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La monarchie thaïlandaise à l’épreuve de la démocratie

C’est une défaite cinglante pour l’élite militaro-aristocratique. Les dernières élections législatives ont mis fin à l’hégémonie des ultra-royalistes arrivés au pouvoir lors d’un putsch. L’opposition doit désormais s’unir afin de mettre en place un gouvernement de coalition qui devrait s’empresser de mettre fin à des lois controversées comme celle concernant le crime de lèse-majesté. À moins que l’armée n‘intervienne une nouvelle fois et ne mette un frein à cet élan démocratique.

Le soir du 14 mai 2023, le plat principal inscrit sur le menu du Parti de la Nation thaïe unie s'est résumé à une simple « soupe à la grimace ». Avec à peine 36 sièges, le Premier ministre Prayut Chan-O-Chan a enregistré une défaite sans précédent depuis son coup d'État de 2014. Alors général de l’armée, il avait mis fin au chaos politique qui régnait depuis des mois dans cette monarchie de l’Asie du Sud-Est. Soutenu par l’élite aristocratique, le prince héritier (futur Rama X), et la reine-mère Sirikit, Prayut Chan-O-Chan avait rapidement renforcé les pouvoirs de l’institution royale avant de se faire légitimer cinq ans plus tard lors d’un scrutin électoral controversé. Appuyé par les ultra-royalistes, l’ex-putschiste avait même élargi l’arsenal judiciaire, notamment la loi sur le crime de lèse-majesté, afin de réduire au silence l’opposition. Un régime autoritaire qui avait provoqué d’importantes manifestations estudiantines durant deux ans sans pouvoir réellement éteindre la moindre étincelle de cette contestation inédite. La voix populaire a fini par parler et désavouer un pouvoir fortement décrié sur la scène internationale.

Un monarque controversé aux pouvoirs renforcés

L’opposition peut crier victoire. C’est une véritable revanche pour tous ceux qui ont été emprisonnés pour avoir juste critiqué le roi Rama X sur les réseaux sociaux. Parfois sur de simples dénonciations ou de présomptions. Un monarque considéré comme un demi-dieu par les Thaïlandais et monté sur le trône en 2016 après le décès de son charismatique père du même nom. Une vie débridée marquée par de nombreuses maîtresses, répudiées selon le bon vouloir du prince, une fortune considérable basée sur des soupçons de corruption, un désir de revenir à l’absolutisme (pourtant aboli lors d’un coup d’État militaire en 1932 avec l’accord du roi Rama VII, sauvant ainsi l’institution royale), un dirigeant excentrique guère préoccupé par la politique et souvent absent du pays.., tels sont les qualificatifs qui reviennent souvent lorsque la presse internationale évoque le souverain né au sein de la dynastie Chakri.

Une opposition victorieuse, une armée tapie dans l'ombre

Fondé sur les cendres du parti Phueng Luang, dissous par le gouvernement en 2019, Move Forward (Aller de l’avant) est le grand vainqueur de cette élection. Avec 152 sièges, les démocrates s’assurent de pouvoir gouverner le royaume et de reléguer Prayut Chan-O-Chan aux oubliettes de l’Histoire. Le parti est dirigé par Pita Limjaroenrat, fringant quadragénaire, proche des mouvements étudiants. Tête de pont de l’industrie familiale qu’il a redressé alors qu’elle était au bord de la faillite, il a su capitaliser la colère de toute une génération sur son nom et son programme qui se veut inclusif (légalisation du cannabis à des fins récréatives, dépénalisation de l’avortement, mariage pour tous… autant de propositions qui ont séduit une jeunesse enfermée dans le carcan traditionnel). Derrière lui, le parti Pheu Thai de Paethongtarn Shinawatra. Fille de Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre de 2001 à 2005, et nièce de Yingluck Shinawatra, Premier ministre de 2011 à 2014, tous deux renversés par les militaires qui soupçonnaient cette richissime dynastie financière de vouloir mettre en place une république, son parti a obtenu 141 sièges.

Avec l'aide de partis mineurs, les deux partis de centre-gauche se sont déjà entendus pour former une solide coalition capable de diriger la Thaïlande. Rien n’est toutefois joué pour l’opposition, le Sénat restant encore entre les mains du Premier ministre Prayut Chan-O-Chan. Un militaire qui conserve des soutiens et qui pourrait être tenté d’empêcher l’opposition d’accéder à la primature. Dans un communiqué, la nouvelle coalition a déclaré que l'instutution monarchique ne ferait pas l'objet d'une remise en cause ni celui du statut du monarque. Une nouvelle Constitution devrait cependant être adoptée  prochainement ainsi qu'une réforme sur la  loi sur les crimes de lèse-majesté. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 25/05/2023

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