Le roi Gyanendra Shah, bientôt de retour…sur son trône ?

Le roi Gyanendra acclame« Les Népalais souffrent d’être devenus des orphelins qui n’ont plus leur père légitime pour les guider ». Le roi Gyanendra Shah est-il sur le point de remonter sur son trône pour la troisième fois consécutive ?  C’est désormais la question qui brûle les lèvres de tous les népalais. L’arrivée du roi Gyanendra Shah dans la ville de Jhapa afin d’y rencontrer les leaders des différents mouvements royalistes et la multiplication des manifestations en faveur de la restauration de la monarchie alimentent en continu tous les médias locaux depuis la chute du gouvernement de la coalition marxiste. Des communistes qui accusent l’Inde voisine de comploter contre la république fédérale. Enquête. 

Couronnement de gyanendra shahC’est une guerre contre le temps qui vient de débuter au Népal. Devenus une force extra-parlementaire depuis les dernières élections législatives de 2017 et après avoir réussi à revenir au pouvoir deux fois de suite depuis la chute de la monarchie en 2008, les royalistes ont réussi à faire tomber de nouveau le gouvernement de la coalition marxiste, minée par des divisions internes. Afin d’éviter une motion de censure, le Premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli a annoncé la tenue d’élections anticipées alors que les manifestations en faveur de la restauration de la monarchie se sont multipliées ces dernières semaines. Katmandou, la capitale,  n’a pas été épargnée par cette résurgence monarchiste qui pourrait amener à court terme le retour du roi Gyanendra Shah. L’arrivée du souverain à Jhapa, un fief détenu par les communistes, a été largement commentée par la presse népalaise qui a publié les premières photos du retour au Népal de Gyanendra Shah. Selon les journalistes, le monarque devrait entamer un nouveau tour dans l’Est du pays où il devrait rencontrer les principaux leaders des partis royalistes qui ont fusionné en mars 2020.

Monté sur le trône du Népal en 2001, Gyanendra a fini par développer un pouvoir quasi personnel qui lui a fait perdre progressivement son principal soutien à sa monarchie, le Congrès Népalais. Lequel a fini par s’entendre avec la rébellion communiste pour mettre fin au règne du souverain que certains accusent d’avoir été la main derrière le massacre de la famille royale par ( l' éphémère roi) Dipendra. Un prince héritier dont les parents refusaient de lui accorder la main d’une membre de la famille Rana. Une dynastie de Premiers ministres qui a dirigé cet état himalayen héréditairement durant un siècle, de 1857 à 1951 avant que l’Inde ne finisse par intervenir militairement et restaurer dans ses droits le roi Mahendra, père de Gyanendra. Celui-ci avait été alors couronné roi à peine âgé de 3 ans. Une expérience vécue comme un traumatisme par Gyanendra qui en a gardé une vieille rancune contre sa famille et qui n’a jamais accepté la fin de la monarchie absolue en 1990.

Les royalistes reclament le retour du roi le 27 decembre 2020Hier improbable, le retour de la monarchie est désormais une possibilité qui n’est plus à exclure. Gyanendra Shah, qui bénéficie de larges droits dans son pays, est un roi exilé de l’intérieur  qui garde une influence dont les communistes et marxistes-léninistes ne sont pas arrivés à étouffer (ils ont tenté en vain de lui retirer ses privilèges mais une campagne médiatique  en faveur de Gyanendra a contraint la coalition à faire récemment machine arrière). Interrogé sur les manifestations qui scandent des slogans en sa faveur (« Roi reviens et sauve le pays »), le frère du roi Birendra a déclaré « qu’il n’avait aucune part active dans ce mouvement et qu’il n’en avait pas été informé par ceux qui l’ont initié ».  Du côté de New Delhi, on se félicite que l’option monarchique ait été remise sur la table. Ancien ambassadeur indien à Katmandou (2017-2020), Manjeev Singh Puri a déclaré le 27 décembre que « la fin de  l’instabilité politique au Népal ne pouvait passer que par le retour du roi » tout en remettant en doute l’existence d’un accord entre le roi Gyanendra et le Premier ministre Oli qui a été violemment accusé par ses alliés « d’être trop laxiste face aux royalistes ». Pour les partisans du roi, l’Inde est un allié de poids mais aussi un ami envahissant  qui entend reconquérir sa chasse gardée dont il a été éjecté par la Chine, quitte à s’accaparer quelques kilomètres territorial du pays. Si le parti nationaliste BJP, au pouvoir à New Delhi, a reçu à diverses reprises le roi Gyanendra et que divers politiciens indiens ont nettement fait part de leur soutien à la maison royale, l’Inde livre une véritable guerre d’influence contre Pékin qui a envoyé une importante délégation présidée par Guo Zehyou, un important cadre du Parti communiste suite à une demande Pushpa Kamal Dahal (Prachanda), le tombeur de la monarchie et ancien premier ministre (2008-2009 et 2016-2017). Il s'agit pour la Gauche d'empêcher le retour de Gyanendra.

Compte twitter de gyanendra shahPour les royalistes, les manifestations, qui ont réunies des milliers de népalais dans la rue,  sont un véritable succès qui en dit long sur la situation économico-sociale du Népal.  Ils n’ont toujours pas digéré que le pays ait été transformé en entité laïque et fédérale. Un crime de lèse-majesté. Ils réclament le retour de l’Hindouisme comme religion d’état et s’inquiètent de la montée du christianisme dans le pays, devenue leur bête noire. Depuis plusieurs mois, l’ancien vice-premier ministre, Kama Thapa, à la tête du Rastriya Prajatantra Party (RPP), le principal mouvement royaliste, exige que les associations chrétiennes du pays soient expulsées car elles « mettent en danger l’identité nationale du pays ».  La carte d’une monarchie théocratique a d’ailleurs refait surface, les rois népalais étant considérés comme des demi-dieux, une solution déjà évoquée parmi tant d’autres peu de temps avant la chute de la monarchie. Autre joker avancé, le prince Hridayendra Shah, 18 ans et petit-fils de Gyanendra, qui a lui-même appelé au retour de la monarchie sur les réseaux sociaux et qui pourrait faire consensus parmi les partis politiques dont le Congrès Népalais. Ce dernier qui reste encore indécis sur la question d’un soutien à apporter aux Bir Bikram, cette dynastie vieille de trois siècles et dont on honore toujours chaque année la figure fondatrice, membres du gouvernement compris.  

Le souverain, suivi par 112 000 personnes sur son compte twitter, a récemment critiqué des actions du gouvernement. « Rien ne peut être attendu d'un leader qui ne respecte pas l'opinion du peuple. Ceux qui méprisent le pays uniquement pout satisfaire leurs intérêts personnels ne seront pas épargnés par le peuple lorsque le temps sera venu. Les Népalais souffrent d’être devenus des orphelins qui n’ont plus leur père légitime pour les guider » a twitté l’ancien monarque qui, bien qu’il ait démenti l’existence d’un « calendrier visant à restaurer la monarchie », a rappelé que ce n’était pas les « népalais qui l’avaient chassé du trône ». Prévues en deux temps, sur avril et mai 2021, les prochaines élections législatives vont s’avérer cruciales pour le Népal qui devra passer par une vaste alliance de ses partis de droite et d’extrême-droite si les royalistes veulent restaurer sur son trône le roi Gyanendra pour la troisième fois consécutive de son histoire.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 29/12/2020

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