Le roi Gyanendra Shah prépare-t-il un coup d’état ?

Gyanendra shahLa récente découverte d’un supposé «complot» au sein du Crowne Plaza Kathmandu-Soaltee a mis en émoi tout le gouvernement népalais de la coalition marxiste. L’affaire aurait pu passer inaperçu si l’hôtel n’était pas la propriété du roi Gyanendra Shah. Une enquête a été ouverte et la presse népalaise se demande désormais si l’ancien monarque, qui demeure actuellement silencieux sur le sujet, n’aurait pas préparé un coup d’état contre la république fédérale des neiges éternelles.

Il n’a jamais caché sa volonté de remonter sur un trône dont il a été déchu par deux fois. Gyanendra Shah, ancien monarque du Népal, demeure une épine dans le pied du gouvernement actuel. Multipliant les actions politiques et les communiqués, le descendant de Prithvi Narayan Shah ne cache pas son animosité contre la  coalition marxiste qu’il ne se lasse pas de critiquer. Ses tours dans le pays, ces derniers mois, ont pris l’allure de véritables plébiscite en faveur de la monarchie (une sortie en boîte de nuit a même provoqué le buzz et des centaines de selfies ou vidéos avec le roi, partagés sur les réseaux sociaux du pays ont connu un vif succès), drainant derrière lui des milliers de népalais, nostalgiques de la monarchie défunte, nationalistes ou autres déçus d’un gouvernement qui peine à rétablir l’ordre et faire redémarrer une économie dépendante de l’Inde et de la Chine voisines. Deux pays qui se battent pour influer sur la politique locale. Du côté de New Delhi, on ne verrait d’ailleurs pas d’un mauvais œil le retour du roi déchu (le premier ministre de la province frontalière de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, a reçu en grandes pompes le roi) tandis que Pékin tente de maintenir par tous les moyens ses alliés au pouvoir ou de changer ses pions quand ceux-ci ne suivent pas ses directives. Une ingérence que dénonce régulièrement le parti royaliste, le Rastriya Prajatantra Party Nepal (Parti national démocratique ou RPP) dirigé par Kamal Thapa, un homme qui a joué plus d’une fois les «faiseurs de rois»  depuis la chute de l’ancien régime.

«Crowne plaza kathmandu soalteeLa monarchie a été abolie dans le pays. Nous avons un président et un vice-président élus, et il est anormal que Shah soit encore appelé «Son Altesse Royale, le Roi». Cela revient à manquer de respect de la nouvelle constitution» s’est plaint le ministre du développement urbain, Mohammad Istiyak Rai. Plus d’une fois, le gouvernement a menacé de dissoudre les mouvements royalistes et de traîner le roi derrière le tribunals’il ne cessait pas ses prises de positions, l’accusant d’avoir été la main derrière le prince héritier Dipendra qui a assassiné au fusil-mitrailleur toute sa famille et permis le retour de Gyanendra sur son trône en 2001. En vain.  Mais alors, que s’est–il réellement passé au Crowne Plaza Kathmandu-Soaltee pour que le gouvernement s’émeuve de la situation qui règne dans cet hôtel, propriété de la maison royale Bir Bikram Shah Dev.

Nostalgiques de la monarchie nepalaiseOfficiers du renseignement népalais (RAW), soldats et même membres du staff de l’hôtel seraient dans le collimateur de la justice fédérale qui se demande à quelles activités cet ensemble hôtelier de luxe se livre-t-il ? Selon le gouvernement, des activités illégales, laissant penser à une préparation de coup d’état, se trameraient derrière les salons feutrés des restaurants du Crowne Plaza Kathmandu-Soaltee. Toujours selon celui-ci, des caisses d’armes auraient transité et auraient été amenées dans ce complexe qui est sous la gestion du roi Gyanendra. Si le souverain préfère demeurer silencieux vis-à-vis de cette affaire, il en a fallu peu pour que le gouvernement de coalition suspecte le roi de collusion avec les dits comploteurs. Plus des suspicions que des preuves d’ailleurs tant toute l’affaire est très nébuleuse. «Le roi Gyanendra Shah ne se prononce pas sur les activités anti-nationales qui se jouent dans hôtel mais nous savons qu’il tient au retour de la monarchie par tous les moyens» a déclaré à la presse le responsable du département national des enquêtes et qui traduit le sentiment de fébrilité dans lequel se noie le gouvernement. Le 30 juin, le premier ministre KP Sharma Oli a même dénoncé publiquement un complot organisé par l’Inde après que des tensions aient éclaté sur un différend frontalier, irritant fortement les royalistes du RPP.

Le roi Gyanendra parmi ses fidèlesUn pouvoir qui se méfie de cette unité de renseignements fondée durant le règne du roi Birendra Shah et qui a contribué à mettre fin à la monarchie absolue pour la remplacer par son alter-égo constitutionnelle dans les années 1990, avec l’appui de l’Inde. D’autant que le directeur de l’hôtel, Upal Majumdar, est lui-même un ancien de cette formation militaire aux nombreuses ramifications. Lors de son arrivée au pouvoir, le parti communiste avait rapidement épuré tout ce que l’armée comptait de royalistes dans son état-major avant de les remplacer par d’anciens guérilleros. Le gouvernement se demande également pourquoi le directeur de cet hôtel continue à percevoir un salaire d’un million de roupies alors que l’établissement est fermé pour cause de covid- 19. Selon un employé du Crowne Plaza Kathmandu-Soaltee, «il y a un grand nombre de commandos de la garde nationale qui circulent à l'intérieur de l'hôtel depuis sa fermeture». De quoi alimenter les rumeurs relayées par une presse divisée mais qui demeure attentiste sur les résultats de cette enquête qui pourrait acoucher d'une souris et peu inquiéter le roi Gyanendra qui semble préparer tranquillement son retour.

Un activisme monarchique qui est régulièrement à la une de la presse népalaise. En mai dernier le gouvernement a tenté de retirer tous ses privilèges au souverain afin de l’empêcher de venir à Katmandou mais la pression des médias et des réseaux sociaux a été-t-elle que le ministre de l’Intérieur a dû revenir sur sa décision.  «Etant donné que tous les autres partis ont déjà été testé, la meilleure option que le Népal puisse espérer désormais est le rétablissement de la monarchie» a déclaré dans la foulée le roi Gyanendra shah, véritable état dans l’état. Face aux incertitudes de la politique népalaise, un gouvernement qui pourrait chuter dans les jours qui arrivent et conduire à de nouvelles élections législatives (le pays a déjà connu 10 premiers différents depuis l’instauration de la république en 2008), à défaut de urnes, la restauration de la monarchie passera-t-elle par un putsch orchestré par les royalistes et l'armée, avec le consentement de partis politiques, afin de mettre fin à l’anarchie qui règne dans le pays des neiges éternelles ? Seul l’avenir donnera une réponse à cette question qui brûle les lèvres des népalais.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 07/07/2020

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