La monarchie durcit le ton face aux manifestants

Le cortège royal conspué, c’est le crime de lèse-majesté de trop. La monarchie thaïlandaise a décidé de durcir le ton face aux manifestants. Les leaders de la contestation pro-démocratie arrêtés, les rassemblements de plus de cinq personnes interdits et l’état d’urgence proclamé sur l’ensemble du royaume. Les rumeurs d'un coup d'état étant de plus en plus en fortes, c'est un tour de vis qui vise à mettre fin à des mois de manifestations estudiantines qui n’ont pas hésité à remettre en cause l’institution royale du roi Rama X. 

« Je protégerai et développerai l'armée pour qu'elle soit une institution clé de sécurité qui soutient la nation et le trône ». Début octobre, le général Narongpan Jittkaewtae avait promis publiquement de défendre la monarchie. Nommé nouveau Chef d'État-major, l'officier de 57 ans est un proche du roi Maha Vajiralongkorn ( Rama X)  et c'est désormais sur ses épaules que reposent la stabilité de l'institution royale malmenée depuis des mois par des manifestations pro-démocraties qui réclament de nouvelles élections transparentes et la fin de l'autoritarisme royal. Dans un pays qui a connu une quinzaine de coup d’état et contre coup d’états depuis 1932, toute nomination de gradés au sein de l’armée royale de Thaïlande est analysée avec  détails par les spécialistes de la monarchie. En promouvant le général Narongpan Jittkaewtae, Rama X s’est assuré ainsi de la fidélité de l’armée qui ne lui a pas fait défaut jusqu’ici

« À bas la dictature », « Prayut dehors » et « Vive la démocratie ». Mercredi 14 octobre, lors du passage de la rolls royce beige de la reine Suthida, accompagnée du prince héritier Dipangkorn Rasmijot, les étudiants ont conspué le cortège royal qui traversait la capitale Bangkok. Les policiers ont eu toutes les peines du monde à contenir la foule derrière un cordon de sécurité alors que les manifestants scandaient de plus en plus fort: «Rendez-nous l’argent des impôts!». Un geste de défiance de trop pour la monarchie qui a décidé de proclamer l’état d’urgence et d’interdire tous rassemblements de plus de cinq personnes. Rapidement, les leaders de la contestation ont été arrêtés comme la très populaire Rung, de son vrai nom Panusaya Sithijirawattanakul, une étudiante de 20 ans devenue la figure de répoue et la porte-parole des pro-démocraties dont le gouvernement accuse d'être manipulés par la famille des Shinawatra, la bête noire de l'armée. La police n’a pas tardé à identifier ceux qui avaient osé insulter la souveraine, plus de 20 personnes désormais derrière les barreaux depuis hier soir. Un tour de vis qui annonce la fin de partie pour les pro-démocraties, dont la symbolique emprunte beaucoup à des films tels que Harry Potter ou Hunger Games, priés de rentrer chez eux et de reprendre leurs études. L’ombre de la répression de 1976 plane au-dessus de la contestation. «Le succès du hashtag #republicofthailand, partagé 740 000 fois en une demi-journée fin septembre», sur les réseaux sociaux a mobilisé les partisans du roi, nous indique le journal « Le Monde », qui ont organisé des manifestations de soutien au monarque. Toute information diffusée pouvant mettre en danger « la sécurité nationale » est interdite, les comptes Facebook ou Twitter des opposants dans le viseur des ultra-royalistes, fer de lance de la monarchie, qui n'ont pas hésité à déclarer qu'ils empêcheraient par la force toute tentative de réforme de la monarchie.

La manifestation violente, qui a secoué la capitale ce jeudi, n'exclue pas la possibilité d'un nouveau coup d'État militaire ultra-royaliste. Il pourrait être conduit par le général Apirat Kongsompong, un des piliers de la monarchie et lui-même fils d'un autre putschiste, le général unthorn Kongsompon qui avait renversé le gouvernement du Premier ministre Chatichai Choonhavan en 1991. Formé aux Etats-Unis, l'homme est viscéralement anti-communiste et ne cache pas son irritation sur la situation actuelle qui prévaut dans le royaume. Il s’agit pour le général Apirat Kongsompong, de sauver la monarchie qui se dirige vers un retour à un régime absolutiste. Ironie de l’histoire quand son sait que ce sont ces mêmes militaires qui avaient mis fin  à l'absolutisme au cours de la première moitié du XXème siècle afin de contraindre le souverain de l’époque à devenir un simple monarque constitutionnel. D'ailleurs, Apirat Kongsompong a joué lui-même un rôle non négligeable dans la répression des chemises rouges, les partisans des Shinawatra, en 2010. Il est désormais le Grand Chamberlain du souverain qui le garde près de lui et en a fait son principal joker face au Premier ministre et ex-général Prayuth Chan-ocha qui pourrait céder le pouvoir sous peu si le roi Rama X le lui ordonne. 

Copyright@Frederic de Natal

 

Date de dernière mise à jour : 16/10/2020

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