Google censure les ultra-royalistes thaïlandais

Ultra-royalistes thaïlandaisDepuis le renforcement de la loi de crime de lèse-majesté, il n’est plus question de badiner avec l’image de la monarchie thaïlandaise. Autoproclamés gardiens de la souveraineté royale, les groupes ultra-royalistes ont mis en place une nébuleuse efficace, chargée de chasser et dénoncer toutes personnes critiquant le roi Rama X et sa famille. Dernièrement, c’est une carte de géolocalisation qui a été créée sur Google Maps avec les noms et adresses personnelles des opposants à la monarchie avant que le géant de l’internet ne réagisse et censure immédiatement ceux qui font régner une « Terreur blanche » dans l’ancien Siam.

ELe roi Rama X parmi ses partisanslle est devenue une véritable arme politique. Créée au début du siècle dernier, la loi de crime de lèse-majesté, qui protège la famille royale de Thaïlande,  a été renforcée en 2014 lors du coup d’état qui a porté au pouvoir le commandant Prayuth Chan-ocha, actuel Premier ministre d’un gouvernement ultra-royaliste. Désormais, toutes personnes critiquant ouvertement le roi Rama X ou un membre de la dynastie encourt une forte amende et une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison ferme. Dans tout le pays, de nombreux groupes ou associations de défense de la monarchie se sont formés et traquent sans répits le moindre contestataire dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Parmi eux, le notoirement connu et ancien capitaine de l’armée royale, Songklod « Pukem » Chuenchoopol qui n’a pas hésité à monter une équipe d’une centaine de personnes, spécialisée dans le pistage des chemises rouges (partisans des Shinawatras, une famille de magnats industriels qui a donné deux Premier ministres à la Thaïlande, renversés tour à tour par les militaires) ou des étudiants qui contestent le régime en place, issu d’élections controversées. 

Pro-démocratie en ThailandeSi jusqu’ici les ultra-royalistes se contentaient de dénoncer des profils pris sur Facebook ou d’envoyer les photos des contestataires les plus virulents à la police, c’est un virage drastique qu’ils ont pris récemment, agacés par une opposition de plus en plus active sur les réseaux sociaux et qui compte parmi leurs soutiens, un ancien journaliste (Andrew MacGregor Marshall) qui, par haine personnelle de cettemonarchie, en a perdu toute déontologie. En publiant deux cartes sur Google Maps, permettant de géo-localiser les noms et adresses des anti-monarchistes, près de 500 personnes, dont principalement des étudiants, les partisans de la monarchie ont mis en colère le géant de l’internet qui a rapidement supprimé les documents incriminés, vus par moins de 400 000 personnes. Pis ce sont même les visages des opposants tagués du chiffre 112 (numéro de l’article concernant les crimes de Lèse –majesté) qui ont été également mis en ligne afin de mieux les répertorier et les signaler aux autorités très promptes à agir dans ce cas-là. Une « Terreur blanche » qui a fait déjà des dizaines de victimes, certaines retrouvées noyées à la frontière avec le Laos.  Contacté, Songklod « Pukem » Chuenchoopol a nié avoir orchestré « une  chasse aux sorcière ». Interrogé par Reuters, il a déclaré que « les cartes avaient conçues, avant tout,  pour dissuader les autres de critiquer la monarchie sur Internet » et au nom «  d’une guerre psycologique » qu’il entend mener. Une opposition qualifiée de «  maladie plus difficile à soigner que le Covid-19 » par l’ex-chef de l’armée, le général Apirat Kongsompong , qui la soupçonne de vouloir instaurer une république dans le pays. 

Logo de Google à New York« Le problème est maintenant résolu », a déclaré Google dans un communiqué officiel et qui rappelle qu’il a une « politique claire sur ce qui est acceptable pour le contenu My Maps généré par les utilisateurs ». « Nous supprimons les cartes générées par les utilisateurs qui enfreignent nos politiques » a précisé cette puissance du web qui a décidé de censurer la parole des ultra-royalistes et qui se place aux côtés de Facebook, ce membre des GAFA qui a lui-même refusé de bloquer des groupes d’opposition en dépit des exigences du gouvernement thaïlandais. Les ultra-royalistes n’en démordent pas pour autant. « La monarchie est la clé de voûte de notre système : supprimez-la et c’est la guerre civile ! » a affirmé à la presse l’ancien député Warong Dechgitvigrom et leader du Thai Pakdee (« Thaïlandais loyaux »), qui porte en toutes circonstances, le jaune, la couleur des partisans de la monarchie. Une institution qui n’a désormais plus rien de constitutionnelle.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 01/07/2021

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