Premier ministre depuis 2014, le général Prayut Chan-o-cha a dû concéder sa défaite aux dernières élections législatives. Pourtant, malgré son départ, les ultra-royalistes restent dans l’ombre du nouveau gouvernement démocrate qu’ils ont contribué à faire nommer et qu’ils pourraient faire tomber à tout moment.
Lorsqu’il s’empare du pouvoir en septembre 2014, le général Prayut Chan-o-cha met fin à des mois de crise politique qui menace de déstabiliser la monarchie. Il a reçu le soutien du roi Rama IX et celui de la reine Sirikit qui regardent avec méfiance le gouvernement de la Première ministre Yingluck Shinawatra. Un nom de famille qui raisonne comme un symbole de trahison pour les élites proches de l’institution royale etde leurs partisans qui se caractérisent par le port de la chemise jaune, couleur du monarque. Très rapidement, les militaires vont phagocyter tout l’appareil politique et administratif, augmentant considérablement les pouvoirs de la monarchie en renforçant la loi sur les crimes de lèse-majesté (qui devient très répressive) et en se taillant une constitution sur mesure qui permet à Prayut Chan-o-cha de se maintenir à a tête de l’État grâce à des élections controversées (2019).
Un gouvernement ultra-royaliste sous constante pression
Le retour à l’absolutisme (qui avait été abolie lors d’un putsch militaire en 1932) permet aux ultra-royalistes de se déchaîner contre l’opposition dont les principaux leaders partent en exil, pourchassés par les partisans de la monarchie qui n’hésitent pas à se débarrasser de certains. Mais c’est des étudiant que va venir principalement la contestation et les manifestations contre le régime menace de faire sombrer la Thaïlande dans une guerre civile. Afin de regagner le cœur de ses sujets, le nouveau roi Rama X (couronné en 2016) s’engage dans un vaste plan de communication qui fait mouche. Le monarque revient d’ailleurs de loin tant il est auréolé d’une réputation qui ne lui fait pas honneur. Si les manifestations contre le gouvernement finissent par s’essouffler, le pouvoir du général Prayut Chan-o-cha également, obligé de garantir une élection libre à ses partenaires internationaux qui s’inquiètent de la situation dans le royaume. Le début de la fin pour cet officier qui a vécu la pire défaite de sa carrière politique en mai 2023. Le Parti de la Nation thaïe unie, dont il est le leader, n’obtient que 36 sièges au Parlement et à peine 12% des voix aux élections.
Défaits, les monarchistes imposent encore leur calendrier
C’est l’opposition qui remporte les dernières élections législatives. Les partis Aller de l'avant (PKK) et le Pheu Thai (PTP) sont largement les vainqueurs d’un scrutin, qui donne la part belle aux démocrates. Un camouflet pour les ultra-royalistes qui entendent jouer leur dernière carte d’autant qu’ils contrôlent le Sénat. Une institution qui valide la nomination du Premier ministre. C’est ainsi que les partisans de la monarchie vont faire échouer les votes en faveur de Pita Limpjaroenrat, leader du parti Aller de l'avant, qui a pourtant réussi à former une large coalition de mouvements autour de lui. Si le service militaire n’est plus obligatoire, le cannabis quasiment interdit à la vente, le mariage homosexuel autorisé, point négociés pour la formation d’un nouveau gouvernement, la nouvelle coalition refuse finalement de ne pas toucher à la loi sur les crimes de lèse-majesté. Bête noire des monarchistes, Pita Limpjaroenra se retrouve subitement accusé de corruption et d’avoir tenté de mettre en place une République grâce à un mystérieux projet secret étalé à la une de la presse. Il est immédiatement suspendu de son mandat de député. C’est finalement un membre du PTP, Srettha Thavisin, qui est choisi avec l’accord des monarchistes qui reussissent à imposer deux partis à leur solde au sein d’une vaste coalition gouvernementale plus qu’hétéroclite. Une ironie de l’Histoire quand on sait que le PTP est dirigé par la fille de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra (2005-2010), lui-même renversé par un putsch. Un exilé qui refait soudainement son apparition. À peine arrivé en Thaïlande après 15 ans de vie à l'étranger, il est arrêté et emprisonné par le gouvernement de Prayut Chan-o-cha encore en place (il attend de recevoir une grâce royale). La boucle est bouclée. Les ultra-royalistes demeurent encore ceux qui dirigent le pays derrière les teintures du palais qui vient de s’acheter une tranquillité royale alors que des rumeurs de changement de succession au trône ont secoué le royaume durant tout le temps des négociations.
Lors de sa réunion d'adieu au ministère de la Défense, le général Prayut a exprimé sa gratitude aux commandants qui l'ont soutenu tout au long de son mandat de huit ans. Il les a exhortés à sauvegarder la nation, son peuple et les piliers fondamentaux de la Thaïlande : la nation, la religion et la monarchie. Il a également souligné l'importance pour les hauts responsables militaires et policiers de veiller au bien-être et aux avantages sociaux de leur personnel subalterne. Message subliminal adressé au nouveau Premier ministre Srettha Thavisin qui a une marge de manœuvre réduite et qui, au moindre faux pas, sait que les ultra-royalistes n’hésiteront pas à le faire tomber de son siège afin de préserver la monarchie et leurs privilèges.
DR@Frederic de Natal
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