Georg Friedrich von Preußen répond aux questions de CNN

Georg friedrich von preu en pretendant au tronePerché sur une colline escarpée du Sud de l’Allemagne  le château des Hohenzollern contraste avec la campagne vallonnée qui entoure ce lieu chargé d’histoire. Forteresse médiévale imposante, c’est ici que réside le prince Georg Friedrich von Preußen qui a ouvert  ses portes à la chaîne de télévision américaine CNN et qui a accepté de répondre  aux questions de Scott McLean venu l'interviewer sur l'affaire qui oppose la maison impériale au gouvernement fédéral allemand.

Si l’Allemagne était encore une monarchie, le prince Georg Friedrich von Preußen serait l’actuel Kaiser. Chaque couloir du château respire la gloire passée des grands rois de Prusse. Le prétendant a décidé de recevoir le journaliste américain, Scott McLean , dans l’une des plus grandes salles de cette forteresse vers qui tous les regards sont tournés actuellement. Derrière lui, un gigantesque arbre généalogique qui remonte à la nuit des temps. Un nom retient l’attention, celui du Kronprinz Wilhelm, le fils de Guillaume II, le dernier empereur contraint de renoncer au trône de ses ancêtres en novembre 1918. C’est autour de cette figure que se cristallisent les passions, qui divisent les compatriotes du prince Georg Friedrich von Preußen et qui renvoient les allemands vers les heures les plus sombres de leur histoire contemporaine. Au cœur de ces tensions, la demande de restitution par la famille impériale de leurs biens nationalisés après 1945 et que refuse le gouvernement fédéral sur le simple motif de collaboration des Hohenzollern avec les nazis. Une accusation que récuse Georg Friedrich von Preußen. 

Couronne imperiale creditpatrick junkerlaifL’affaire date de plus d’une décennie mais ce n’est que depuis quelques mois qu’elle fait le titre des quotidiens nationaux et internationaux, non sans avoir provoqué la colère ou l’indignation des allemands qui réfutent tout droit aux Hohenzollern de réclamer quoique ce soit, comme une partie des 10 000 objets d’arts revendiqués répartis dans des musées de part et d’autres des deux anciennes Allemagne ( de l’Ouest et de l’Est), réunifiée après la chute du Mur de Berlin.  «Je considère que c'est mon devoir» déclare  le prince qui accorde ici sa toute première interview télévisée sur le sujet. « Je pense que ma famille se doit  de poursuivre ces revendications, que les juges finissent par statuer en notre faveur ou non » explique le prince impérial.  Au ministère de la Culture, les demandes du prince sont jugées extravagantes. Contacté par la chaîne américaine, un des porte-paroles a regretté cette action en justice qui pourrait déposséder l’état d’objets conservés dans les musées. «Un règlement à l'amiable, en revanche, permettrait probablement d'éviter de longues procédures judiciaires et fournirait une base viable pour une coopération entre la Maison Hohenzollern et les institutions culturelles concernées » a écrit dans un email le porte-parole du ministère de la Culture à CNN.

Kronprinz Guillaume en 1938 (AP)Que pense le prétendant au trône des relations de sa famille avec les Nazis ? Le journaliste lui tend une photo montrant le Kronprinz Wilhelm en tenue nazie, aux côtés de dignitaires du régime hitlérien. A cette époque, le prince impérial s’était engagé à ne pas faire de politique mais son esprit de revanche l’avait emporté et il avait engagé plusieurs membres de sa famille dans le nazisme, espérant un trône que lui faisait miroiter Herr Hitler. «C'est très difficile à regarder», dit le prince Georg. « Ces images sont très fortes. Surtout quand vous voyez la croix gammée sur son bras. Cela vous coupe le souffle, et vous vous demandez: Pourquoi porte-t-il ça ? » répond le prince, gêné. Depuis des mois, ses avocats tentent de convaincre l’opinion, plutôt hostile, du bien-fondé de son action. Pour le prince, la seule collaboration de son arrière-arrière grand–père fut de croire que les nazis l’aideraient à restaurer l’empire défunt. Le prince héritier était motivé par l'idée de récupérer la monarchie ou de revenir sur le trône », a déclaré le prince Georg à propos de son arrière-grand-père. « Il a été également été induit en erreur par l’idée qu’il pourrait lui-même modérer les nazis, du moins au début. Il est vite devenu clair qu'Hitler n'avait pas l'intention de céder le pouvoir à qui que ce soit. Le Daily Mirror a rapporté que le prince héritier était « déçu du changement d'attitude d'Hitler envers la monarchie», bien qu'il ait continué à le soutenir publiquement. Il a pensé que cela pourrait aider à garder les (nazis) sous contrôle et à les conduire (sur une voie différente), ce qui aurait pu être une chance pour notre pays », explique le prince Georg. « Et à en juger avec le recul d’aujourd’hui, on sait qu’il a fait fausse route et on ne peut que le blâmer ».

«Ma famille était considérée comme une menace constante en raison de leur popularité grandissante parmi les allemands. La preuve en est, qu’en 1940, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Potsdam pour pleurer la mort du fils du prince héritier. Ou en 1944, lorsque le secrétaire d'Hitler a échappé à un attentat, n’a-t-il pas dit: « croyez-moi, l’enquête va vite démontrer que celui qui a organisé tout cela n’est nul autre que le prince héritier ». Croyez-moi ce n’était pas le cas et Hitler était devenu paranoïaque. Ce prouve donc qu'il considérait le prince héritier comme une menace, pas un allié » poursuit le prince. « (Le Kronprinz) était dans une position très difficile parce que ... s'il avait montré plus d'opposition, je ne sais pas si je serais assis ici », dit-il, expliquant qu'un oncle éloigné a été envoyé dans un camp de concentration pour cette raison. «À cette époque, le prince héritier n'avait pas l'influence politique nécessaire pour contribuer substantiellement à la montée du régime nazi», renchérit-il encore. Une thèse accréditée par plusieurs historiens qui pose un peil très critique sur le Kronprinz, «  un play-boy détesté des nazis ».

Le prince de prusse parmi ses ancetre credit patrick junkerlaifOutre les milliers d’objets qu’il demande, le prince réclame aussi une compensation financière de deux millions de dollars.  Une maigre somme au regard de la valeur des biens actuels,  «propriétés privées de la famille nationalisées par les communistes qui sera cent fois supérieur à ce que nous demandons » explique un porte-parole des Hohenzollern. « Les autorités de l'État de Berlin ont, quant à elles, simplement déclaré à CNN que « la valeur globale des biens recensés par les Hohenzollern était élevée, mais non quantifiable ». « Je pense qu'il est très important d’avoir la liberté de la presse, car cela fait partie de notre constitution. Et c'est aussi un pilier de notre démocratie. Mais le mensonge ne l'est pas, et c'est la seule chose que nous essayons ici de combattre» explique encore le prince Georg Friedrich von Preußen qui insiste. Il a effectivement attaqué des journalistes au tribunal, non pas pour des articles  diffamatoires mais pour des mensonges historiques sur sa famille. « Nous aurions dû gérer mieux cette affaire » reconnaît-il toutefois. Bloquée de part et d’autre, aucun des deux protagonistes ne semblent vouloir apaiser le débat qui s’est instauré dans la société civile et politique allemande. Ils se sont encore donnés un an pour trouver un terrain d’entente et mettre fin à ce combat anachronique. 

Copyright@Frederic de Natal

Photos courtoisie CNN / Credit: Patrick Junker.  

Interview : https://edition.cnn.com/videos/arts/2020/09/25/interview-with-georg-friedrich-prince-of-prussia-extended-tv.cnn

Date de dernière mise à jour : 27/09/2020

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