Reine contre noble concubine, la guerre des deux roses du Siam

La noble concubine (gauche) et la reine de Thailande (droite)Ses nombreux mariages et divorces défrayent la chronique depuis des années. Monté sur le trône de Thaïlande en 2016, jamais la vie amoureuse du roi Rama X n’a été autant scrutée et alimenté la presse people qu’aujourd’hui.  Derrière les ors du palais et loin des tumultes qui agitent l’institution royale malmenée par une contestation estudiantine qui perdure depuis des mois, la reine Suthida Bajrasudhabimalalakshana livre un conflit d'un autre temps contre Sineenat Wongvajirapakd, maîtresse en titre du souverain Châkri, répudiée puis restaurée dans ses prérogatives il y a peu. Dernièrement, c’est plus un millier de photos dénudées de la noble concubine qui ont été mis en ligne dans ce qui ressemble fort à un véritable complot organisé par les partisans de la reine. Une guerre des deux roses sur fond de « revenge porn » et dont le seul arbitre reste le monarque crop-top de l’ancien Siam.

Le roi rama x et la reine sudithaA chacun de ses déplacements, réceptions ou événements officiels, le roi Rama X est continuellement accompagné de deux femmes qui le suivent comme son ombre et selon un protocole bien établi. Derrière les sourires obligés, la reine Suthida Bajrasudhabimalalakshana doit accepter de cohabiter avec la maîtresse officielle de son royal époux, la noble concubine («Chao Khun Phra») Sineenat Wongvajirapakd. C’est une véritable guerre que se livrent ces deux roses thaïlandaises autour du souverain Châkri. Pour la reine Suthida, 42 ans, c’est une question de survie. Elle a été, elle-même, la maîtresse de son mari et a réussi à évincer la reine Srirasmi Suwadee, répudiée après avoir été reconnue coupable de malversations avec d'autres membres de sa famille en 2014. L'ascension de la nouvelle reine consort a été fulgurante. Ancienne hôtesse de l’air, elle entre très rapidement dans la couche du souverain qui la couvre de cadeaux en tout genre et de titres. En 2016, elle est élevée au rang de Commandant de la garde royale sans jamais avoir tenu une arme entre ses mains de sa vie. Un an plus tard, elle devient Aide de camp du roi avant que celui-ci ne lui passe la bague au doigt, 3 jours avant son couronnement le 4 mai 2019. Et à la surprise générale. Face à elle, Sineenat Wongvajirapakd dont le visage a été offert aux thaïlandais par le biais de photos rendues publiques par le palais royal, mise en scène dans un avion et en tenue militaire, body aux relents érotiques (le succès avait été tel que le site officiel de la moanrchie avait sauté). Elle a presque une décennie de moins que la reine dont elle entend bien prendre la place. Si cette guerre peut sembler anachronique au commun des mortels, c’est un enjeu de taille qui se cache derrière cette rivalité sournoise.

La noble concubien sineenat wongvajirapakdiIl n'y a pas plus de concubines ni de harem au palais royal de Thaïlande depuis 1921. Le roi Rama VI décide de moderniser son pays, adopte les us et coutumes des monarchies occidentales et relègue dans un aile du palais toutes les femmes de son père qui, peu de temps avant son décès, avait choisi  le principe de primogéniture masculine comme mode de successoin au trône du Siam. Il est vrai aussi que le roi Rama VI était plus porté sur la gente masculine que féminine. Son lointain successeur ne s’embarrasse pas de ces détails encore moins de la constitution qui régit la monarchie thaïlandaise, vieille de trois siècles. Rama X va faire sa révolution et restaure les anciennes pratiques qui,   jadis, ont fait la réputation de cette royauté qui a enflammé tous les fantasmes de l’Europe. Il règne sur 70 millions de sujets et surtout sur le cœur de ses deux femmes encore assez jeunes pour lui donner un enfant. Le roi a déjà eu un fils avec sa troisième épouse, le prince Dipangkorn Rasmijoti, 15 ans. Le seul né durant un de ses mariages officiels mais à la position incertaine d’héritier. Les mauvaises langues affirment même qu'il souffre d'une forme d'autisme et ce qui expliquerait pourquoi il a été soustrait au regard des thaïlandais, enfermé dans un établissement scolaire bavarois, en Allemagne.

Le roi la reine et a leurs pieds la noble concubineEn octobre 2019, la reine Suthida a signé sa première grande victoire dans ce crêpage de chignons royaux. Un communiqué, brutal, annonce que la concubine a perdu son rang et privilège, accusée d’avoir eu une «attitude déloyale» et de tenter de vouloir prendre la place de la reine par «ambition». L’ambiance au palais est glaciale, les détails de l’affaire sont scabreux. Placée à la prison pour femmes de Lat Yao, Sineenat a comploté pour être désignée première reine de Thaïlande lors du couronnement royal. Tous les attachés domestiques à la «Chao Khun Phra» sont limogés et ses proches renvoyés dans leurs quartiers. Une partie d’échec qui va se retourner contre Suthida. C’est en Allemagne, lors d’un des nombreux voyages polémiques du roi que va se tramer la revanche de Sineenat. Convoquée par Rama X dans son hôtel 5 étoiles bavarois et qui a fait affréter un avion pour elle, elle rentre à ses côtés dans le voyage de retour. En août 2020, le palais annonce le plus naturellement du monde que la concubine a été pardonnée et ses titres restaurés (elle a un grade de Major-Général). A la stupéfaction d'un pays plongé au cœur de violentes manifestations estudiantines, qui réclame une réforme de la monarchie et la fin de la loi de crime anti-lèse-majesté. Un camouflet pour la reine qui doit désormais accepter la présence de sa rivale. Pis «Khoi», son surnom, a même le privilège de siéger, assise aux pieds du roi pour des photos officielles. Suthida encaisse cette humiliation sans mot dire. D’ailleurs, le pourrait-elle face à un mari considéré comme un être quasi divin.

Rama x et sudithaChacun avance ses pions . Avantage à la reine Suditha qui remplace la puissante reine Sirikit, la mère du roi qui avait manœuvré avec l’establishment militaire pour imposer son fils sur le trône. Ces dernières semaines, les réseaux sociaux ont été inondés de photos présentant la concubine dans des positions plus que suggestives, en petites tenues ou quasiment nues. Un scandale scabreux qui fragilise Sineenat Wongvajirapakd et qui semble avoir été orchestré depuis le palais afin de limiter son influence auprès du sexagénaire souverain. C’est un opposant en exil à la monarchie, Pavin Chachavalpongpun, qui a reçu une carte SIM contenant 1400 photos piratées du téléphone portable privé de la maîtresse du roi. Il a fallu peu de temps avant qu’elles ne soient étalées sur la place publique à la grande joie des étudiants. Un coup dur pour la monarchie qui a durci le ton face aux contestataires et qui a parallèlement entamé une opération de charme et de reconquête de ses sujets. Le journaliste controversé Andrew MacGregor Marshall, qui voue une haine littérale à la monarchie siamoise, a confirmé lui-même avoir reçu le même nombre de photos sans pouvoir authentifier sa source (l'adresse de retour mentionnant...les services secrets allemands). Il a cependant refusé de les divulguer.  Une enquête a été déclenchée par le gouvernement afin de déterminer l’origine de ce « royal leak », ce crime de lèse-majesté, et qui pourrait signer la chute définitive de l’une des deux épouses du roi Rama X.

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Date de dernière mise à jour : 24/12/2020

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