C’est une saga aux multiples rebondissements. La sortie du livre « Der Kronprinz und die Nazis » (Le prince héritier et les nazis) risque de mettre à mal la défense du prince Georg Friedrich de Prusse, chef de la maison impériale des Hohenzollern qui affirme que sa famille n’a jamais collaboré activement avec le parti du chancelier Adolf Hitler. Depuis des années, le prétendant au trône d’Allemagne tente de récupérer les anciennes propriétés, meubles et objets d’art qui ont appartenu à une dynastie dont le nom reste indissociable de l’unité allemande et de l’histoire de la Première guerre mondiale. Ayant eu accès aux archives de la maison impériale, Lothar Machtan, auteur de cette étude très attendue, a conclu malgré lui à la culpabilité des Hohenzollern dans la montée du nazisme.
Entre les médias allemands et le prince Georg Friedrich de Prusse, une animosité qui perdure. Depuis que ses négociations avec le gouvernement fédéral, portant sur la restitution des anciennes propriétés, meubles et objets d’art ayant appartenu à sa famille, ont été révélées par la presse, le prétendant au trône n’hésite pas à envoyer devant les tribunaux quiconque affirme que les Hohenzollern ont contribué à la montée en puissance du parti nazi. Un enjeu de taille pour le prince impérial qui réclame à Berlin une importante compensation financière que le gouvernement ne souhaite pas lui accorder. Pour de nombreux historiens, comme Stephan Malinowski et Peter Brandt mandatés par l’état du Brandebourg, les preuves de la culpabilité des Hohenzollern ne font aucun doute.
Georg Friedrich de Prusse a bien mis en avant une ligne de défense en présentant de nombreux arguments sur le site officiel de la maison impériale mais cela n’a pas suffi à convaincre ses détracteurs que l’on retrouve au sein des partis de gauche, sociaux-démocrates et écologistes compris. Il a accepté d’ouvrir les archives des Hohenzollern à Lothar Machtan, historien-conférencier connu pour avoir écrit un livre sur la vie sexuelle du chancelier Adolf Hitler et qui a démontré que ses (soi-disant ?) penchants homosexuels auraient eu une influence sur sa vie et sa carrière. Les rapports entre Hitler et les Hohenzollern sont un sujet que maîtrise parfaitement l’historien qui a d’ailleurs remercié le prétendant au trône pour lui avoir permis d’accéder à des « documents inédits ». « Ma principale préoccupation est de clarifier une fois pour toutes à quoi correspond toutes mes demandes » a expliqué l'arrière-arrière-petit-fils de Guillaume II, dernier empereur allemand. « Avec le recul nécessaire, vous pourrez certainement et bientôt dire que l'ère nazie a définitivement affaibli moralement notre famille » a affirmé Georg Friedrich de Prusse qui ne cesse de rappeler que sa famille a participé aux complots visant un renversement du chancelier Hitler (le prince Louis-Ferdinand de Prusse aurait soutenu les comploteurs de 1944).
A la lecture des documents mis à disposition, Lothar Machtan est arrivé à la conclusion que le prince Wilhelm de Prusse, fils du Kaiser, a bien aidé les nazis à s’emparer du pouvoir. « Entre 1931 et 1932, il apparaît qu’il a bien soutenu le futur führer du Troisième Reich » a déclaré à la ZDF cet historien. « Il a été une figure de proue royale pour Hitler » poursuit l’écrivain qui précise que « non seulement, il n'a pas seulement flirté avec les nazis, mais il les a également soutenus. Son frère cadet August Wilhelm (1887-1949) est devenu membre du NSDAP dès le 1er avril 1930 et le Kaiser a été lui-même continuellement en contact avec Hitler ». Toutefois, Lothar Machtan apporte également un degré de nuances et rappelle qu’à cette époque, les Hohenzollern étaient obnubilés par la fin de la république [de Weimar-ndlr] tout comme une partie de la droite conservatrice.
Pour les écologistes, les demandes du prince héritier sont intolérables et à la lecture de ces nouvelles informations, plus rien ne justifie qu’il continue à revendiquer son droit sur les biens dont sa famille a été expropriée en 1945. Pis, dans un communiqué, ils ont fermement condamné la préface signée par le ministre fédéral de l'Économie Peter Altmaier (CDU) , pointant du doigt une collusion entre la droite et les Hohenzollern. Lothar Machtan « doute désormais que les tribunaux vont statuer en faveur des Hohenzollern ». D’après lui, Georg Friedrich de Prusse doit retirer son action en justice ». Il a été d’ailleurs débouté de ses demandes par l’état de Brandebourg qui a exigé du prétendant au trône qu’il cesse ses actions contre les journalistes, prix de la reprise des négociations qui sont gelées.
Hier soir, lors de la présentation du livre de Lothar Machtan, avec « lequel il entretient une amitié en dépit de diverses divergences », devant 200 personnes dont la ministre Social-démocrate (SPD) des Finances, Katrin Lange, le prince impérial a confirmé qu'il avait soutenu la publication de cet ouvrage. Georg Friedrich de Prusse s'est dit « ébranlé par les révélations » selon le Postdamer présent dans la salle et a déclaré qu'il allait devoir, avec l'aide de sa famille, gérer de ce chapitre sombre inhérent aux Hohenzollern ».
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