La marche des Reichsbürgers, les monarchistes extrémistes allemands

Le 13 octobre dernier, la presse a révélé que la République fédérale avait déjoué un complot dirigé contre ses institutions, organisé par une grand-mère de 75 ans. Monarchiste, surnommée « la comtesse », Elizabeth R. projetait de faire enlever le ministre de la Santé Karl Lauterbach. Chez elle, des écrits compromettants ont été retrouvés, inspirés de ceux des Reichsbürgers, un mouvement qui considère que l’abdication du Kaiser Guillaume II est un coup d’État illégal et qui n’hésite pas à arborer l’aigle des Hohenzollern comme symbole lors de leurs marches. Chef de la dynastie impériale, le prince Georg Friedrich de Prusse condamne pourtant leurs actions.

Classés à l’extrême-droite de l’échiquier politique allemand,  le Reichsbürgerbewegung (« Mouvement des citoyens du Reich ») prend de l’ampleur en Allemagne et inquiète au plus haut sommet de l’État. Bien qu'il soit très hétéroclite et  que ses membres soient très divisés dans leur vision du monde, le mouvement reste néanmoins uni dans sa conviction que le gouvernement actuel est illégitime. Parmi eux, une frange est acquise à l’idée monarchiste. Les Reichsbürgers affirment que l’abolition du Second Reich comme l’abdication du Kaiser Guillaume II (1918) sont toutes deux illégales, reposant sur un coup d’État qui n'a aucune base légitime et populaire. Selon eux, toutes les institutions qui ont suivi après la chute de la monarchie ne peuvent avoir de reconnaissance constitutionnelle et qu’il est du devoir des citoyens de « renverser sans état d'âme la République, même avec violence si nécessaire ». D’ailleurs, on distribue très facilement aux adhérents des (faux) passeports ornés de l’inscription « Reich » dessus.

Il existe un monarchisme résiduel en Allemagne

En septembre 2020, aux côtés de diverses organisations d’extrême-droite, ils ont participé aux marches anti-gouvernementales avant de tenter de prendre vainement le Bundestag. Des images qui ont choqué la majorité des allemands, peu préparés à ces atteintes à leur démocratie. Dans les rangs des manifestants, l’aigle impérial tricolore des Hohenzollern a été arboré. Plusieurs médias et ministres ont accusé la mouvance monarchiste d’avoir été à l’origine de ces émeutes sans autres preuves que les symboles du Second Reich agités par certains Reichsbürgers, « Il existe depuis longtemps un monarchisme résiduel en Allemagne. Environ 10 % des Allemands soutiennent la restauration de la famille royale (un sondage de 2015 évoquent plus de 20%), notamment chez les moins de 34 ans avec près d'un jeune sur cinq favorable à cette idée » rappelle à ce propos  The Spectator.  Le quotidien britannique a publié une récente enquête sur ce mouvement controversé. Pointés du doigt pour leurs idées complotistes en tout genre, on estime leur nombre à à 20 000 personnes, toutes idéologies conservatrices confondues. Il couvre toutes les couches de la société allemande, y compris au sein de l’armée et la police.

Complot pour la restauration de la monarchie, le prétendant au trône condamne

Le 13 octobre 2022, la police fédérale a annoncé avoir déjoué un complot visant à kidnapper le ministre de la Santé Karl Lauterbach, objet de l'irritation des anti-covid. À la tête de cette organisation, Elizabeth R, une grand-mère de 75 ans. Monarchiste convaincue, ancienne enseignante, l’enquête a démontré que les comploteurs avaient projeté de faire sombrer le pays dans le chaos et de déclarer officiellement la restauration de la constitution allemande de 1871, date de fondation du Second Reich. Selon le quotidien The Telegraph, Elizabeth R est l’auteur d’essais affirmant que « l'Allemagne était toujours une monarchie et non une république, que le traité de Versailles qui a mis fin à la Première Guerre mondiale était invalide ». Selon Kerstin Köditz, porte-parole du parti d'extrême gauche Die Linke en Saxe, les « autorités sous-estiment encore le problème de ces monarchistes extrémistes ». La partie monarchiste des Reichsbürgers est, en effet, très active même si elle ne représente pas la majorité des membres du mouvement. Il existe d’ailleurs d'autres groupes monarchistes qui exercent une pression quotidienne afin de convaincre leurs compatriotes de la nécessité de la restauration de la dynastie Hohenzollern sur son trône. Certains sont actifs politiquement et se sont fondus dans des groupes sulfureux ou parlementaires comme l’Alternative für Deutschland (Afd), d’autres ne versent que dans le commémoratif. Tous voient Georg Friedrich, prince de Prusse et arrière-arrière-petit-fils de Guillaume II, comme le seul dirigeant légitime du pays. Ils le soutiennent dans son combat actuel, la réhabilitation de sa famille compromise avec le nazisme durant l’Entre-deux-guerres et sous le Troisième Reich.

Le 10 juin 2021, une centaine de Reichsbürgers se sont présentés devant les grilles du château des Hohenzollern pour l’anniversaire de leur « Empereur ». Une marche qui a fait les titres de la presse locale et provoqué l’agacement du prétendant au trône. À plusieurs reprises, le prince Georg Friedrich a condamné toutes les actions de l’extrême-droite monarchiste allemande se réclamant du nom de sa famille. Au plus fort de la tentative de prise du Bundestag, il a regretté « un amalgame historique » et rappelé qu’il faisait « campagne et veillait à ce que l’histoire allemande soit étudiée de manière neutre, y compris ses côtés sombres, sans que pour autant elle soit instrumentalisée politiquement ». La justice a été saisie, les auteurs de cette marche monarchiste, condamnés pour n'avoir pas déclaré dans les formes cette manifestation.

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Date de dernière mise à jour : 08/11/2022

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