L’information est passée très discrètement. Le prince Georg Friedrich de Prusse a été intégré au conseil de la Fondation pour la liberté et la démocratie. Un organisme récemment créé par la docteur Margot Friedländer, ancienne déportée du camp de Theresienstadt. Une nomination qui a eu de quoi surprendre les Allemands alors que plusieurs mouvements politiques n’ont eu de cesse de pointer du doigt la collusion entre les Hohenzollern et les nazis toutes ces dernières années. De quoi signer également la fin d’une longue polémique.
À 101 ans, Margot Friedländer est une survivante de l’holocauste. Née à Berlin de parents de confession juive, lorsque les nazis arrivent au pouvoir, sa famille tente vainement d’émigrer aux États-Unis avant de vivre une véritable tragédie comme des millions d’autres Juifs déportés en masse vers les camps d’extermination. C’est, d’ailleurs, dans l’un d’entre eux que son père va être assassiné, son frère et sa mère emmenés en 1943 vers Auschwitz (dont ils ne reviendront jamais) avant qu’elle-même ne subisse le même sort un an plus tard. Durant des mois, elle a joué « au chat et à la souris » avec les nazis, allant même à se faire transformer le visage. Dénoncée en 1944, elle est internée au camp de Theresienstadt où, entre les barbelés et les humiliations, Margot Friedländer va vivre une histoire d'amour avec son futur époux.
Un Hohenzollern nommé au conseiil d'administration d'une fondation qui combat l'antisémistime
Une fois le camp libéré en 1945, le couple part s’installer aux États-Unis où ils exerceront divers métiers. C’est là que Margot Friedländer va commencer à livrer ses premiers témoignages sur son expérience à travers des conférences puis des livres. Plusieurs fois décorée, un prix porte actuellement son nom et remis à tous ceux qui luttent contre l’antisémitisme, l’exclusion et l’extrême-droite. À l’aube de sa vie, Margot Friedländer a décidé de créer la Fondation pour la liberté et la démocratie. « Je parle au nom de ceux qui ne peuvent plus parler. Pour les 6 millions de personnes - hommes, femmes, enfants, qui ont été tués simplement parce qu'ils étaient Juifs. Et pour des millions d'autres personnes que le régime ne considérait pas comme des êtres humains » a déclaré cette ancienne déportée. « Nous ne pouvons plus changer ce qui s'est passé. Mais cela ne doit plus jamais se reproduire. Plus jamais une seule personne ne devrait être soumise à ce qui a été fait aux gens à l'époque parce qu’ils n'étaient pas reconnus comme des personnes. C'est pourquoi j'ai décidé de créer ma propre fondation qui continuera à témoigner pour les générations futures même sans témoins de cette époque » a annoncé Margot Friedländer. Parmi les cinq membres du cabinet d’administration (lesquels se trouvent l'ancien président fédéral Joachim Gauck et l'ancienne ministre d'État à la Culture Monika Grütters), une surprise : la nomination du prince Georg Friedrich de Prusse, 47 ans, dont la maison impériale est accusée d’avoir participé de près à la montée du nazisme.
Georg Friedrich de Prusse condamne la montée du populisme en Allemagne
Une polémique qui est intervenue lorsque le prétendant au trône d’Allemagne a intenté des procès contre l’État fédéral afin de récupérer les biens et propriétés de sa dynastie nationalisés après la chute du Troisième Reich. Bien qu’il ait longtemps minimisé toute participation des Hohenzollern à des rassemblements nazis ou un financement au parti d'Adolf Hitler, provoquant un vif débat au sein de la société et une levée de boucliers de la part de la gauche allemande, l’arrière-arrière-petit-fils du Kaiser Guillaume II a été finalement contraint de reconnaître que la maison impériale avait eu sa part de responsabilité et qu’elle devait faire amende honorable. « En tant que société, nous devons faire tout notre possible pour que l’antisémitisme et l’hostilité à la démocratie n’aient plus jamais leur place en Allemagne. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y parvenir » a déclaré le prince Georg Friedrich de Prusse sur son site officiel à l'annonce de sa nonimation.
Le prétendant au trône a plusieurs fois condamné les tentatives de putsch organisées récemment par des groupes d’extrême-droite liés à la mouvance monarchiste allemande. De quoi désormais signer la fin d'une longue polémique et réconcilier les Allemands avvec leur Histoire.
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