C’est l’actualité monarchique du moment. Depuis le début du mois de février, le royaume de Thaïlande est secoué par de fortes manifestations estudiantines qui réclament plus de démocratie et une profonde réforme de la monarchie. Sur les réseaux sociaux aussi, la résistance à l’absolutisme du roi Rama X s’est organisée. Créée sur Facebook par l’opposant Pavin Chachavalpongpun, la page « Royalist Marketplace » a rapidement dépassé le million de « followers ». Très critique envers le gouvernement royal, ses publications ont rapidement attiré l’œil des ultra-royalistes qui ont dénoncé ce crime de lèse-majesté virtuel. La monarchie a ordonné au réseau social bien connu de fermer cette page sous peine d’amende. Si Facebook a obtempéré face à la menace financière que lui a fait peser le gouvernement du premier ministre Prayut Chan-o-cha, c’est un bras de fer que son fondateur, Mark Zuckerberg , a décidé d'entamer contre le roi Rama X et qu’il entend poursuivre juridiquement pour « atteinte à la liberté d’expression ». L'arroseur arrosé ?
Professeur associé à l’université de Kyoto (Japon), Pavin Chachavalpongpun ne cache pas son opposition à la monarchie du roi Rama X. Couronné en 2016, le souverain a graduellement mis fin aux principes démocratiques qui régissait le royaume depuis 1932 et avec l’aide de l’élite militaire qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’état en 2014, après avoir mis fin au régime de la famille Shinawatra. Les nombreuses frasques du monarque étalées à la une de la presse internationale et son départ en pleine crise du Covid et économique a mis le feu aux poudres. En ligne de mire des contestations, la loi sur les crimes de lèse –majesté, «l’une des plus draconienne appliquée dans le monde depuis plusieurs siècles », qui punit d’emprisonnement et d’une amende toute personne qui critiquerait l’institution royale ou la dynastie Chakri.
Depuis le Japon, l’extravagant Pavin Chachavalpongpun multiplie les interviews et les articles sur la situation qui prévaut dans le royaume. Il a fondé « Royalist Marketplace » qui a rapidement rassemblé plus d’un million de personnes sur le réseau social Facebook. Se voulant un espace de liberté où chacun pouvait s’exprimer sur le rôle de la monarchie, la page proposait également des pistes de réflexions aux manifestants afin qu’ils relayent des propositions de réformes. Assez pour agacer le gouvernement ultra-royaliste du premier ministre Prayut Chan-o-cha, l’ancien général putschiste, qui décidé de prendre une décision radicale. Le 24 août, la page « Royalist Marketplace » a été promptement fermée par le réseau social après avoir reçu une injonction du palais royal qui a menacé Facebook de lui infliger une amende de 6300 dollars par jours si celui-ci n’obtempérait pas rapidement. Interrogé par « Le Matin », un quotidien suisse, l’opposant a regretté que Facebook se fasse le complice de la « promotion de l’autoritarisme » et «approuve la tactique du gouvernement en matière de censure de l’information». Pour autant, Pavin Chachavalpongpun n’a pas dit son dernier mot. 72 heures après sa suppression, il a remis en ligne une nouvelle page qui a repris 500 000 abonnés en un temps record. C’est de «l’obstruction au processus de démocratisation en Thaïlande, ainsi qu’à la liberté d’expression» s’est plaint le professeur d’académie qui rappelle aussi que le gouvernement a lancé des mandats d’arrêts contre tous les leaders de la contestation.
Connu pour appliquer une censure assez stricte et pudibonde sur tout ce qui contrevient à ses règles d’utilisation, c’est un peu « l’arroseur arrosé » pour Facebook. Son fondateur, Mark Zuckerberg, a très peu apprécié les méthodes du gouvernement royal et a décidé de porter l’affaire devant la cour internationale. de justice « Nous travaillons pour protéger et défendre les droits de tous les internautes et nous nous préparons à contester légalement cette demande » a précisé le porte-parole de Facebook à la presse . L’ONG Human Rights Watch (HRW) y a été aussi de son laïus dans cette affaire. «Facebook devrait combattre les demandes du gouvernement devant toutes les instances possibles pour protéger les droits humains du peuple thaïlandais», a tempêté John Sifton, directeur de HRW pour l’Asie. Face à l’ambassade du Japon, les ultra-royalistes ont manifesté et réclamé que soit extradé Pavin Chachavalpongpun afin qu’il réponde de ses « crimes » contre la monarchie. Pour le gouvernement du roi, une tempête dans un verre d’eau et qui pour justifier leur demande légale, invoque la loi informatique de 2016 que l’opposition juge liberticide de son côté. Un bras de fer entre le géant des réseaux sociaux et la monarchie qui se referme sur elle-même afin d’étouffer toute velléités de révolution. Facebook n’en démord pas et a dénoncé « des actions gouvernementales excessives comme celle-ci qui sapent également sa capacité à investir de manière fiable en Thaïlande, notamment en maintenant un bureau, en protégeant ses employés et en soutenant directement les entreprises qui dépendent de Facebook » a poursuivit le porte-parole du Réseau social.
« Je n'ai jamais pensé que je serais le fondateur du groupe social à la croissance la plus rapide en Thaïlande», a remarqué M. Pavin lors d’une interview. «Je me rends compte que ce ne sont pas seulement les jeunes, mais aussi tous les âges qui me suivent, tant de personnes en Thaïlande qui veulent juste avoir le droit de parler ouvertement de la monarchie» a souhaité préciser celui qui fait désormais l’objet d’une plainte officielle, déposée par le ministre de l’informatique du roi Rama X. Le gouvernement a prévenu publiquement les manifestants d’éviter de s’inscrire ou de suivre son compte comme ceux du journaliste controversé Andrew MacGregor Marshall et du professeur Somsak Jeamteerasakul, qui ne cessent de critiquer la monarchie à tout va sur Facebook.
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