Michael de Saxe-Weimar : « La grande nation allemande, un leurre »

Michael de Saxe-Weimar-Eisenach« Sans 1871, il n’y aurait jamais eu les deux guerres mondiales pas plus que nous n’aurions connu Hitler ». Dans un entretien accordé au quotidien  régional « Thüringer Allgemeine », le chef de la maison grand-ducale de Saxe-Weimar-Eisenach est revenu sur les conséquences de l’unification allemande, proclamée sur les cendres encore fumantes du Second empire français. Selon le prince Michael, qui souhaiterait le retour d’une monarchie indépendante,  « il n’y a jamais eu de grande nation allemande » et ce serait un leurre de le croire.

C’est une humiliation dont la France va avoir de la peine à se relever. Le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, pas moins de 600 officiers, princes et roitelets allemands sont réunis pour assister à une cérémonie historique. La France a été battue presque quatre mois auparavant, Napoléon III est le captif des prussiens et la IIIème République tout juste proclamée, sombre déjà dans l’anarchie et la guerre civile. Pour le chancelier Otto von Bismarck, c’est l’occasion rêvée pour assoir la supériorité allemande. Il a convoqué le ban et l’arrière-ban de l’aristocratie allemande qui doit acclamer Guillaume Ier de Hohenzollern, empereur des Allemands. En cadeau, on lui a donné l’Alsace-Lorraine. « Le pire jour de ma vie » écrira le nouveau Kaiser qui affirmera qu’on lui a forcé la main. Le Reich est né. Parmi les invités, le prince Charles-Alexandre de Saxe-Weimar-Eisenach, beau-frère de l’empereur. Ami du conteur Hans-Christian Andersen et protecteur de Richard Wagner et de Frantz-Litz, il a offert ses services à Guillaume Ier « en samaritain ». Proche de la social-démocratie naissante, le prince (dont la famille a reçu en récompense le titre de « Grand-duc » en remerciement de son association aux Alliés engagés contre Napoléon en 1815) regarde cette naissance de l’empire allemand avec suspicion.  Et si les Saxe-Weimar-Eisenach toucheront du bout du doigt le trône néerlandais, celui qu’ils occupent sera emporté dans la douleur lors de la chute des aigles en 1918.

Armoiries de Saxe-Weimar-Eisenach« Sans 1871, il n’y aurait jamais eu les deux guerres mondiales pas plus que nous n’aurions connu Hitler ». Le prince Michael de Saxe-Weimar-Eisenach a le regard critique et acerbe sur cet épisode de l’histoire allemande. Interrogé par le quotidien  régional « Thüringer Allgemeine », le chef de la maison grand-ducale accuse la Prusse d’avoir orchestré un désastre au nom de ses ambitions et pour le malheur de l’Europe. Bismarck n’a fait que « réunir tous les extrêmes » en une seule entité. « D'une part, on avait une Bavière très endettée et de l’autre, la Saxe-Weimar qui n’avait aucune dette. Il y avait des princes dégénérés et excentriques alors que nous avions ici des structures étatiques constitutionnelles responsables» explique le prince Michael qui a la mémoire courte. Le dernier souverain de cet état, dont la capitale était Weimar, le prince Guillaume-Ernest (1876-1923), n’était guère apprécié par ses contemporains. « Le grand-duc héréditaire est un petit homme laid et bruyant qui m'a mis mal à l'aise au dîner en parlant à haute voix à travers la table tout cela parce qu'il avait entendu dire que j'étais capable de parler couramment l'allemand, ce qu'il trouvait étrange » écrira  à son propos la reine Emma des Pays-Bas. Le comte Du Monceau le décrit  même comme « particulièrement peu attrayant, petit et plutôt gras ». Jugé trop proche du trône des tulipes, le parlement néerlandais (qui décidément ne l’aime pas) s’empressera de faire voter une loi qui autorise les femmes à monter sur le trône batave.

Grand duc Guillaume ErnestLe prince Michael défend son point de vue. « Le Saxe-Weimar avait une identité démocratique populaire », affirme t-il. « Notre famille a vu  le couronnement impérial de 1871 comme un pas dans la mauvaise direction. L'idée que les États indépendants n'étaient plus viables à cette époque a été simplement absurde. La plupart des États allemands étaient en bonne santé socialement et économiquement » poursuit le prétendant au trône de 74 ans. « Tout ceci n’a été qu’une vaine illusion glorieuse. Il n'y a jamais eu de Grande Nation allemande » explique le prince qui renchérit que cette « idée a pu naître uniquement parce que Napoléon III a été vaincu ». « Nous avons besoin de retrouver notre identité, ainsi que de défendre envers nos propres intérêts et le courage de les représenter » affirme le prince Michael qui ne cache pas qu’il aimerait retrouver son trône. « Si nous avions conservé notre état,  nous n’aurions pas à craindre les tendances extrémistes de gauche ou de droite. Nous avions un système éducatif et social florissant et la population participait démocratiquement aux pouvoirs législatif et exécutif » rappelle le prince Michael qui n'acceptera de réoccuper son château qu’en tant que « premier représentant de son pays » dit-il en riant.

Apparenté à la maison impériale d’Allemagne et souveraine de Hanovre, le prince Michael est 569ème successible à la couronne britannique. Il est né peu de temps après que ses parents aient fuient l’Allemagne envahie par les soviétiques. Officier de la Wehrmacht, son père ne sera pas inquiété et finira ses jours dans le souvenir d’un trône qu’il n’aura pas pu récupérer. Courtier à  New-York entre 1969 et 1970 avant de bouger en Europe du Nord, au Japon et même au Royaume-Uni,  c’est d’ailleurs avec un passeport britannique qu’il visitera pour la première fois son état thuringien annexé à la République démocratique allemande (RDA) en 1972. Avant une seconde visite en 1987. Peu de temps après la chute de Berlin, il réclame ses anciennes propriétés avant finalement d’accepter une indemnisation substantielle qui lui permettra d’acheter 2500 hectares de forêts. Faute d’avoir pu engendrer un garçon, la succession passera lors de son décès à la branche de son cousin, le prince Guillaume-Ernest de Saxe-Weimar-Eisenach, avec lequel il partage la même date de naissance.

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Date de dernière mise à jour : 03/02/2021

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