Le coronavirus, tombeur de la monarchie thaïlandaise ?

C’est le hashtag de toutes les colères sur les réseaux sociaux de l’ancien royaume de Siam. #Aquoisertleroi ? (#?????????????????) a été repris par un million de thaïlandais, irrités d’apprendre que le roi Rama X Vajiralongkorn, avait préféré partir en Allemagne, accompagné de sa cour, alors que le royaume enregistre ses premiers cas de coronavirus covid-19 et que l'état d'urgence a été mis en place. Depuis la montée sur le trône le 1er décembre 2016, la monarchie est régulièrement sous le feu des critiques et remise en cause par un mouvement étudiant qui reproche au monarque d’avoir réinstauré progressivement l’absolutisme, pourtant aboli en 1932.

King10 07Mais à quoi sert-il d’avoir un roi ? C’est la question qui a été posée sous la forme d’un hashtag par les thaïlandais. Dans un pays où critiquer le monarque peut vous conduire directement en prison, le succès a été au rendez-vous sur les réseaux sociaux. L’arrivée en Allemagne du roi Rama X a été le signal de cette rébellion virtuelle qui menace de se transformer en vaste mouvement anti-monarchique. Des tensions qui se sont accrues depuis que la junte militaire, au pouvoir depuis 2014 et qui s’est achetée des vêtements civils lors de la dernière élection législative, a ordonné la dissolution du principal parti d’opposition, le Parti du nouvel avenir, pour violation sur la loi de financement.

Entre deux frasques conjugales, largement médiatisées, où dernièrement le royaume a pu suivre les rivalités entre la reine Suthida et la concubine du roi, Sineenat Wongvajirapakdi (finalement destituée et sous résidence surveillée), le roi Rama X a concentré entre ses mains une large partie des pouvoirs régaliens dont sa dynastie avait été privée par un coup d’état en 1932. Symbolisée par une plaque en bronze dans le centre de la capitale, Bangkok, elle a subitement disparue en mai 2017, volée par les ultra-royalistes qui n’hésitent pas à pourchasser les opposants. Jusqu’en dans les pays étrangers où ils sont exilés. En février 2019, le corps deux dissidents anti-monarchie, condamnés pour crime de lèse-majesté, un arsenal juridique qui a été considérablement renforcé, ont été retrouvés flottant le long du Mékong, au Laos. Une monarchie qui refuse tout retour de la démocratie réclamé par les étudiants, principaux fer de lance de la contestation et qui estiment que les militaires ont truqué les élections. Même au sein de la maison royale, hors de question de challenger le général Prayut Chan-o-cha, soutien inconditionnel du souverain. La sœur de Rama X, la princesse Ubolratana Rajakanya, en fait les frais lors du dernier scrutin électoral. Investie par le parti Thai Raksa Chart, proche de l’ancienne famille Shinawatra, bête noire des ultra –royalistes, elle a été promptement rappelée à l’ordre et obligée de venir faire amende honorable, en rampant à terre, devant le monarque. La police thaïlandaise a d’ailleurs solennellement averti les étudiants des conséquences auxquelles ils pourraient faire face s'ils continuent à manifester contre le gouvernement. «Ils doivent faire attention à ne pas violer les lois, et ils ne doivent pas toucher à la monarchie ", a déclaré le colonel Kissana Phathacharoen. «Permettez-moi d'insister sur le fait que la police ne combat personne. Nous combattons des gens qui enfreignent les lois» a-t-il ajouté très fermement. Et c’est encore sans compter le soulèvement musulman dans le Sud marqué par des attentats terroristes et l’arrivée sur son sol d’organisations panturques comme les « Loup Gris », Daech ou encore celle qui défendent le droits à l’autodétermination des Ouïghours qui fragilisent encore plus cette partie de l'Asie.

C’est au Grand Hotel Sonnenbichl, une station bavaroise de ski quatre étoiles, privatisé pour l’occasion, que le roi et sa suite, qualifiée à tort de «harem» par certains médias, se sont installés. Un voyage qui passe désormais mal en Thaïlande alors que le pays fait face au coronavirus covid-19 et que l’état d’urgence a été décrété. Étrange déplacement d’un souverain, considéré comme un demi-dieu, que rien ne semble effrayer alors que l’Allemagne elle-même a dû mettre en place des mesures drastiques afin d’enrayer la pandémie sur son sol. Sur les réseaux sociaux, des billets de banque ont été mis en ligne où on peut voir le roi défiguré par des croix. Sur Twitter, le ministre de l’économie digitale a averti les « rebelles » en rappelant que la loi serait strictement appliquée et en illustrant ses menaces par le dessin d'une main coupée au-dessus d’un clavier.

Avec un millier de cas recensés dans le royaume, le gouvernement royal a décidé que dès aujourd’hui, « toutes les lois seraient « sous l'autorité du Premier ministre», a déclaré Prayut Chan-O-Cha au cours d’une allocution télévisée. La monarchie thaïlandaise a désormais tout pouvoir pour interdire tout rassemblement illégal, de censurer les médias ou même couper les accès internet en cas de diffusion de fausses nouvelles. Alors que la colère gronde dans le pays, Rama X, lui, continue de profiter de ses somptueuses vacances.

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Date de dernière mise à jour : 25/03/2020

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