La maison de Hanovre

« Avec mes moyens actuels, une rénovation durable ne peut être réaliséePour ce qui me concerne, la limite de la faisabilité financière a été atteinte ». La fortune des Hanovre ? « Un mythe aujourd’hui ».

Prince Ernest-Auguste (VI) de Hanovre, 2019

 

61A 65 ans, l’enfant terrible du Gotha n’en finit pas de décolérer après son fils aîné. Sa maison cousine avec toutes les familles royales et princières d’Europe et cet héritier d’un duché, qui s’est retrouvé soudainement propulsé sur le trône d’Angleterre au XVIIIème siècle, a fait récemment les principaux titres de la presse spécialisée.  Pour Ernst August von Hannover  (Ernest-Auguste de Hanovre) c’est l’affront de trop. La sanction n’a d’ailleurs pas tardé à tomber.  

 

Ducs, électeurs, rois,  la maison de Hanovre a gravi progressivement tous les échelons de la hiérarchie sociale au sein de l’aristocratie. Situé en plein cœur de la Basse-Saxe, le Hanovre se retrouve soudainement propulsé sur le trône d’Angleterre en 1714, grâce aux joies d’une généalogie complexe. Jusqu’en 1837, date à laquelle Victoria Ière monte sur le trône,  les deux couronnes se retrouvent étroitement mêlées. La loi salique régissant le Hanovre, c’est le 5ème fils du roi Georges III, le prince Ernest-Auguste (1771-1851) qui prend la tête du duché.  Un nouveau chapitre de son histoire va  alors s’écrire tout aussi tumultueux que la vie de ses souverains.

 

C’est un prince ambitieux (on l’accusera de vouloir la mort de sa nièce à diverses reprises et avec qui il entretiendra des rapports conflictueux), anti-catholique (il méprisera toute sa vie les irlandais) qui siège à la chambre des Lords dont il a haute une opinion.  Le chancelier prussien Bismarck va bientôt mettre fin à la condescendance de ces Hanovre qui ont choisi l’Autriche plutôt que l’Allemagne en devenir lors d’une guerre entre les deux puissances en 1866.  Aucune nation étrangère ne viendra au secours d’une famille dont les racines puisent leurs sources dans l’arbre carolingien. Un mariage avec une princesse Hohenzollern, fille du kaiser Guillaume II, achèvera de réconcilier les deux maisons, toutes deux emportées malgré tout par le tourbillon de 1918.

C’est cette morgue familiale que l’on retrouve chez le prince Ernest-auguste (V) sénior. Les nombreux esclandres, qui ont émaillé sa vie jusqu’ici, ont fait la joie de tous les tabloïds. En 2000, il  est surpris en train d’uriner sur le pavillon de la Turquie à l’Expo 2000. Ankara exigera des excuses de Berlin.  Ou encore en 2004, où il se bat à poings nus devant des centaines de touristes sur l’île de Lamu, au Kenya. Ses (prétendues) liaisons extra-conjugales et ses soirées festives le rendent régulièrement persona non grata dans le Gotha. Et son second mariage avec la princesse Caroline de Monaco en 1999, avec qui il aura une fille (Alexandra, 20 ans), n’arrêtera pas ce noceur invétéré. Un parfum de scandale entoure ce prince allemand, dont le nom est déjà terni par la couleur sombre de l’ignominie. Durant de décennies, la famille des Hanovre aura été un des financiers du parti nazi. Ernest-Auguste IIII (1887-1953), le grand-père éponyme de l’actuel prince, n’hésitera pas à arborer l’uniforme du Reich orné d’un brassard à la croix gammée. Un de ses fils intégrera même la Hitlerjugend,  Et c’est parce qu’il fut soupçonné d’avoir participé à un attentat contre le Führer en 1944, qu’une commission de dénazification finira par le laver de tout soupçon.

 

63 1La nationalité britannique récupérée en 1953 (et qui lui permet aujourd’hui de prétendre au trône britannique), le père d’Ernest-Auguste avait tenté pour redorer son image, en vain, de remporter une élection sous l’étiquette de la CDU. Son remariage à la cousine germaine de sa première épouse va être marqué par de fortes dissensions familiales qui forcent l’actuel prince héritier à s’éloigner de son père.

L’histoire semble se répéter aujourd’hui sous le sceau d’une malédiction qui ne dit pas son nom. Avec la réunification allemande (1990), la famille royale de Hanovre redevient l’une des plus fortunées de la république fédérale. Estimée à 250 millions de dollars (soit 222 millions de nos euros actuels), Ernest-Auguste décide de confier ses biens privés (que l’on dit acquis grâce à la politique d’aryanisation  initiée sous le IIIème Reich)  et forestiers en 2004 à son fils aîné qui porte le même nom que lui. Une tradition dans la famille.  Il s’agit de sauvegarder l’intégralité d’une fortune qui s’est considérablement réduite sous les excès en tout genre du prince. On parle alors de 22 millions de dettes.

 

En décembre 2018, le prince Ernest –Auguste Junior, 36 ans,  annonce dans la presse la vente du fief familial, le château de Marienburg.  De style néo-gothique,  le siège romantique des Hanovre avait été acquis en avril 1857. Affirmant ne plus pouvoir palier aux frais de rénovation, il a pris la décision  (avec l’approbation du ministère de la Culture) de le céder au Land de Basse- Saxe pour …un euro symbolique. Pour son père, c’est la « goutte qui fait déborder le vase ». Ayant déjà refusé de reconnaître le mariage de son fils, banquier de son état, avec Ekaterina Malysheva, auquel le Gotha avait pourtant assisté, il met en demeure son fils de lui restituer la présidence de gestion de son patrimoine.

 

66Affirmant pouvoir payer les réparations du château, la réponse en retour de son fils avait été cinglante et mis sur la place publique. Dans un entretien au « Hannoversche Allgemeine » Ernest-Auguste Junior avait déclaré : « C'est fauxAvec mes moyens actuels, une rénovation durable ne peut être réaliséePour ce qui me concerne, la limite de la faisabilité financière a été atteinte ». La fortune des Hanovre ? « Un mythe aujourd’hui »  avait également renchérit  le jeune prince obligé de vendre une partie de sa fabuleuse collection d’art. Et dont une précédente vente aux enchères en 2005 avait servi à payer les dettes de…son père.

Affaibli par une pancréatite qui persiste depuis 2005 et un cancer de la gorge (le prince est un fumeur compulsif), le prince Ernest-Auguste (sénior) entend prendre le dessus de cette querelle familiale qui ne cesse de s’envenimer et qui menace de dégénérer en conflit dynastique. Afin de faire plier son rebelle de fils, le prétendant au trône de la couronne de Hanovre vient d’annoncer qu’il ne reconnaissait plus son nouveau petit-fils comme héritier et successeur légitime de la maison de Hanovre, né il y a quelques semaines, poussant même le vice à lui interdire de porter le nom traditionnel de la dynastie.

 

Si le prince a pour le moment décidé de stopper finalement à la vente du Schloss, le père et le fils semblent désormais irréconciliables. En cas de destitution de son fils pour non-respect des règles de succession, c’est le fils cadet du prince Ernest-Auguste V, Christian, 34 ans, qui serait alors désigné héritier du trône de Hanovre.

 

La maison royale est actuellement soutenue dans ses droits par le mouvement monarchiste Welfenbund  qui compte à peine entre 500 et 1000 membres et sympathisants.  Formé en 1952, il a succédé au parti allemand hanovrien (Deutsch-Hannoversche Partei (DHP) ou parti Welf) qui avait été créé en 1869 afin de soutenir le retour des Hanovre sur leur trône avec une moyenne de 10 députés élus au parlement (au début du siècle dernier).  Conservateur, miné par ses divisions religieuses, il finira par être dissous en 1933.

Il n’a aucun poids dans la vie politique du Land.

Frederic de Natal

Paru le 05/04/2019

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