Charles. L’histoire dit que le secrétaire aux affaires étrangères américaines, Robert Lansing, entra dans une violente colère lorsqu’il apprit la nouvelle:« C’est l’acte le plus stupide, le plus absurde et aucune raison n’est assez suffisante  pour excuser un tel geste ! Cette divulgation de courrier a jeté imbécilement et définitivement l’Autriche dans les bras de l’Allemagne. Il est incroyable que le Tigre de France ne possède pas un meilleur contrôle de ses pulsions (…) Il y avait là une formidable opportunité de paix sachant le désir de l’empereur de faire la paix à n’importe quel prix. Une possibilité que ce fou de Clémenceau a détruit !»  se serait alors écrié le ministre qui s’était opposé aux 14 points du président Wilson. Une action de la part de ce « vendéen rouge » qui coutera la vie à 300 000 français de plus sur le champ de bataille jusqu’à l’armistice 9 mois plus tard.

Priere en hommage a la monarchie« C’est en comprenant ce que signifient guerre et crise que l’on peut réellement apprécier ce que nous avons aujourd’hui en Europe.  La paix ! » a déclaré l’archiduc Georg, son fils aîné  ses côtés, entouré par les autorités ecclésiastiques locales et qui a rappelé que « les états européens doivent apprendre à travailler ensemble afin que la guerre et les crises n’aient plus leur place sur le continent ». Devant le mémorial et sous le regard de la vierge blanche de la ville, le prince impérial a souligné que le « travail de chacun consistait à cultiver une tradition de paix, à expliquer aux générations futures ce que signifient les horreurs de la guerre »  afin qu’elles ne les reproduisent plus. 

L’hymne impérial, le Gott erhalte  (Que Dieu protège l’empereur), a retentit alors que la procession défilait sous le regard des passionnés et vrais monarchistes à Mariazell. Le temps d’une journée d’Automne, l’Autriche a célébré la paix et rendu hommage aux actions de son empereur, béatifié Bienheureux en 2004.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 14/11/2018

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