Réunis en session le 25 mars dernier, les différents partis politiques représentés au sein de la chambre parlementaire berlinoise du Brandebourg se déchirent sur le cas Hohenzollern. Depuis 2014, le chef de la maison impériale, le prince Georg Friedrich de Prusse réclame au gouvernement fédéral et à celui du Brandebourg, les propriétés et objets ayant appartenu à sa famille, nationalisés après 1945. Pour les députés de la coalition de Gauche (sociaux-démocrates et écologistes), attaquée sur ce sujet par la droite et l'extrême-droite, cette affaire doit désormais passer par les tribunaux compétents qui trancheront juridiquement sur les demandes du prince. Le prétendant au trône, lui, espère cependant que l’affaire pourra trouver un règlement à l’amiable et propose de rendre public les négociations en cours.
La coalition rouge-verte qui dirige le Brandebourg entend faire pression sur le prince Georg Friedrich de Prusse. Agacé par les agissements du rejeton impérial et par un combat qui semble anachronique a bien des allemands, les sociaux-démocrates et leurs alliés écologistes ont fait récemment passer une résolution réclamant que l’affaire qui oppose Berlin avec les Hohenzollern passe directement sous la juridiction d’un tribunal compétent. Le Sénat a été appelé dans la foulée à « défendre l'intérêt public et la propriété de ce patrimoine culturel revendiqué et à veiller à ce que les poursuites judiciaires engagées par la [famille Hohenzollern] eux-mêmes aboutissent rapidement ».
Le cas Hohenzollern divise profondément la chambre de Berlin. Robbin Juhnke , député de la CDU (droite), a accusé la coalition de se servir de cette affaire pour mener « une campagne politique » et réclamé qu’une solution à l’amiable soit trouvée afin de sécuriser les objets de collection de la Maison Hohenzollern qui sont entreposés dans les musées. Récemment, le prince Georg Friedrich de Prusse a menacé de les retirer des musées en rappelant que certains n’étaient que des prêts. L’AfD (extrême-droite et premier parti d'opposition) n’a pas caché son irritation et affirmé, non sans une certaine provocation, que « la boîte à mites communiste tentait de susciter de nouveau un ressentiment anti-aristocratique » en Allemagne. Mais pour le député libéral FDP Stefan Förster, les Hohenzollern ont cassé « beaucoup trop de porcelaine » autour d'eux et la « motion votée par la coalition est tout à fait justifiée ».
Face aux blocages, le prétendant au trône d’Allemagne a annoncé être prêt « à faire des concessions et des compromis de grande envergure » comme le note le quotidien Tages Spiegel. « Mon grand-père, le prince Louis Ferdinand, fournissait gratuitement depuis les années 1950 aux musées d'État, de ce qui était alors Berlin-Ouest, d'importants objets d'art provenant de notre collection privée d'art. Je me sens moi aussi attaché à cette tradition » a tenté de rassurer le prince Georg Friedrich de Prusse. Il s'agit « entre autres de régler les problèmes de propriété non résolus depuis 30 ans et qui portent ausi sur 15 000 œuvres d'art » poursuit le descendant du Kaiser Guillaume II. « La question du rôle que mon arrière-grand-père Guillaume, prince de Prusse, ancien prince héritier, a joué dans la phase terminale de la République de Weimar n'est pertinente que pour certaines des œuvres d'art » tente même de se justifier Georg Friedrich de Prusse qui souhaite que ses « compatriotes soient désormais informés de l’avancée des négociations en toute transparence ». Du côté de la coalition, qui estime qu’il est hors de question de les Hohenzollern soient indemnisés en raison de leurs liens avec le national-socialisme, on réclame également que le prince stoppe ses procédures judiciaires contre les journalistes ou historiens qui ont eu le malheur d’associer le nom de sa famille avec les chemises brunes. Pas moins de 80 plaintes déposées par les Hohenzollern depuis 2019 dont une qui a été médiatisée en raison de la victoire du prince impérial devant les tribunaux. A ce jour, chacun continue de camper sur ses positions, accusant l'un de mettre des bâtons dans les roues de l'autre.
Copyright@ Frederic de Natal